
Dans quelques provinces méridionales, on ne fait
autre chofe que de les coucher fur le côté , &
lés couvrir d’un pied de terre dans leur même
place, où ils fe confervent fort bien jufqu’à
Pâque •, mais, dans ce climat, les terres font
trop froides & les hivers trop longs. J ’en ai
fait l’épreuve, ils ont pourri -, on ne doit pas
négliger ce dernier profit.des Artichauts, d’autant
plus que leurs Cardes ont beaucoup plus de
finette & de goût que celles du Cardon d’Èfpagne.
» I l me rette à dire, à l’égard de cette plante,
quelle a fes ennemis comme toutes les autres*,
le mulot , la mouche & le puceron la tourmentent
beaucoup, chacun dans là faifon. Le premier
la laifle allez tranquille pendant l’été, mais
l’hiver il mange fa racine & détruit quelquefois
des carrés tout entiers. Pour les préfferver, on
eft afiez dans l’ufage de planter un rang de
Çardes de Poirées, qu’en nomme Bettes-J3londes
dans les provinces, gu milieu de chaque planche
d’artichauts^ la racine de cette plante étant plus
tendre, ils s’y attachent, plutôt qu’à l’Artichaut
qui, par cette rajfon, fe trouve épargné*, mais ce
préfervatif a fon inconvénient, car cette Poirée,
qui eft une plante forte fait de l’embarras entre
les Artichauts, & elle effrirte la terre; je trouve
qu’il efl mieux d’en planter trois rangs très-prés
les uns des autres, tout-au-tour du carré pour
fervir de retranchement aux Artichauts. L ® mulot
s’y arrête quelquefois au pafl’age, & ne va pas
plus avant. On peut encore diminuer le nombre
de ces animaux pgr le moyen de beaucoup de
quatre-de-chiffre qu’on diftribue autour du carré *,
il s’en prend quantité, pourvu qu’ils foient exactement
tendus tous les jours, & les appas renouvel
lés : le meilleur eft la graine de potiron.
f 5 A l’égard de la mouche & du puceron, on
n’y a ppint encore trouvé dp remède*, on remarque
feulement que les fréquens arrofemens les détour*
nent quelquefois, & que les terres fortçs y font
moins fujetres que les terres légères.
».La durée ordinaire dp cette plante eft de
trois ou quatre ans, paffé lequel tems elle ne
périt pas radicalement, mais elle ne donne que
du fruit mjférable, il faut en replanter d’autres,
& choifir une autre place.
Dans les années où la grande rigueur de
l’hiver fait périr cette plante, comme il eft arrivé
en 174P & 1742 , où il n’eft pas facile de
retrouver des peilletons pour ,en replanter, il
faut avoir recours à la graipe qui réuflit fort
bien; onçnfème trois grains danys chaque place,
où on mpt Une poignée .de, tprreau, & quand
ils font levés, c’eft-à-dire, un mois après, on n’en
laiffe qu’un, fy. on arrache les autres; ils donnent
leur fruit, on dans l’automne, ou au prjntems,
tout coqinie Içs peiilerons; il eft dope à propos
d’avoir toujours une petite prpvifion de grainç
qui fe conferve fort long-temsf, & qui eft fou-
vpnt demandée, foi; pçmi; les province? éloignées,
foît pour les ifles, où on ne peut pa* envoyer
des oeilletons : elle fe trouve dans le coeur dé
la pomme qu’on laiffe fècher en place, comme
je l’ai dit plus haut; & , pour éviter quelle ne
pourriffe en mùriffant, il faut piquer un échalas à
un pied environ de la plante, du côté du nord,
& y attacher la pomme, qu’on penche de manière
qu’elle regarde l’horizon, afin que l’eau
des pluies , qui viennent ordinairement en été,
du côté du midi, ne puiffe pas y entrer.
>5 On jouit de ce fruit depuis le mois de mai,
jufqu’en janvier & février, & on peut le conserver
fec toute l’année : voici la meilleure manière.
