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JDes cultivateurs inftruits ont propofé de les mettre
à part, afin de porter chacun dans le terrein
qui lui convient. On eft dans l’ufage de les mêler ,
& c’eft peut-être unfe habitude quil faudroit
rompre. On les laifle plus ou moins de tems
pourrir, félon les pays. Quand ils le- font trop
peu, une terre brûlante ne s’en accommode pas ;
quand ils le font trop , ils ne font pas bien dans
une terre froide. J e Voudrois donc que dans
une exploitation , où il y a des terres de différente
nature , on fit plufieurs tas de fumier,
dont on laifferoit les uns pourrir plus que les
autres.
Il y a quelques perfonnes , qui fe font bien
trouvées de répandre du fumier à demi-confom-
mé, au fond des filions , avant le dernier labour.
Les plantes, dans ce cas , font comme fur une'
couche fourde; des pommes de terre plantées chacune
dans tin trou , fur un peu de fumier en
cet état, y ont une belle végétation. J ’en ai planté
eufli ,_çn opérant d’une manière oppofée, c’eft-
àr-dire, en mettant le fumier fur chaque pomme
de terre, elles ont également réuffi.
11 efi bon de remarquer , qu’une trop grande
quantité de fumier expofe les grains à verfer ;
crailleurs elle diminue îa qualité des productions,
qui font d’autan r plus recherchées, qu’elles viennent
dans une terre plus médiocre. 11 y a un jufte
milieu qu’il faut faifir.
On compofe un excellent engrais avec du fumier
d’écurie ou d’étable, de la terre , & de la
chaux, placés lits par lits, en y joignant, quand
on le peut , du iel marin. Une réunion de fumier
, de vafe de mer , de chaume & d’herbes
qu’on pétrit enfemble , offre les mêmes avan-
agesf
Aux environs de Lille en Flandres, c’e'ft uu
objet de commerce, de vendre une poudre formée
d’un mélange de cendre & de chaux; on
met alternativement une couche de l’une & une
couche de l’antre, én jetant un peu d’eau pour
éteindre la chaux. Ce mélange efi remué, jufqu’à
ce qu'ilfoit fec & réduit en poudre.Eli Bretagne,
on connoît cette pratique.
On mêle auffi le fumier avec l’argille ou la
chaux , il produit des effets différens, comme
il eft facile d,e le concevoir, puifque ccs fubfiances
ne font pas les mêmes,
Les curages des étangs, des lacs, des marais,
des marres , la vafe des ëgoûts, les boues des
xues, font des matières mêlées, dont on tire un
grand avantage , comme amendement ; les unes
font compofëes de terre, de débris d’animaux &
de végétaux ; les autres font formées de diverfes
fubfiances animales & minérales. Comme la terre,
qui "En fait la bafe, eft pefanre & matte, on doit
Jes mener dans les champs, dont le fol eft léger,
mais après les avoir laifle mûrir quelque tems
à l’air ; les .çurages d’étang & de mare eu
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ont d’autant plus befoin , qu’ils contiennent des
graines de mauyaifes herbes, qui lever oient ;
quand elles ont éré quelque rems au foleil, leur-
germe fe détruit’. ' * • " r . ./
Rien n’eft à négliger en agriculture. Il ne
faut pas croire quon doive épierrer tous les
champs avec un grand foin. Une trop grande
quantité de pierres, peut être nuifible , parce
qu’elle empêche les labours & les façons, parce
qu’on ne peut mêler facilement les engrais. Mais
il y a des champs, qui, de fertiles qu’ils étoient,
font devenus ftériles , àufti-tôt qu’ils ont été
épierrés entièrement. Les terres argilleufes, s il
s’y trouve beaucoup de petites pierres , ne font
pas aulli compares qu’elles le feroienr. Dans le
fable, les pierres diminuent les vides fréquens.
