
plus d’engrais. Quarante-cinq arpens partagés en quinze familles,
feront fumés avec le fumier de quinze vaches, tandis qu’une ferme
de trois cens arpens n’aura pas communément plus de quinze vaches,
huit chevaux & deux cens moutons. Le pays où s’introduiroit cette
pratique, déjà propofée & exécutée même avec fuçcès à la Roche-
Guion, deviendrait le plus peuplé des pays à grains. On en a l’exemple
dans les vignobles, où les pplfefiions font plus divifées. . -,
Dans un rems où le goût pour le bien paraît être. le goût dominant
; dans un tems où l’art de conduire les hommes fe règle en partie
fur leur utilité, on peut plus que'jamais efpérer que les-intérêts de
l’agriculture, d’où dépendent elfentiellement ceux de l’état, feront
calculés de la manière la plus avantageufqj les impôts,, tribut forcé,
mais néceflaire, & auquel chaque citoyen doit être affujetti, ne fe
paieront plus quelque, jour par les cultivateurs en raifon de leur in-
duftrie. Sans doute la fomme à laquelle ils font portés étant déterminée,
dans la répartition qui s’en fait, on doit charger les pays qui
produifent' abondamment plus que ceux qui produifent peu, parce
que ces derniers ne feraient pas en état de s’acquitter.
Mais une pofitidn plus heureufe, une fuite d’opérations concertées Sc
couronnées du fuccès, un génie plein de -reffource & de bienfaifance,
une perfuafion intime que la véritable richelfe eft dans l’agriculture ,
toutes ces circonftances peuvent fe réunir & faire éclorre un fyftême
de perception doux, tendant au foulagement des peuples & à l’avantage
des cultivateurs, qui fe découragent facilement quand la plus
grande partie du fruit de leurs travaux n’eft pas pour eux. J’ai trop
bonne opinion de mon fiècle fie du règne fous lequel je vis pour ne
pas entrevoir que ce changement defirable s’opérera bientôt. Mes
connoiflances ne s’étendent pas jufqu a indiquer la manière d’y parvenir,
mais j’en découvre.toute Futilité, & mon coeur, efl: trop ami
de ma patrie pour n’en pas defirer avec ardeur l’accompliflèment.
La liberté entière du commerce des grains efl capable de donner à
l’ao-ricukure une activité toujours renaiffante. C ’eft une vérité à laquelle
il n’eft pas poïïible de fe refùfer, puifqu’on n’engage le cultivateur à
multiplier fa denrée qu’en lui en facilitant le débit. Faire circuler les
grains de provinces à provinces pour approvisionner celles qui éprouvent
une difette, ou qui ordinairement récoltent peu; en envoyer dans
Jes ports pour nourrir les flottes & les colonies”,, c’eft un devoir facré
de patriotifme que le gouvernement ne manque pas de remplir. Mais
il n en eft pas de même de l’exportation pour les autres royaumes j
fouvept une crainte, dont le motif étoit louable, puifqu’il avoit pour
objet les avantages du peuple françois, a empêché de vendre à l’étranger
des grains qui remplifîbient les magalins, où ils s’altéraient, j il s’en
eft perdu pour des fommes énormes, & les premiers qu’on a débités
au moment où l’on a cru devoir permettre l’exportation, ont été tellement
rebutés par les acheteurs, à caufe de leurs mauvaifes qualités,
que cette branche de commerce en a beaucoup fouffert, tant l’avidité
des marchands eft contraire à leurs .véritables intérêts & à ceux de la
patrie ! Ne pourra-t-on jamais établir dans le commerce cette fran-
chife, cette bonne foi, cette droiture, qui en aflùrent toute la profpé-
rité ? L ’exportation des grains fans doute a fes inconvéniens. Je ftiis
bien éloigné de me les diflimuler. Mais n’eft-ce pas plutôt parce qu’on
a celle delà rendre libre; que parce qu’on l’a permife? N ’eft-ce pas
plutôt parce qu on a accordé des permiflïons particulières ? N eft-ce
pas plutôt enfin l’infatiablé cupidité des millionaires, qui fait haulfer
excefïïvement le prix d une denrce dont ils le rendent maîtres, que
les débouchés qu’on procure aux cultivateurs pour s’en défaire? Allez
d écrits ont paru lùr ce fujet pour que je ne cherche point ici à le
dilcuter, il fuffit de dire que la liberté d’exporter fans aucune interruption
eft d qn avantage ineftimable pour les progrès de l’agriculture,