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du débit. La culture la plus remarquable que Je
connoiffe, efl celle des.villages de la Tranche en
bas Poitou , vis-à-vis l’Ile-dè-Ré, 46 degrés 20
inimités de latitude, & de Saint-Trojeanenl’ile
dOléron, 46 degrés de latitude. Les renfeigne-
inens que je me fuis procurés de ces deux endroits,,
me mettront à portée d’en donner un détail exaét.
J e dois les uns, & ce font les plus étendus, à
M. Picami ,médcein à H le de Ré, & les autres aux
foins de M. Seignette, fecrétaire de l’Académie de
la Rochelle.
Il y a deux fortes d’ail cultivé, le rouge & le
blanc. Le Diélionnaire de Botanique ne les regarde
que comme deux variétés. On plante le premier
à la.Touffainrs , pour le manger en verd au prin-
tems. Le fécond, qui fait le principal objet de
commerce, fe plante immédiatement après les
grands froids. , ; ' :
A la Tranche .& à Saint-Trojean, le terrein
deflihé pour î’ail eft un fable meuble ; il ell fitué
entre les dunes & la mer. Sa nature & fa pofirion
contribuent fans doute à donner à l’a i l , qui y
végète, plus de facilité à groflir & plus de qualité.
A la Tranche il a l’afpeét du couchant & à Saint
Trojean celui du . nord ; i f paraît qu’on évite autant
qu’on peut, dé placer l’ail au midi, à caufe
de la grande ardeur du foleil & de fon effet dans
un fol facile à s échauffer. Au mois defeptembre
on lui donne, un premier labour à la boude y inf-
trument qui reffemble beaucoup à la marre des
vignerons. Mais auparavant il faut arracher les'
herbes qui le couvrent. On les laiffe croître juf-
qu’à ce moment , moins parce que d’autres travaux
empêchent de lès ôter plutôt, que parce qu’on les
réferve pour brûler. Lés habitans, dans ce pays
où le bois^ eft cher & rare, ont befoin de. ces
herbes, qu’ils font fécher, pour cuire leurs ali-
mens & le chauffer.
Pendant tout le mois d’oélobre & une partie
de novembre, les chaloupes de la Tranché . &
de Saint-Trojean, font occupées à apporter fur
le rivage le fa rt ou goëjmon. Que la mer détache
des rochers. Voye[ v a r ec . C’eft afin de fe procurer
un engrais utile à la culture de l’ail.
L a fécondé façon fe donne vers Noël ; on dif-
pôfe à chacune la terre en filions ; bientôt on les
applanit, on forme des planches & on plante Bail
à cbmmencer du mois de janvier. On allure que
les habitans de Saint-Trojean, moins fuperflitieux
apparemment que d’autres cultivateurs , n’ont
aucun égard aux phafes de la lune, & qu’ils
plantent indiftindement l’ail à la nouvelle & à
la pleine lune. Lorfque la plantation efl faite,,
on relève le terrein autour, afin de le garantir
des animaux & des rafales du vent.
Cette manière de cultiver l’ail, efl bonne pour
un terrein fablonneux ; mais fi on veut en
avoir dans un potager argilleux , il faut s’y
prendre .autrement. Après, avoir labouré à la
bêche le terrein, & l’avoir bien ameubli, on doit
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y faire des Allons de trois pouces de profondeur '
dont la terre rejetée de droite & de gauche *
forme une élévation de quatre à cinq pouces
au-deflus du niveau du terrein •, c’efl fur la crête
de ces filions /qu’on plante les cayeux fur une
même ligne à trois pouces de profondeur & à
la diftance de quatre pouces les uns des antres ;
on conçoit que par ce moyen, on remédie à
« la grande humidité, qui efl contraire à la multiplication
de 1 ail. On fait ordinairement ces
petits ados autour des planches de falades ,
oignons, &c. , & aux dépens des fentiers.