On obferve que les plantes qui ont leurs racines
couvertes de, pierres , à la furface.du fo l ,
profitent mieux que beaucoup d’autres. Des
arbres plantés dans des cours pavées , des
graines, qui s’échappent & qui pouffent fur une
couche , entre des pots très-près les uns des
autres, en font la preuve. C’eft fans doute dans
cette intention, que M. Duhamel dans fa phy-
fique des arbres, parle des feories ou laitier des
forges, comme d’un bon amendement. Un champ
pierreux, fi la nature de la terre eft végétale, Sc
fi les pierres ne font qu’à fa furfacc , n’eft pas un
mauvais' champ. M. Bowles, dans fon voyaga
d’Efpagne, rapporte que dans certains cantons de
ce royaume, on couvre la terre de carreaux , qui
fe joignent les uns les autres , & que dans le
milieu des carreaux percés fur la largeur de deux
à trois pouces, on plante des choux ou d’autres
légumes. L ’humidité reliant concentrée fous le
; carreau , & ne s’évaporant pas, il n’eft pas né-
ceffaire d’arrofer ces végétaux. En fuppofant ce
récit vrai , on ne peut cultiver ainfi que des
plantes, qui n’auroient pas befoin d’être fardées.
S’il y a des pays & des .efpèces de terrains,
où l’on doive ufer d’artifice pour retenir l’eau, fi
néceffaire à la végétation , il y en a où la trop
grande quantité d’eau perd tout. Les terres argilleufes
font fujetes à ect inconvénient. On ne
peut y remédier & Les amender convenablement,
qu’en procurant à l’eau qui féjourneroit , un
écoulement fuftifant. Des filions bombés, dont
les intervalles foient profonds & en pente , des
raies obliques de diftance en diflance , des foffés
même , voilà en général les moyens qu’il faut
que le cultivateur emploie , tant pour défendte
contre les pluies abondantes , fes champs enfe-
rnencés , que fes prairies naturelles. Parmi les
exemples que j’en pourrois citer, j’en choifirai deux
dont j’ai recueilli les détails avec foin, parce qu’ils
m’ont paru intéreffans & bons à connoître.
La machine deMarly ne fourniffant pas à Verfailles
la. quantité d’eau .néceffaire pour les befoins des
habitans, & pour entretenir .les jets d’eau & baf-
fins du parc » on chercha à .eu augmenter le yq-
v ’ Jlÿns
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îume en formant, dans un efpace confidérable j
des rigoles , qui communiquèrent d’étangs en
étangs, depuis Rambouillet, jufqu’à Saint-Cyr ,
à une demi-lieue de Verfailles, où l’eau devoit
fe rendre par un aqueduc. Ce? rigoles, furent
pendant long-tems bien entretenues ; elles ram afférent
beaucoup d’eau , & fuffirent aux befoins
de la ville .& cîu château , concurremment avec
l’eau de Marly. Mais , peu-à-peu, elles furent
négligées ; il• :s’en combla une partie. Verfailles
fut fur le point de manquer d’eau , lorfque, dans
ces dernières années, M. le Comte d’Angiviller,
directeur & ordonnateur des bâtimens du R o i,
ayant fait examiner les rigoles , ordonna qu’on
les remit en bon état. Ses ordres furent exécutés;,
on obtint Une plus grande quantité d’eau. La ville
de'Verfailles ne fut pas la feule qui en profita. Les
cultivateurs placés entre la forêt de Rambouillet &
Saint-Cyr, y gagnèrent beaucoup. Leurs terres, de
nature argilleufe, ne furent plus inondées. Quelques
uns d’entr’eux firent de petits foffés, qu’ils
dirigèrent dans les rigoles. Leurs récoltes furent
plus ‘certaines & plus abondantes. Par cette opération
, M. le Comte d’Angiviller fit à-la-fois le bien
des. habitans de Verfailles, & celui de l’agriculture
d’un pays, affez heureufement fitué pour
avoir un débit aflùré de fes denrées.
Le fécond exemple eft encore plus frappant.
J e le défaillerai davantage. En 1780 , année
où des circonfiances m’avoient fait aller dans un
pays qui efi à 40 lieues de Paris , le fermier
général d’une terre me fit part du projet qu’il
avoit de convertir en pré un terrein fur lequel
il me Cohduilit. Son étendue éroit d’environ cent
arpens. On y voyoit une grande quantité de gale
ou piment ro ya l, qui fe plaît dans les terreins
frais & fablonneux. De grofles mottes entre lesquelles
l’eau féjournoit , des inégalités plus ou
moins confidérables, des places affez fpacieufes,
•où le fol éroit nrou jufqu a une grande profondeur,
le rendoient impraticable pour les'hommes
& pour * les beftiaux. On m’affura même que
quelques bêtes à cornes qu’on avoit eu l’imprudence
d’y laiffer entrer, n’avoient pu en forrir,
& qu’elles y étoient mortes. Enfin ce terrein
étoit non-feulement dangereux, mais encore fans
rapport.
