
les Grecs même n’ont rien qui puiffe lui être comparé. Ariftote, qui;
comme dit Montaigne, a tout remue,, paraît bien éloigne de 1 abondance
&; de la richeffe de Pline. Quelle invention, quelle découverte
dans les arts connus de Ion tems, ont échappé aux recherches de ce
célèbre naturalifteî quelle foule d’écrivains cites ou appellés en témoignage
des faits & des obfervations qu’il rapporte? Eh! quelle idée ne
nous donne-t-il pas «lui-même de fa profonde érudition, en reprefçntanc
fon ouvrage comme le réfoltat de plus de deux mille volumes, dont
les extraits conforvés par fon utile travail, font autant de relies precieux
fauvés du ravage des tems ! Pour connottre St apprécier le mérité St
l’excellence de ce bel ouvrage, il faudrait parcourir en detail toutes les
matières qu’il renferme, la multitude des defcriptions St des dénom-
bremens qu’il lait, les réflexions ingénieufes qui fe trouvent répandues
lûr toutes les parties qui le compofent. Pour nous bornes au feul objet
qui nous concerne, nous ne parcourerons que le dix-huitieme livre,
qui traite expreffément de l’agriculture. g
I l règne dans ce livre, ainfi que dans tout le relie de l’ouvrage;
l’ordre le plus méthodique. D ’abord pour iiifpirer a fes leéteurs du
goût pour le fujet qu’il va traiter, Pline rapporte la prédilection des
anciens pour l’agriculture, St le nom de ceux qui par leurs travaux
ou leur crédit, ont contribue aux progrès de cet art, le plus utile
au o-enre-humain. Auffi-tôt apres il annonce le plan quil veut Itûvre
& la matière dont il va s’occuper. Nous allons, dit-il, rechercher avec
le plus grand foin poflible, félon notre coutume, les inventions
anciennes St modernes : nous tacherons de découvrir la caule de
chaque pratique, St d’expliquer en quoi elle confifte. Nous parlerons
auffi des aftres, des lignes terrellres qui les annoncent, St nous
démontrerons leur influence. Cette connoiflance nous paroit d autant
plus néceflaire, que ceux qui jufqu’à préfent ont parlé de 1 agriculture,
femblent avoir écrit plutôt pour toute autre claffe d’hommes que pour des
laboureurs.
Obfervations préliminaires. Celui qui vent acquérir un domaine
doit, félon le confeil de Caton, porter fon attention fur trois objets
principaux; fur la facilité du chemin, fur la commodité de l’eau, 8c
fur la probité du voifin. L’auteur développe les préceptes du cenfeur
romain fur les obfervations qu il y a a faire, relativement a la fertilité
& à la fituation du domaine. Lorfqu’il indique l’endroit le plus convenable
pour bâtir la maifon du fermier, il rappelle ce que Caton St
Columelle avoient dit avant lui; favoir, que ce ne doit être ni près
d’un marais, ni for le bord d’une rivière, à caufe des vapeurs malfaines
qu elles exhalent avant le lever du foleil, foivant la remarque
d ’Homcre. Si le climat eft chaud, la maifon doit regarder le nord;
s’il eft froid, elle doit être fituée au midi ; s’il eft tempéré, elle doit
être expofée au vent équinoxial, 1
O b ferva tio n s fu r le terrein . Pour connoître la qualité du terrein,
il faut avoir égard à fes productions végétales. Une terre où croît
l’hièble, le prunier fauvage, les ronces, le treffte, le chiendent, le
chêne, le.prunier ou pommier fauvage, eft bonne à produire du bled.
I l en eft de même de la terre noire & de la cendree ; celle qui eft
mêlée de craie ou de fable brûle le bled, à moins que la craie foit
en petite quantité St le fable très-fin.
Choix du métayer. Lorfqu’on s’eft afïuré que le terrein eft de bon
rapport, il faut choifir un .métayer qui connoifïe bien tout ce qui
concerne fa profeflion. Une des principales qualités que Pline exige
de lui, c’cft, dit-il, qu’il foit prefque aufli habile que fon maître, fans
cependant fe croire tel.
Ce ferait une pratique très-pernicieufe d’abandonner la culture des
terres à des efclaves : Ce que fo n t des gens défefpérés ne peut avoir
un grand fuccès.
Maximes générales. Le grand art de l’agriculture confifte à retirer
d’un fonds le produit le plus confidérable, en y faifant le moins de
dépenfe poflible. Ce précepte nous vient des anciens; ainfi que ces
fages maximes que nous devons refpecter comme des oracles; favoir,
qu’on doit regarder comme un mauvais cultivateur celui qui eft obligé
d’acheter ce que fa terre aurait pu lui fournir; comme un mauvais
ménager celui qui fait pendant le jour, ce qu’il pourrait faire la nuit ;
St comme un très-mauvais économe, celui qui fait les jours ouvrables
ce qu’il,lui eft permis de faire les jours de fête. Enfin, dit notre
auteur, pour ne rien omettre de ce que nos pères nous ont tranfmis,
tout cultivateur doit fe faire aimer de fes voifins ; fe procurer tout ce
qui eft néceflaire pour le labourage St foire chaque chofe en fon
tems.
Diverfes efpèces de grains. Après ces connoiflances générales
for la fituation du domaine, fur la bonté du terrein, for les qualités
du fermier St for la manière de cultiver, Pline traite des différentes
efpèces de grains qu’il divife en deux elaffes : les bleds St les
légumes.
Les bleds font de plufieurs fortes, que l’on diftingue foivant les
divers tems où on les sème. Dans le tems que Pline compofoit fon
ouvrage, ç’eft-à-dire, vers le milieu du premier fiècle de lere chrétienne,
on femoit en Italie les bleds d’hiver, tels que le froment
ordinaire St l’orge, au coucher des pléiades (i); & les bleds d’été,
(i) Le coucher des pfoades’arrivoit vers le 18 d’oftobre.