
dérangement } c’eft à notre induftrie à les fecourir,
elle eft aufliun don du Grand Bienfaiteur.
Les humides vapeurs que raffemblent les douces
nuits d’été', ces globules de rofée, dont le m^tin
fait briller les feui l lesces tièdes ondées, fi
doucement verfées fur les plantes qui fe relèvent
en les recevant, & femblent enivrées de plaifirs}
ces tendres fecours de la Nature quelquefois ne
concourent plus enfemble, & font même affez
fouvent interrompus à^la-fois ; il eft néceffajre
d'arrofer.
Mais il s’en faut beaucoup que les arrolemens,
fur-tout s’ils ne font pas ménagés avec intelligence,
puiffenr fuppléer au bien que les pluies
font aux végétaux. Lorfqu’il pleut, ce neft pas
feulement un petit efpace autour de la plante
qui fe trouve humeéfé, c’eft toute la furface du
fol qui s’imbibe également. Les pluies douces de
l’été, tombant mollement, carrellent le fein de
la terre fans le trop preffer. L ’a ir, chargé de
fraîcheur, pénètre les feuilles*, le voile léger,
dont le Ciel fe couvre , ôte au foleil cette aclir-
vité*dévorante, qui bientôt reprendroit à la terre
les eaux dont elle vient de s’abreuver, & l’on
refpire une moite chaleur, mêlée de la tranfpi-
ration odorante des végétaux qui ouvre à-larfois
tous les canaux de la végétation.
Les arrofemens feront d’autant meilleurs, qu’ils
imiteront mieux ces arrofemens naturels. Adaptez
donc à vos arrofoirs des pommes, dont les trous
très-petits faffent jaillir une gerbe de pluie fine}
ne vous contentez pas d’humeéler le pied des
plantes} verfez cette pluie artificielle dans un
pourtour confidérable} relevez quelquefois votre
arrofoir, pour laiffer à la terre le tems de s’im=-
biber, & recommencez, à plufieurs reprifes,
d'arrofer. Souvent il fera très-utile de répandre
cette rofée fur les feuilles, furtout lorfque les
plantes, ayant lutté long-tems contre la féche-
reffe de l’a ir , penchent leurs tiges fatiguées, &
laiffent pendre leurs feuilles chargées de pouifière.
Pour les plantes grêles & très-délicates, pour
les tendres plantnles qui viennent d’éclore du
fein d’une très-petite femence, la pomme de
l’arrofoir verferoit l’eau avec trop dç force,
fervez-vous d’un goupillon que vous fecouerez
doucement par-deffus. Tenez le pied des plantes
entouré d’une terre légère & fans çohéfion, afin
qu’elle ne fe fende pas après les arrofemens}
ou bien jetez de la terré sèche fur la terre
humeétée , & defferrez^la quelquefois par de
petits labours*, de la litière menue, des pelures
de gazon retournées dont on environne le pied
def^plames, parent à l’ affaiffement que les arrofemens
occafionnent, entretiennent longytems leur
fraîcheur, & quelquefois même les fuppléent,
en arrêtant les vapeurs qui s’exhalent du fein
de la terre, & qui iroient fe perdre dans le vague
des airs. Sur-tout profitez pour faire & réitirer
\g s arrofemens des tems couverts, doux & moites}
s’il tombe une pluie fine, c’eft le moment le
plus précieux.
On a demandé lefquels étoient préférables des
arrofemens du foir, du matin ou du milieu du
jour. Tous ont leur avantage particulier} mais
les premiers certainement lont les plus utiles,
tant que durent les longs jours, & ces courtes
nuits, dont les vents doux fecouent les voiles
humides *, elles confervem, même elles augmentent
la fraîcheur des arrofemens qu’on a faits le foir.
Ceux du matin deviennent alors bien vite la proie
du foleil-, il defsèche tour-à-coup la terre, elle
fe crevaffe, & un air brûlant s insinue jufques
aux racines.
Dans 'les premiers mois du printems & do
l’automne, les arrofemens du foir feroient dangereux
à caufe des trop fraîches nuits & des
gelées blanches qui aideroient à tranfir les plantes.
Alors que les Jardiniers matineux portent partout
les arrofoirs faffent jaillir la ^ rofée fous
leurs pas précipités, tandis que 1 aurore jette
fes doux regaras fur la nature embellie.
