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lapaflée,au tombereau, au feu, à la glu, aux lacs, à la poche, aux
rets, à la chouette, au duc, à l’appeau, au rejetail, &c. Enfin, il recommande
un délaflement bien plus utile encore, la lecture des bons livres.
I l cite l’exemple des grands hommes qui en ont fait leurs délices.
Scipion l’africain difoit à fes amis : Qu’il n’étoit jamais moins fe u l,
que quand il était feul. Si le père de famille avoit une teinture de
botanique, de mufique, de géométrie ou de peinture, il pafferoit dans
fa campagne des momens pleins de charme & d’agrément.
Liger. Au commencement de ce fiècle Louis Liger, fi avantageufement
connu parmi les auteurs modernes qui ont écrit fur l’agriculture, publia
lès premiers ouvrages. Animé du defir de fe rendre utile a fes concitoyens,
il s’attacha avec un zèle infatigable à connoître & à approfondir tout
ce qui fe rapporte à l’économie champêtre. Les foins induftrieux du
ménage, la culture des jardins & des potagers, la manière de planter,
de tailler & d’élever les arbres fruitiers, furent autant d’objets fur lefquefs
il nous a laiflé des inftruétions importantes : mais le livre qu’il a travaillé
avec le plus de foin, c’eft fon théâtre d’agriculture, dont la première
édition parut en 1713. L’auteur, en y renfermant tout ce que cette
matière offre de plus intéreffant & de plus utile, l’a pouffe, dit-il,
au point de ne laijfer plus rien à dejîrer fu r cette matière. Les
connoiflànces qu’il avoir acquifes fur ce fujet, le mirent en état de
perfeéfionner peu-à-peu ce traité, dont il avoit déjà- publié différens
morceaux en divers tems & fous différens titres : & pour mettre dans
fon ouvrage l’ordre dont il étoit fufceptible, il le divifa en cinq
livrés.
Livre premier. Parce que tous les hommes ne font pas nés avec
les qualités néceffaires pour fé livrer aux arts, il eft abfolument néceffaire
de s’examiner pour voir fi on eft capable d’y réuflïr. Liger expofe,
dans le premier livre, quelles font les qualités du corps & de l’efprit
qui forment le plus avantageufement un homme pour l’économie rurale ;
enlüite il entre dans un détail âflèz long fur les diverfes elpèees de
terroir qu’on peut cultiver; il en approfondit la nature, tant en général
qu en particulier ; & il donne la manière de lemefurer, fuivant fes diffé-
rens ufages de chaque pays : il parle de la eonftrrrétion d’une maifon de
campagne ; il détermine exactement 1e prix de, tous fes matériaux qui
fervent à la conftruftion des édifices &‘il en fpécifie le choix & l’ufage ; il
apprend encore comment fe doit comporter un bon économe dans fe
terre, pour y jouir du fruit de fes travaux;:quel ordre il doit foire obferver
dans l’intérieur de fa maifon, afin que la dépenfe n’y excède pas le
revenu; l’attention qu’un père de famille doit apporter au choix des
domeftiques; la manière d’affermer les biens de. la campagne ; la
peceffité de faire différentes proyifions; les moyens de les conferver
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pour les employer chacune dans la faifon convenable, ou pour fe
défaire des furperflues. Nous ne donnerons qu’une notice de ces divers
articles.
Connoijfanèes nécejfaires à celui qui veut f e livrer à l’économie
champêtre. La connoiffance de foi-même eft la fcience qu’un cultivateur
devroit 1e plus approfondir ; fi chacun travailloit ainfi à fe connoître,
on éviteroit des fautes' très-confidérables ; & ce, qu’on entreprendrait
réiiffîroit bien mieux, parce que tout ferait proportionné au»
lumières & aux moyens dont on ferait pourvu.
Chaque emploi demande, pour ainfi dire, un talent particulier,
fans lequel on ne l’exerce que fuperficiellement; mais l’agriculture,
en général, exige dés talens qu’on ne trouve réunis que difficilement;
il y a une multitude de pratiques à fuivre, beaucoup de connoiflànces
à acquérir, une infinité de recherches à faire & des fecrets à développer;
tous ces détails demandent des foins continuels; il faut toute
la force du corps & l’attention la plus réfléchie pour les remplir avec'
luccès : ceux qui fe propofent de s’adonner à l’agriculture , doivent
donc porter une attention fcrupuleufe fur leurs facultés individuelles,
pour juger s’ils font propres au genre d’occupation qu’ils vont entreprendre.
Ce ferait une erreur, de croire qu’il fuffit d'avoir du génie pour
reufllr dans l’adminiftration des biens de la campagne ; il faut en outre
que ce foit un génie né pour cette forte d’emploi ; un génie vigilant
pour ne point fe laiffer furprendre; aéfif pour fe porter fansceffe fur
tout ce qui l’intéreffe; & entreprenant, puifque que ce n’eft que par
les entreprifes, lorfqu’elles font bien concertées, qu’on fe dédommage
abondamment de toutes les peines qu’011 fe donne à la campagne. Il
ferait à defirer que tous ceux qui ont fixé leur féjour à la campagne,
fuflènt capables de faire toutes fes réflexions dont nous venons de parler;
ou plutôt il ferait à defirer que le ciel, par une faveur fpéciale, les eût
fait naître avec ces heureufes difpofîtions ; toutes leurs entreprifes fuccé-
derôrent au gré de leurs defirs : mais un pareil bonheur n’eft pas commun
a tout le monde. Heureux celui qui le pofsède,& plus heureux encore
celui qui fait en ufer comme il faut f
Ces campagnards d’origine, ces hommes qui font nés au centre des
travaux ruftiques, ne font pas plus exempts que les premiers de s’examiner
intérieurement fur l’emploi auquel leur état les deftine; on
pourrait meme dire que, quand ils y manquent, ils s’attirent des
reproches avec d’autant plus de raifon, que la perte de leur bien en eft
ptcfque certaine. On ne dit pas cependant qu’il faille abfolument qu’il»
aient en partage tous les talens riéceffaires pour exercer l’agriculture,
puifque ç’eft un avantage qui ne dépend pas d’eux; mais à cela