» I l faut d’abord éclater de force les pommes
de leurs tiges, & non pas les couper; la raifon
eft qu’en les éclatant, les tiges entraînent les
filets qui font annexés au cul, ce que le couteau
ne fait point. On les jete enfuite telles
quelles font dans l’eau bouillante, où on les
laifle cuire à moitié ; retirées de l’eau, & un
peu refroidies, on arrache toutes les. feuilles, on
ôte le foin avec une cuiller, & on coupe le deffous à
l’épaifleur d’un petit écu ; tout de fuite, on les
jete dans l’eau froide, & après y avoir reflé deux
heures, on les met égoutter fur des claies, expo-
fées au foleil, où on les laifle deux j ours, d’où
on les fait paffer au four pour achever de fé-
cher, en obfervant qu’il n’y ait qu’une petite
chaleur; on les y laiffe jufqu’à ce qu’ils raient
bien fecs, & on les renferme enfuite dans un
endroit où il n’y ait point d’humidité.
»Pour s’en fervir, on les fait tevenir dans
lpau tiède pendant quelques heures, & on les
\ fait cuire à l’eau bouillante, en y jetant un
morceau de beurre, manié avec de la farine; on
les apprête enfuite au jus ou à la fauce-blanche;
on les mêle auffi dans les ragoûts ; mais s’il nveft
permis de dire mon fentiment, c’eft ut» manger
fort médiocre, & l e s bons cuifiniers ne s’en fervent
guères; confits à l’eau falée, ou au vinaigre,
ils valent encore moins , car ils prennent un
goût mariné & défagréable, qui efface tout-à-
fait leur véritable goût.»
Nous ignorons fi ce procédé eft le meilleur
qu’on puiffe employer pour conferver fèches les
pommes d’artichaut; mais nous avons cru devoir
le rapporter , par refpeél, pour l’Auteur
du meilleur traité de la culture de cette plante.
( T h q v ix .)
Culture particulière de VArtichaut a Laon.
Ne Tachant point fi M. Thouin traiterait en
détail la culture de l’Artichaut qui fe fait en
grand à Laon , Noyon, Chaulny & autres lieux
de la Picardie, j ’ai cherché à nrinfiruire àe
Cette culture, dans l’efpérance d'être utile à noî
lecteurs. Ce qu’il y a de mieux à publier, ce
font, à mon avis, les pratiques des pays
les plante« fe cultivent en grand. Des réponfes
à des queftions faites au Pere Cotte, Prêtre
de l’Oratoire, formoient la plus grande partie
de l’article. M. Thouin a cru devoir copier ,
dans Y Ecole du Jardin potager , tout ce qui
a rapport à cet objet, & il a eu raifon, parce
qu’on y trouve un traité complet de la véritable
culture de l’Artichaut, & plus étendu que je
n’aurois pu le donner.
Pour ne pas faire un double emploi, je me
bornerai à inférer ici quelques particularités relatives
au commerce que la ville de Laon fait
tous les ans en artichauts.
La ville de Laon eft à 49® 33’ 52' de latitude.
Les Artichauts s’y cultivent, pour la plupart,
dans la paroiffe d’Ardon, fituée aux pieds d’une
montagne, au midi.
On y emploie environ trente arpens, qui
contiennent chacun cent Verges, à 22 pieds la
verge. La terre en eft noire, fablonneufe, humide.
L ’Artichaut ne réuflit pas aufli bien dans
une terre franche, quoiqu’elle foit humide. On
laboure à la bêché , à environ huit pouces de
profondeur. On fume avec du fumier de cheval,
d’âne, ou de mulet, & jamais avec du fumier
de vache , qu’on regarde comme trop froid. C’eft
avec du fumier de cheval qu’on couvre en hiver
les artichauts.
manière de multiplier l’artichaut de graine ,
quoique cette manière renouvelle l’efpèce, &
foit néceffaire quand la gelée a détruit les plants,
ou pour faire des envois au loin. On fe contente
de les oeilletonner. L’article de M. Thouin-
ne s’étendant pas fur la multiplication par graines,
il eft bon que j’en dife quelque chofe. La graine
qui a plufieurs années, eft préférable à la nouvelle
; cette remarque a lieu pour bien des graines.
Leffentiel étant de former beaucoup de têtes à
1 artichaut > il en produira d’autant plus que fa
végétation fera plus ralentie. Les plantes des
vieilles graines montent moins facilement que
celles des nouvelles.