Dans ce tems aufli, l’on peut, fans rifquer >
arrofer vers le midi,* il n’eft pas à craindre que
le foleil frappe trop vivement la terre humeélée,
! ni qu’il brûle les feuilles fur Jefquelles fe font
I échappées des gouttes d’eau} c eft ce qui arrive
lorfqu’il eft armé de fes feux les plus puiffans.
Ces globules aqueux raffemnlent les rayons fo-
laires, font l’effet des miroirs ardens*, enfin il
eft des plantes L des arbres qui demandent d’être
arrofés au milieu du jour.
Lorfque la féchereffe a été long-temps continuée
, que le ciel eft d’airain, que la terre eft
entr’ouverte, & que les plantes fe flétriffent,
les arrofemens, prefque toujours utiles, fur-tout
pour procurer aux légumes & aux fruits le volume
& la douceur, deviennent absolument indifpen-
fables} mais c’eft alors aufii qu ils produifent
les plus mauvais effets, fi Ion arrofe fans,.précaution
& fans continuité. Dès qu’on les a commencés
, il faut les réitérer tous les jours , ou
au moins de deux jours l’un, fous peine de
voir les plantes mourir ou languir. Alors, on
doit fur-tout les faire avec mefure & ménagement,
en un mot, avec tous les foins que
nous avons indiqués d’abord.
Combien de Jardiniers ftupides ou de mau-
vaife volonté qui, dans de pareilles çirconftances,
arrofent à des tems trop éloignés, & noient les
racines , en y jettant tout-à-couç une farte
.colonne d’eau? Ils les livrent à 1 aridité de lair
qui s’introduit dans les fentes de la terre battue,
aux taupes , aux mulots , aux taupes-griljons
qu’attire une fraîcheur intermittente, & quune
humidité continue éloigneroir, ils font aipfi bien
plus de mal aux plantes qu’eilesji en fouffriroient
de la feule féchereffe.
Celles que l’on tient en pots demandent encore
plus de ' précaution & de foin, pour leur pré-
* parer
parer & leur procurer les meilleurs effets des
arrofemens. Il faut mettre des écailles d’huitres
ou de moules au fond des pots, tournées par leur
côté concave fur les trous dont ils font percé?}
fi le fond des pots, au lieu d’être plat, a été
fait concave, & qu’on l’ait pourvu d’un rebord
qui l ’éloigne un peu de la furface de la terre,
on fc fera prémuni , autant qu’il eft poffible,
contre la ftagnation des arrofemens. Quand ils
auront été quelques tems continués, il fera bon
de defferrer la terre par un petit labour, & de
répandre par-deffus une couche de bonne terre
légère, mêlée de fable gras*, mais lorfque les
racines fibreufes, einplifîant tous les pots, ne
permettent plus aux arrofemens de pénétrer,
percez la terre jufqu’au fond, avant d * arrofer,
avec un fer pointu & mince, & plongez, à plufieurs
reprifes, le fond du pot dans un fceau
plein d’eau} fouvent il convient de tenir les
pots enterrés, pour procurer aux racines le bien
de la fraîcheur environnante, & de celle qui
s'élève du fond de la terre.
La fréquence & l’abondance des arrofemens fe
régleront fur le tems, les faifons, & fur le
plus ou moins de foif naturelle aux ^fpèces de
plantes. Il en eft, comme les plantes graffes y
ui ne demandent prefque point d’eau } pîu-
eurs, au contraire , veulent être continuellement
abreuvées. Les arbres qui fe dépouillent
& qu’on tient dans la ferre n'ont befoin l’hiver
que de très-peu d’humidité*, tandis que les arbres
toujours verds, dont les feuilles continuent de
trampirer, exigent, dans cette faifon, des arrofemens
réglément réitérés} & ceux à feuilles
larges, tranfpirant davantage , veulent être encore
hume&és plus fouvent»
Les arrofemens font indifpenfablcs, pour procurer
& hâter le développement des racines, des
plantes nouvellement tranfplantées*, mais il faut,
à l’égard de plufieurs efpèces > les faire plus rarement
, du moment que la reprife eft fure, à
moins qu’il ne furvienne une féchereffe extraordinaire.
