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remplies de moelle. On ne peut les femer que dans des terreins:
fubftantieux ; ils épuiferoient un fol de médiocre qualité propre à porter
feulement des fromens à tiges fines. Dans beaucoup de pays la paille
de feigle eft d’une néceffité indifpenfable pour lier les gerbes de tous
les autres grains pendant la moiflbn. Elle efl: d’autant plus fine, &C
par conféquent plus convenable à cet ufage que la femence qui l’a
produite a été répandue en plus grande quantité. C ’eft par ce même
principe que le chanvre, comme je l’ai dit, ne doit pas être femé
clair.
Je borne ici ces réflexions fur les tiges, pour palier aux feuilles,',
qu’il n’eft pas moins intéreffant de bien connokre.
Des feuilles. Les feuilles font attachées à différentes parties des tiges & de leurs
divifions. Celles des graminées & des rofeaux partent des noeuds qui
font aux pailles 6c aux chalumeaux. On voit fouvent des feuilles aux
endroits mêmes d’où naiffent les divifions ; le farrafin en efl un
exemple. La plupart fe trouvent répandues dans toute l’étendue des
divifions, en plus grand nombre vers leurs extrémités, comme dans le
fenu-grec ; il y a quelques tiges fur lefquelles il paroît des bandes de
feuilles prolongées ; ces fortes de tiges s’appellent ailées. Celles de la
pomme de terre jaune diffèrent de la rouge en partie par ce caractère.
On diftingue des fouilles fimples & des fouilles compofées. Les,
fouilles fimples, ainfi nommées parce quelles font feules à feules, peuvent
être regardées comme les expaufions des vaiffeaux des tiges. Les
feuilles du topinambour font fimples. Les feuilles compofées font une
réunion de feuilles fimples ou de folioles attachées par un pédicule
commun, & quelquefois en outre par des pédicules particuliers qui
viennent s’y rendre ; telles font les fouilles ou folioles du fainfoin. Les
feuilles, foit fimples, foit compofées, diffèrent encore entr’elles par leur,
couleur, leur forme, leur pofition refpeûive, leur épaifleur Se leur plus
ou moins de poli & de foupleffe.
La couleur la plus générale des feuilles efl le verd ; mais ce verd a,
plus ou moins d’intenfité, puifque depuis la feuille de l’apocin & de
la blette ou honne-dame, appellée blanche, pour la diflinguer d’une
autre, jufqua celle du perfil Sc du chou verd d’Anjou, il y a des
nuances*infinies dans les végétaux. Quelques feuilles font rouges foit en-
totalité, comme celle de la blette ou du chou rouge, foit fur les nervures
, comme celle d’une efpèce de bette-rave ; d’autres .font panachées
de vert,, de blanc 6c. de rouge. Quand ôn fuit pas-à-pas la nature *
on voit même qu’une plante efl,. pour ainfi dire, verte d une manière
différente à là naiffance.,, dans le fort de fa végétation & vers fa, maturité.
Il y a une grande diverfité dans la forme des feuilles. Celle du
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froment efl longue & étroite; celle du tabac, longue & large; celle
de la lentille, courte & étroite; celle du pois, courte 6c large: dans la
feuille du chanvre les bords font découpés, dans celle du colzat ils
font ondes, dans celle du cercifi ils font unis. Le farrafin a la feuille
prefque triangulaire, le trèfle a la fienne arrondie. I l efl inutile de
détailler les autres formes.
La plupart des feuilles de la canne à fucre naiffent feules à feules
& loin les unes des autres ; aux branches de la luzerne font attachées
des folioles fréquentes 6c deux à deux. La tige de la garance porte fes
feuilles par étages , à chacun defquels elles font rangées circulairement
&c en grand nombre.
La feuille du cardon & celle du houblon font d’une épaiffeur bien
differente ; celle du potiron efl âpre 6c roide, tandis que celle de la
poiree efl douce & flexible ; enfin le faffan 6c la gaude pouffent des
fouilles liffes 6c luifantes ; l’afperge 6c la carotte n’en pouffent que de
fombres.
Les feuilles font fi néceffaires aux végétaux, que ceux qui en font
prives, 6 c dont le nombre efl petit, ont des tiges molles ou d’autres
parties pour remplir les mêmes fondions. Dans les pays où l’on élève
avec intelligence des vers à foie, on partage les mûriers, pour ainfi
dire en deux folles ; une année, on ôte les feuilles des uns & l’année
fuivante celles des autres, afin de ne pas affoiblir tous ces arbres à la
fois. Nous remarquons dans nos bois & dans nos jardins que la végétation,
la floraifon & la fructification des arbres languiffent fi leurs
feuilles font rongees par des hannetons & des chenilles. Pour ne point
mecarter de 1 objet que je traite, j’obferverai que. lorfqu’on dépouille
de leurs feuilles les plantes cultivées, ou lorfque quelque accident les
altéré, fouvent elles en foufirent d’une manière nuifible à la fortune
( des propriétaires ou des locataires de terres. Qu’un troupeau fe répande
| dans un champ enfemencé, où la végétation ne foit pas active & dans
| une faifon avancée, tout fera ralenti dans les plantes dont les feuilles
. auront etc broutées, & elles produiront moins que celles qui auront été
épargnées. Que des brouillards focs fhrviennent en été dans la Beauce
f U c ü j a °rie, fans etre fuivis d’une pluie abondante, pour nétoyer
1 i * M L?nc^re H H P tlanfp'rarion, il en réfultera de la rouille,
maladie capable de détruire les moiffons entières.
p , ® P antes tra n fp ire n t: MM. H a ie s , D u h am e l , B o n n e t &: d ’autres
y îciens, o n t prouvé. L e s feuilles fo n t les o rg an e s d e c e tte fo nction,
, ? Us, °uvfnt fe fait d une manière infenfîble, en fuivant les
_ e , a végétation & de la chaleur. La sève monte à proportion de
feK S f l Ct^ tranlpirent, &c par conféquent la nutrition & l’aecroif-
£n u végétal augmentent; cette double fonction cefle dès qu’on
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