} 0 ° pourrait femer en place la graine
d artichaut , en mettant deux graines dans
chaque trou , avec un peu de terreau , &
cfpaçant convenablement les trous. Il vaut mieux
femer la graine fur coucha, en février ou en
mars , pour repiquer les plants un mois ou fix
Semaines après ; c’eft le moyen de hâter fa jouif-
fance. Des plants ainfi élevés & foignés, donneront
des artichauts en automne, comme fi on
eût planté des oeilletons. Avec la graine, on
obtient des pieds très-vigoureux à la fécondé
année. A la vérité, il s’en trouve quelquefois
d épineux, en plus ou moin9 grande quantité ;
on les arrache pour s’en débarraffer.
LArtichaut à tête verte, eft le feul qu’on
cultive à Laon ; on n’y fait point de commerce
cl oeilletons. Ils font tous employés pour être
Agriculture. Tome I I ,‘ Partie*
plantés dans le pays. Ceux qu’on vend quelquefois,
fe paient communément 3 liv. le millier,
5 ou 6 liv. quand ils font rares. A Paris, on
les vend 10 ou 12 liv. le millier. En 1789, on
les a vendu jufqu’à 9 liv. le cent, parce que la
gelée avoit détruit prefque tous les plants.
Les ennemis de 1 Artichaut, à Laon, font les
pucerons, le rat d’eau, la courtilière & le mulot.
L'article de l’Ecole du Jardin potager rapporte
plus haut les moyens de garantir l'artichaut
contre les attaques des pucerons & du mulot.
Les champs d’artichaut éranr près d’une petite
rivière, le rat d’eau, pendant l’hiver, s’en nourrit;
on fe met à„l'affût pour le tirer. Pour détruire
la courtilière, efpèce d’infeéle, on jette
dans fon trou quelques gouttes d’eau, & pardef-
fus un peu d’huilé 8c de l’eau encore; linfeCl®
périt fur-le-champ. On aflure que fî on environne,
avant l’hiver, les pieds d’artichaut de barbes
d’orge, qui font piquâmes, on empêche les mulots
d’en approcher. J e n en ai pas fait l’expérience.
Les tiges d’artichaut à Laon, ont quatre pouces
de circonférence, & deux pieds & demi do
hauteur. Les feuilles ont deux pieds d’étendue.
Les racines font fortes & ont beaucoup de chevelu.
Les moindres têtes ont dôuze pouces de
circonférence, les plus grandes, feize pouces, &
les moyennes, quatorze. A Tours, les têtes d’artichaut
font plus groffes; car elles ont quelquefois
jufqu’à huit pouces de diamètre, c’eft-
à-dire , vingt-quatre pouces de circonférence.
J ’en ai vu de cette largeur dans une Province ,
où il fait moins chaud qu’à Tours.
On eftime qu’à Laon, un arpent de terré
peut produire fix à fept milles belles tètes d’artichaut,
fans compter les petites qui fe formen*
autour de la principale tige.
Dans les terres légères, l’artichaui, commô
beaucoup d’autres légumes, eft plus fendre, 5c
a plus de goût que dans les terres fortes, où
il eft ordinairement chancreux. Ceux des jeune*
pieds font meilleurs que ceux dés vieux.
Un terrein refte à Laon deux ans planté en
artichauds; on cultive enfuite à la place des légumes
, tels que les oignons, les épinards , les
choux, &c ., fans y répandre d’engrais.Deux ans
après, on y replante, des oeilletons; mais auparavant
il faut y mettre de l’engrais. H y a lieu
de croire que les cultivateurs d’artichaurs de
Laon trouvent plus de profit â ne les laifferque
deux ans de fuite dan<^la terre où ils les plantent
, qu'à les y laifler plus long-tems, comme
on le fait dans les potagers ; ce qui fait préfumer
qu’en les renouvellant fouvent, ils donnent,ou
plus de têtes, ou déplus belles. On peut, fur cela,
s’en rapporter à leur induftrie & à leurs intérêts.
Un arpent propre à une plantation d’artichauts,’
fe loue à Laon, de 75 à 90 livres. Sans doute,
ce prix confidérable n’eft pas dù feulemehr à
l’excellence du tctreîn, mais à la convenance
p p p p