progrès de l’agriculture, ne fera pas le feul bien qui en réfultera.
Les chevaux propres à la culture des terres font devenus rares &
chers. On fait qu’ils doivent être différens de ceux qu’on deftine à
traîner des carroffes ou à monter des cavaliers. Dans le projet d’embellir
cette efpèce même, projet qui mérite de la . recoiinoiffance,
quoiqu’il n’ait pas rempli fon but, on a établi des étalons de diftance
en diftance dans les pays d’élèves. Il a été défendu aux fermiers
d’avoir chez eux des chevaux entiers, &c enjoint de mener leurs-
jumens aux étalons qui leur ont été délignés. Soit que les étalons ne
l'oient pas alfez multipliés, foit que les hommes auxquels on en a
confié la garde, ne les nourriffent & ne les foignent pas convenablement,
la plupart des jumens perdent infructueufement leur chaleur
ou ne retiennent pas, ou ne font que de foibles poulains ; en forte que
le moyen regarde comme propre à améliorer l’efpèce eft devenu la
caufe de la diminution confiderable qu’on en éprouve (i). Au refte,
le projet ne pouvoit avoir que Ja moitié du fiicçès, qu’on en attendoit,
parce que, pour produire de beaux chevaux, il ne fuffit pas que l’étalon
foit de choix; il faut que les jumens aient des qualités correfpon-
dantes, & que d’ailleurs les poulains, dans les premières aimées, ne
manquent d’aucuns, foins. Heureufement, fur cet objet, le voile eft
rompu ou prêt à fe rompre; l’adminiftration inftruite que les eflais
quelle avoit voulu faire, n’ont produit qu’un effet nuifibleàla fortune
des cultivateurs, s’empreffera d’y remédier & laiftera aux fermiers la
liberté d’avoir des chevaux entiers en leur poffeffion pour le fervicede
leurs jumens. L ’efpèce en fera moins belle, il eft vrai, mais elle fera
moins rare & aufti utile. J J agriculture ne fe verra plus privée d’un
fecours dont l’interruption lui a été défavantageufe ; d’ailleurs on peut
s’en rapporter, à l’appât du gain, fi puiffant fur jes; hommes, pour
avoir de belles efpèces de chevaux. Les cultivateurs, affurés de les
bien vendre, fauront en élever & en fournir les amateurs.
Le befoin feul d’engrais, à mefiire qu’on a défriché davantage-, .a
rendu plus néceffaire l’augmentation des bêtes à cornes, dans les pays
même où les labours fe font avec des chevaux. Les cultivateurs l’ont
fenti ; mais ceux qui fe font procurés un plus grand nombre de vaches
(i) Cette vérité fut fentie dès 1730 par le Maréchal de Villars. ce Dans les dernières
55 guerres, difoit-il, à Louis X V , on droit plus de 25000 chevaux, tous les ans de ,1a
55 Bretagne & de la Franche-Comté. Depuis la mort du feft roi il ypus en coûte plus
J?de icooco écus par an pour établir des haras, & ceft précifément depuis ce tems-là
55 que tous ceux que vous aviez en France font détruits. .Commencez par épargner vos
55 icoooo écus •, rendez aux peuples la liberté quon leur a ôtée; d’avoir des jumens &
55des étalons, & vous verrez que les chofes reprendront leur ancien course au lieu
35que, par vos précautions ,j la, quantité de chevaux diminue tous les jours. 33 V it ou
journal du Maréchal de Villars , quatrième vol. pag. 24.
en ont perdu beaucoup dé maladies, parce qu’ils les ont, pour ainfi
dire , entaflë dans des etàbles, qu’il eût fallu agrandir ou corriger
auparavant. Ils né Setoient pas encore appliqués non plus à connoître
les plantes qiii pduvoienf leur fbürïlii- des herbes ou des racines fraîches
dans préfque toutes les faifbns de l’année. Leurs pertes les ayant rendu
plus attentifs fur leurs véritables intérêts, il y à lieu d’efpérer qu’ils
entretiendront faihemént de plus grands troupeaux de vaches, dont ils
tireront plus d’engrais, plus de veaux & plus de laitage.
Quoique je fois pcrluadé qu’en général rien n’eft plus propre à
fâvorifer ¥ agriculture qiïé la libre exportation des denrées, de quelque
nature quelles foient, je crois cependant que la vente des agneaux,
pour les boucheries, doit être rigourêüfëment défendue. C ’eft une
denrée anticipée, introduite par lé luxe des tables, & dont la privation
n’eft fûjette a aucun inconvénient. Au Contraire, l’ufâge qu’on en
fait dans la capitale & dans les autres villes, nuit à la multiplication
des moutons & brebis,...’qui forment un aliment plus ïûbftantiel, four-
niflèht des fhifs & des laines & donnait les meilleurs engrais-pour les
terres.. Ces motifs, fans doute, ont été la caufe des régiemens, qu’on
a renouvellés plus d’une fois relativement à la vente des agneaux. Le
plus ancien que je connoiflè, eft une ordonnance de Charles IX (i).
Depuis cene époque il a été permis de tems en tems de tuer des
agneaux, avec des reftriétions dont on a toujours âbufe. Au commencement
de ce fiècle, il y a eu encore quatre arrêts du confeil (2 ) pour
le défendre entièrement. Il paraît que- ces défenfes ont été levées
puifque maintenant, dans la capitale, la vente des agneaux fe fait
librement. Puiffc l’intérêt de Y agriculture & du commerce, préférable
au luxe des tables, faire renouveller d’une manière permanente des
défenfes dont le gouvernement a tant de fois fenti les avantages !
Trop fouvent des-épizooties meurtrières défolent les .campagnes en
enlevant des animaux néceffairés à Vagriculture'; trop fouvent le laboureur
infortuné voit périr fes chevaux,fies boeufs & Tes moutons,
fans pouvoir arrêter la caufe du fléau qui l’afflige. C ’eft flanc la vue
de prévenir les effets de ces -pertes, que, fous le règne dernier, on a
établi deux écoles vétérinaires, l’une auprès de Paris & l’autre à Lyon.
Le but qu’on fe propofoit étoit d’y former des élèves capables de
porter du fecours aux beftiaux malades. Cette belle inftitution n’a pas
encore acquis toute la perfection dont elle eft fufceptible. loferai me
permettre ici quelques réflexions a ce füjet, afin de faire connoître ce 1 2
(1) 20 janvier 1563.
(2) 24 avril 17 14 3 19 janvier 17 15 : 4 avril 17203 15 janvier 1726.