Quand on ne plante pas l’ail fur des ados, c’efl:
aufli fur les bords des planches ou des plate-
bandes} enfemencées en oignon, qu’on le pique
ordinairement. On fait choix des plus beaux
cayeux du pays > fans les tirer d’ailleurs. Les voi-
fins feulement changent entr’pux, peut-être même
aflez inutilement ; puifqu’on choifit les plus fains
&. les plus beaux cayeux, on n’a point à craindre
de quelque terrein qu’ils viennent, qu’ils n’en
produifent pas de bien conftitués. 11 efl à remarquer
que le même terrein efl toujours employé
pour porter d e i ’ail. Les engrais fans doute le
renouvellent & les autres circonftances, favorables
a la culture de l’a il, fuppléent au refte. Une groffe
bnlbe, qui quelquefois contient jufqu’à quinze
petits cayeux, efl partagée en plufieurs pour former
du plant. Ce n’eft point de graine qu’on
multiplie 1 ail ; ce moyen, qui réufliroit, fans
doute, ne feroit pas avantageux, puifqu’on n’au-
roit la première année que de petits cayeux, qu’il
raydroir replanter. En employant les cayeux même
on gagne une année* On enfonce chaque plant
à deux pouces, le petit bout en haut, & on
les éloigne au moins de quatre pouces les uns des
autres. Le plantoir fait les trous & la main les
recouvre. On répand enfuite fur toute la furface
du terrein du fart, ou du fumier, ou moitié fart
oc moitié fumier, ou même du marc de raifin
dans les pays , où il y en a de l’épaifleur d’en»
viron un pouce *, ces engrais à l’exception du
tumier, qui efl préférable aux autres, n’y reftent
que jufquà la fortie des plantes; alors on les
place dans des rigoles, où ils fe putréfient.
L ufage de quelques pays efl de farder l’ail avec
une petite bêche pendant fa végétation ; dans
d autres on fe contente d’ arracher à la main les
herbes qui pouffent parmi. On ne 1 arrofe pas
foit parce que le voifinage de la mer y attire de
tems en tems de la pluie, foit parce que le f e f
dont le fable efl imprégné naturellement & dont
on 1 imprègne encore en le couvrant de fable
ïur lequel il y en a beaucoup, attire aflez l’humidité
de l’air pour les befoins de cette plante.
Car je ne puis croire quelle n’exige pas d’arrofe-
mens, puifque lorfque nous la cultivons dans nos
jardins, .elle périroit pendant les grandes féchc-
reffes, ou viendroit mal, fi elle n’étoit pas arrofée.
Quelquefois, eptre les rangs d’a ii, on sème des
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fèves ou d’autres légumes, qui donnent une
fécondé récolte.
Planté en janvier ou en février l’ail fleurit en
juin ou au commencement de juillet. Ses tiges
s’élèvent à la hauteur d’un pied ; elles acquièrent
la groflenr du doigt, & les bulbes appellées têtes,
celle d’un petit oeuf. La maturité efl annoncée par
le defsèchement des fanes.; elle .a lieu vers la fin
de juillet.
On dit que le vent de fud-oueft efl à craindre
pour l’ail à Saint-Trojean , apparemment parce
que ce vent efl brûlant. Quelquefois un ver blanc
en dévore les racines.
A mefure qu’on arrache l’ail on en fait des
poignées, pour les faire fécher ; on les attache
fur des.piquets le long des murailles au foleil, ou
on le; étend fur des dunes ; quand elles font sèches
on les fecoue, on les amoncèle, on les couvre de
rofeaux pour les mettre à l’abri de la pluie, qui
les feroit pourrir. On les rentre au bout de quelque
rems , & afin de les conferver , même
plufieurs années, avec leur qualité, on les met
dans des façs, où on les fufpend au plancher, il
efl important de les garantir de toute humidité.
L ’ail gâté fe reconnoît, parce qu’il efl flétri & léger.
Lorfqu’on veut récolter des graines de cette
efpèce d’ail, il convient dechoifir les plus greffes
bulbes, & de les planter routes entières au prin-
tems avec leur cayeux. Elles produifent des tiges
hautes d’environ deux pieds, qui fe terminent
par un bouquet de fleurs blanches } auxquelles
fuccèdent des capfules de la groflenr d’un pois,
remplies de femences noires & arrondies, que
l’on conferve dans leurs têtes jufqu’au moment de
les femer.
A la Tranche la botte d’ail efl de fix à fept
cens têtes ; elle fe vend, dit-on, depuis douze
fous jufqu’à trois livres, félon la groffeur & la
bonté des goujfes. J ’ai peine à croire qu’il puiffe
y avoir cette différence dans le prix. A Saint-
Trojean, la poignée d’ail efl de cent têtes ; elle
pèfe de deux à trois livres. On la vend communément
trois fous. On croit que fix pieds quarrés de
terrein peuvent en produire vingt à vingt-cinq
poignées.
