
Il femble que Virgile n’a traité aucun fujet avec autant de coin-
plaifance que celui du quatriqpe livre. Il parle des abeilles, & de
quelles o-races n’orne-t-il pas toutes les aidions de ces petits infectes ?
I l indique quelle doit être la polition des ruches, il décrit avec tous
les ornemens de iâ poéfie leurs travaux, la fortie des effaims, l’ordre &
la difcipline qui régnent dans cette république. Il donne la manière de
cueillir le miel &c de guérir les maladies des abeilles.
Pofition des ruches. Etablifl'e'z, dit-il, la demeure de vos abeilles
dans un lieu abrité contre les vents, qui les empêchent de fortirpour
aller chercher leurs vivres : faites en forte, que les troupeaux refpeàent
les fleurs qui naîtront aux environs des ruches, que l’herbe ne foit
point foulée fous leurs pieds, & qu’ils n’en faffent pas même tomber la
rofée ; la guêpe, le lézard, l’hirondelle & les autres oifeaux qui dévorent
lesinfeétesne doivent point en approcher; ils y portent le ravage, &
les abeilles deviennent la nourriture de leurs petits. La polition la plus
favorable pour les ruches eft celle où il y a des claires fontaines, des
étangs bordés de moulfe, des ruiiïeaux fuyans dans là prairie. Un
palmier ou un olivier fauvage ombrageront leur demeure : ainfi ,
lorfqu’au printems les jeunes effaims fe mettront en campagne, le
murmure d’un ruifleau voilai les invitera à fe rafraîchir; & l’ombre
d’un épais feuillage, à fe repofer ; foit que l’eau foit dormante, foie
quelle coule, il eft néceflaire d’y jetter des grolfes pierres ou des
branches de faille, qui fervent de pont &C d’afyle à celles qu’un vent
impétueux a difperfées Se précipitées dans l’eaù; la lavande, la
farriète, le ferpolet croîtront autour de vos ruches, & y répandront
leurs doux parfums. • ; , ,
Les ruches feront conftruites d’ofier ou d’ecorce darbre; lentree
en fera étroite, parce que le froid gèle le miel & la chaleur Je fond.
Quoique les abeilles aient foin de boucher elles-mêmes les fentes qui
fe trouvent dans leur logement, avec une certaine liqueur vifqueufe,
dont elles font provifion pour s’en fervir dans le befoin ; cependant
pour leur éviter cette peine, il eft convenable d’enduire les ruches de
terre graflè & de les couvrir de* feuillage. Autant les abeilISs aiment
le voifrnage de certaines fleurs, autant elles déteftent l’approche de
quelques autres. Que fit ne c roi fie jamais auprès de leur: édifice,
craignez-aulïi les marais., les eaux croupiflantes & les échos reten-
tjfl'ans : évitez fur-tout de faire cuire des écreviffes dans les lieux
qu’habitent ..vos abeilles; ' i f \ , / .
Travaux des abeilles. Après les froids rigoureux de 1 hiver,
lorfque le foleil a réchauffé le vafte efpace des cieux, les abeilles
prennent leur efïor, vont buriner fur les fleurs & rafer la fùrtace des
eaux où elles fe défalterent; la vue des campagnes rajeunies leut
infoire une'joie qù’clks rapportent dans leurs cellules, elles y travaillent
à former leurs rayons & à multiplier leur efpèce.
Sortie des effaims. Dans les beaux jours de l’été, on voit fond de
fa retraite un jeune eflàim, il s’élètfe dans les airs & forme une efpèce
de nuée voltigeante au gré des vents. Après avoir, erré long-rems
dans la région fpacieufe de l’atmofphère, il fe porte enfin fur le bord
d’un ruifleau & cherché l’ombre des feuillages. Si on veut 4c faire
defeeridre dans le lieu qu’on lui deftine, il fuit lui faire fentir l’odeur
de la îneliffe & du cerinthe ( i ) broyés enfemble, & faire retentir à
l’entour le fon de l’airain : ce bruit qui l’épouvante & l’odeur qui
l'attire l’avertiflent d’entrer dans fa maifon nouvelle.
Mais toutes les fois que vous appercevrez dans les airs ces myriades
d’abeilles, ne croyez pas que ceft un effaim nouveau qui fort de la
ruche ; il arrive fouvent que ce font deux armées ennemies qui volent
au combat. Le poète décrit les préparatifs de cette bataille, l’ordre &
la marche des éfeadrons avec autant de foin qu’il peint dans l’Enéide
les . combats de Tumus-& d’Enée. Le moyen de rétablir la paix , que
l’ambition des chefs avoit troublée , confifte uniquement à jetter en
l’air un peu de fable ; .alors le tumulte s’appaife, tout ce grand mouvement
finit en un inftant; &, pour affûter cette heureufe tranquillité,
il . faut donner la mort au vaincu & décerner la couronne au
vainqueur.
Quelquefois dégoûtées du travail, les abeilles quittent leurs atteliers
& voltigent aux environs de leurs ruches ; pour les rappeller a leur
premier emploi,:il frfet arracher les ailes de leur roi: privées de leur
général, les .troupes noferont déployer leurs, enfreignes ni fe mettre
en campagne. Pour fixer irrévocablement leur humeur volage, on
plante autour de leur demeure des fleurs odoriférantes, du thiiii &
même certains arbres quelles aiment de préférencecomme le pin
Virgile témoigné fes regrets de ne pouvoir chanter les jardins £ là
culture des plantes. II.n ’y avoir point de fujet plus conforme à fon
goût & a fes inclinations ; la defcriprion fuperbe qu'il fait d’un jardin
cultive, par un-vieillard de Cilicie, qui habitait les bords du Galefe
infpire le defir le plus vif d’apprendre ce qu’il n a pu traiter
Ordre qui régné parmi les abeilles. Il n’y a point de république
mieux ordonnée que celle de ces petits infectes; logées dans la même
ruche, les abeilles vivent fous les mêmes loix quelles obfervent avec
Une. exactitude i.goureufe. Leur prévoyance les rend laborieufes durant
-ete "T kuf ait ramafler des provifions pour l’hiver ; les- unes font
ïi-iv] 1« Êonmifles moderhes; il ef, pre