Pour le mettre -en état de produire de l’herbe
de bonne qualité , •& en abondance, il y avoit
deux opérations à faire ; la première, de le
rendre uni, d’en arracher les brouflàiiles & les
plantes inutiles ; la fécondé , de le deffé-
cher , en procurant un écoulement habituel à
J eau qui y féjournoit. La pofition du terrein
fie trouvoit favorable pour la dernière opération ;
car il étoit/ fitué entre deux petites rivières ,
dont l’une a plus de largeur que 1’autre : elles
le réunifient .à fon extrémité. Ce pré repréfente
Mn triangle Terminé par un angle aigu au confluent
des rivières.
Agriculture. Tome I .er J I.e Partie.
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Le tems a été fec pendant tout l’été de 1781 »
ce qui a fingulièrement facilité le travail. Au
mois de mai de cette même année, on a commencé
à ecobuer la terre ; c’eft-à-dire , qu’avec
une pioche à défrichement, on en a pelé la
couche fupérieure , en arrachant le' racines du
gale & des autres plantes. Le fol a éré rendu auffi.
uni qu’il pouvoit l’être ; on a fait fécher au foleil
ce qui étoit pelé ; on en à formé dès monceaux
auxquels on a mis le feu à la fin d’août
& au commencement de feptembre. Les cendres
qu’ils ont produites, ont été répandues également
par-tout. La pioche à défricher eft , ‘comme on
fa it, un.outil du poids de 15 à 16 livres,
compofé d’un manche de bois , & d’un infiniment
de fer , dont une extrémité a la forme d’une
pioche, & l’autre celle d’une coignée. Cet in fi ruinent
fert en effet à fouiller la terre, & à couper.,
les racines., N.° 4 , dans les planches.
On a fait, dans les cent arpens , deux foffés
principaux ; l’un prend à la bafe du triangle, &
continue jufqu’à la pointe de l’angle où les
deux rivières fe joignent. 11 partage le terrein
en deux parties égales. La terre de la fouille
a été jettée aufli loin qu’il a été poffible , fans
qu’il en foit refié fur les bords du foffé. Cette
manière s’appelle faire un foffé à terre perdue.
Il en réfulte un double avantage ; c’eft que les
plantes qui peuvent croître fur les bords , ine
font point gênées., & qu’on a la liberté de faucher
le foin par-tout avec facilité. On a donné
à ce premier foffé quatre pieds de largeur, &
quatre pieds de profondeur. L ’autre fofi’é princi-
cipal fert de bornes au pré, à la bafe du triangle:
il érablit une communication entre les deux rivières.
Afin qu’il fervît de rempart contre les
beftiaux , on a mis en glacis , fur un de fes
bords, une partie de la terre qui en a été retirée.
Indépendamment de ces deux grands -fofles ,
il y en a deux qui n’ont qu’un pied & demi de
largeur fur un pied de profondeur ; ils font defti-
nés à recevoir l’eau qui , en été , féjourneroit
dans les parties baffes du pré ; l’un , du grand
foffé qui eft à la bafe , fe rend obliquement à
celui par lequel le pré eft partagé dans fa longueur;
l’autre part <}e ce dernier, & va joindre une des
rivières. N.° 5 , dans les planches.
Dans l’état a&uel , le pré eft uni, fi l’on en
excepte un endroit plus élevé que le refie , &qui
eft moins fertile.
La façon des grands foffés a coûté cinq fols Ig
toife , & celle des petits , un fol feulementr
Dans le pays où s’eft faite cette opération, 1 e
terrein eft formé de fable à la furface , & de
glaife fous le fable. Pour les frais de J’écobuage
& des foffés on a dépenfé 5600 livres. On eïlim©
que l’homme qui a entrepris l’ouvrage , a eu 6co
liv. de bénéfice. Il avoit demandé deux ans
pour le perfectionner ; mais , voyant que le tems
étoit favorable , il l’a terminé en un été ; c’eft-
R r r