Pour ce qui concerne les boutures, les
arrofemens leur font néceffaires, & doivent être
continués long»tems & réglément} mais il faut*
les faire avec d’autant plus de circonfpeélion 8c
de mefure, que ces bouts de branches, encore 1
dépourvus de racines, fe pourriroient plus aifé- '
tnent du collet, par une humidité ftagnante ou
trop copieufe, & par la prelîion d’une terre trop
battue. V o y e i le mot Bo u t u r e .
Heureux qui pourroit affeoir fon jardin fur
le doux penchant d’un côteau expofé aux plus
favorables afpeéts! De la cime revêtue de bois
qui ne la domineroient que pour lui fervir d’abri,
tomberoient de pures fontaines, dont il pourroit
conduire les flots le long de fes plate-bandes,
& dans les fentiers des planches des légumes. Cet
arrofement qui pénètre cranfverfalement la terre
qui la foulève doucement au lieu de la preffer,
/Agriculture. T w e IL* F ai tic.
dorineroit aux utiles produirions de ce jardin, la
même vigueur, la même beauté qu'on remarque
dans les plantes qui, dans leur luxe vain ^s’élèvent
aux bords des rivières; & c’eft ainft qu'Alcinoüs
entretenoit dans fes jardins immortalifés , une
perpétuelle fraîcheur ; on y remarquoit, avec
un égal plaifir, l’éclat de la verdure, ornée d»
fleurs & de fruits, & celui du cryftal mobile
des eaux qui formoient un méandre.
Ceux qui n’ont pas ces commodités doivent
raflembler avec foin, dans une citerne, les eaux
de tous les toits, ou faire conftruire, s'Hstrouvent
les moyens de les emplir d’eau ,* de larges bafîin*
au fond de leur potager. Quelquefois les terres
fe trouvent abreuvées fous très-peu de profondeur;
il fuffit de multiplier des pierrées parallèles
, où, briffe par un angle à un certain éloignement
de ces badins, où on les décharge par un*
pierre qui les traverfe. Il eft encore bien d’autres
moyens de fe procurer des eaux , mais ils font
du reflort de l’architeclure hydraulique.
Lorfqn’on fait conftruire de petits toits au-
deflus des murs des potagers, les efpalier» fe
trouvent arrofés à leur aife. Si peu de pluie qu'il
tombe, elle s’sffemble entre les tuiles, dégoutte
au pied des arbres, & leur procure une fraîcheur
falutaire & profonde, qui ordinairement fe main-,
tient jufqu’aux pluies nouvelles, à moins que
les intervalles de la féchereffe ne foient très-
longs.
Pour entretenir certaines plantes, pour aider
à s’enraciner les marcottes qu on fait au haut des
arbrifieaur, pour affurer 1a reprife de certaines
boutures précicufes, on pend au-deflus un vafe
plein d’eau, dans lequel on paffe un tube recourbé,
ou une lanière de drap, dont 1 humidité perpétuelle
ne permet pas à la terre de fe deffécher.
Toutes les eaux ne font pas propres aux arrofemens;
il en eft de nuilibles, telles font lej
eaux crues, marécageufes, craffeufes, vifqueufes,
& celles qui pétrifient. Il s’en trouve aufli d’indigentes
& de fatiguées, qui ne charient point de
parties nourriffantes. Les eaux des rivières & des
ruiffeaux où le poiffon abonde, celles des fontaines
où fleuriffent le creffon , le beccabunga ,
font pures & bienfaifantes. Les eaux des pluies
amafféesdans les citernes font encore meilleures;
mais il faut les tirer le matin, & les laiffer,
avant de s’en fervir, tout le jour expofées aux doux
rayons du foleil. Les eaux graffes qui ont lavé
les chemins, les cours, les fumiers, font infiniment
précieufes ; elles portent i abondance avec
j elles. En général, une eau qui diffout bien le
façon, qui s’évapore aifément, qui cuit bien le*
légumes, eft autant propre aux arrofemens, quelle
eft utile & falutaire pour tous les ufages. On
peut corriger quelques-unes d’entre les mauvaifes,
en les faifant paffer par des lits de fables, en y
jetant du fumier & des herbages pourris,
C’eft par le moyen des arrofemens, qu’on peut
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