Ce qu’on récolte d’ail dans ces deux villages &
leurs dépendances efl porté à Bordeaux, à Roche-
fort , à la Rochelle, à Saint-Martin de l’ifle de
R é , pour être embarqué.- Les environs de Toulouse
fourmiffent aufli une partie de ce qu’on en
confomroe à Bordeaux. Les vaifièaux en prennenr
pour leur ufage, & en tranfportent en différons
pays & fur-tout à Saint-Domingue, où cependant
cette plante efl cultivée. Les marins ferrent l’ail •
dans la cambufe, qui efl un endroit fec. Les
officiers & les matelots en confomment beaucoup
dans les trayerfées.
A Saint-Trojean , où l’a il, à ce qu’il paraît, ne
fe cultive qu’autour des planches d’oignon, &
RtèU avec de l’échalotte., on croit qu’un journal
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de terre, qui contient cent carreaux , le carreau
de dix-huit pieds, pourrait produire année commune
cinq, fix & plus de fept milliers d’oignons i
trois à quatre cens d’échalottes & cinq à fix milliers
au moins de têtes d’ail. Les cultures ne font nulle
part dun journal entier. Chacun y confacre quelques
morceaux de terrein.
U y a en France beaucoup d’autres pays où l’on
cultive 1 a il, 1 oignon & l’échalotte, peut-être
moins abondamment qu’à la Tranche & à Saint-
Trojean; c efl fur-tout dans les provinces méridionales,
parce que ceft-là que s’en fait la plus
grande conformation. On voit des marchés &
des foires qui en réunifient des quantités prodi-
gieufes. A celle de Beaucaire, il y en a de quoi former
le chargement de dix vaiffeàux. On en fait
peu d’ufage dans les provinces. du nord & parti-
lièreinent à -Paris, à caufe de l’odeur dëfagréable
qu’en reçoit l’haleine.
On mange les feuilles fl ail dans les falades;
on en mange les bulbes cuites fous la cendre ; on
les emploie dans les ragoûts & les fauffes de poiffon
& de viande ; on en pique la viande pour lui
donner du goût. Le peuple aime à l’exprimer fur
fon pain. C’eft plutôt un aflaifonnement qu’un
aliment.
J ’avois demandé à la Tranche & à Saim-Tro-
jean , fi dans les pays , où on cultive l’a il, les
perfonnes qui s’en occupent étoienr à l’abri des
maladies putrides, à caufe des vertus attribuées à
cette racine. On m’a répondu de la Tranche que
les cultivateurs d ail étoient., comme les autres
Sujets aux fièvres contagieufes, & de Saint-Trojean
que les habitans s’y pôrtoient mieux que dans
la plaine J ce qui dépend , à ce qu’on ferait, du
voifinage de la mer.
L ’ail entre dans la compofition du vinaigre des
quatre voleurs. 11 efl regardé comme antipeftilen-
tiel. Les gens qui craignent de contrarier des
maladies , portent toujours fur eux de l’ail. Bien
des ouvriers en mangent avant d’aller au travail
pour fe préfer ver du mauvais air ; on le fait
prendre aufli à des animaux dans du vin. Il a
l’odeur plus forte que celle des autres oignons; il efl
âcre & même cauflique, puifqu’il fait partie des
épipafliques pour attirerla goutte aux pieds. L ’infu-
fion de l’ail efl apéritive, diurétique, fudorifique,
même antihyftérique, & fur-tout vermifuge. Elle
calme les douleurs caùfées par la pierre. ( M. U abbé
T e s s i e r , )
A i l de loup, ail de chien. Dans les environs
de Mirecourt en Lorraine , on appelle ail de
loup une plante bulbeufe , qui me paraît être
Yhyacinthus comofus de lin , & 1 emufeari arvenfe ,
ladfolium purpurafeens , To.urn. On lui donne le
nom d’ail de chienP ou de poireau bâtard dans
d’autres endroits, & aux environs de là Rochelle
celui d1herbe du ferpent, d'oignon fauvâge. C’efl
une efpèce de jacinthe dans le Diélionnaire de
Botanique. De la racinç bulbeufe profondément
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