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promptement en chaleur, & font enfuitè fréquern-
ment dans cet état. La plupart ne conçoivent
plus du tout: les autres ne conçoivent que longtemps
après l'Avortement •, plufieurs maigriffent,
touffeur & tombent dans le marafme.
Ces fymptômes,, que j’ai obfervés d’abord
eu 1776, avec M. Pelé, Artifle vétérinaire à Toury ’
dans une ferme du village de Mamarville, fituéè.
à trois lieues de Dourdan , & depuis ce teins-là
dans d’autres fermés de différent cantons y tant
dans lés environs d’Orléans, qu’à peu de diftance
deFithiviers,* ces'fymptômes, dis je,fe' trouvent
confirmés dans un mémoire à corilùlter , adreflé,
en 1787, à la Société de Médeeinè par M. Barrier,
Artifle vétérinaire, réfidant à Chartres. Son Mémoire
, qui annonce un obfervateur attentif &
éclairé, ajoute aux fymptômes déjà expofés, les
particularités fuivames.
<< Parmi les1 vaches qui avortent , quelques-
35 unes éprouvent dès démangeaiforis , desébul-
33 litions, des efpèces d’éréfipelles partiels. L ’A-
99 vertement fe’ fait dansjtoùtés les faifohs de
99 l’année j à toutes les» époques de la geftation 9
99 mais plus ordinairement vers le cinquième ou
99 feptième mois. Jeunes , ou un peu âgées,
99 graffes ou maigres, élevées dans 1’étable , ou
99 achetées à des marchands , les vaches avortent
99 indiftinélement. Les foetus, iffus de ces Avorte-,
99 mens, font maigres & flafques. Quelques-uns
33 de ceux qui ont paflé le cinquième mois 3
99 vivent jufqu’à huit jours. Pendant tout ce
3? temps, ils n’ont qu’un mugiffement continuel,
33 pénible à entendre , & ils rendent, par les na-
33 ri nés , une humeur épaiffe , de couleur de
33 rouille. 33
En examinant les caufès de ces Avortemens
fréquens & continuels , j’ai obfervé qu’ils ne
pouyoient être attribués ni au local des étables,
ni aux aümens qu’on donne aux-vaches dans la
Beauce, ni à là manière dont on les foigne.
J e me contente de dire ici que j ’ai bien'réfléchi
fur toutes ces circonftances, qui ne m’ont
point paru yinfluer.il eft donc certain que ces
accidens fe perpétuent ainfi par contagion. Une
caufe inconnue fait avorter la première bêre
d’une étable , le mal fé communique enfuire aux
autres, & la contagion l’entretient, jufqu’à ce
qu’une circonftancé à laquelle on n’a pas encore
fait attention, la faffe ceffer entièrement. Un
fermier m’a certifié, que fi une vache qui avorte
fe trouve auprès d’une vache pleine , .celle-ci
avorte plus inévitablement qu’une bête placée
plus loin dans l’étable. Enfin j’ai découvert que
les gens de la campagne, dont les ufages ne font
pas toujours suffi mal fondés qu’on l’imagine,
îorfqu’une vache avorte, enlevent le veau hors
de l’étable , foit en le faifant paffer par la fenêtre
, foit en pratiquant exprès un trou à la muraille
, & jamais ne l’en tirent par la porte, dans la
jprainte, fans doute, que quelque? émanations de
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FAvorton ne nuifent aux vaches pleines qui entrent
, & qui forcent-. C’eft ne deviner, à la
vérité, que la moitié de la chofe-, mais ktî^con-
duite, à cet égard , prouve qu’ils font perfuadés,
qu’en ne prenant point cette précaution , les
Avortemens fe communiquent plus facilement.
Les effets de la contagion font bornés dans l’enceinte
de l’étable , parce qu’il y a des yirust contagieux,
plus ou moins aéfifs les uns que les.au-
tres. Celui qui produit les Avortemens, a peut-
être befoin , pour fe développer,’ de la chaleur
des érables, qui efi confidérable dans la Beauce j
oufplutôt cette chaleur contribue peut-être à
rendre la contagion plus capable d’agir:.
Il efl difficile, j’en conviens, d’expliquer comment
des Avortemens peuvent devenir contagieux.
Il me femble cependant qu’on ne fauroit
refufer d’y croire d’après, l’expofé qui précède,
& fur-tout fi l’on fait attention à une circonflance
que j’ai rapportée. Les cotylédons, retenus pendant
quelque tems, fe-putréfient & répandent
dans-l’étable tme odeur -infeéïe. Cette odeur
que refpirent les vaches pleines, & alors plus
fufceptibJes, n’efl-elle pas capable de leur faire
impreflion? ne peut-elle pas être regardée comme
Le véhicule du principe delà contagion? n’efi-on
pas en droit de foupçonner que par une analogie,
qui n’eft pas fans exemple, des cotylédons putréfiés
dans le corps d’un, animal malade , difpofent à
la même altération le corps d’un animal f'ain?
quoi qu’il en foit, quelques vaches feulement
dans ces étables amènent leurs veaux à bien,
parce que dans les maladies contagieufes, même
très-aélives, tou9 les individus, qui y font expofés,
ne les contraélent pas. Si, dans la ferme
de Mantarville, le (mal a- continué,, quoiqu’on
eût changé d’érable, c’efl parce que , dans-la nou?
vellé, on a introduit les mêmes vaches. L ’altération
des organes de la reproduction & l'âcreté
des humeurs qui y affluent, indiquent, cerne fem*
ble, pourquoi fitôt & fi fouvent après l’Avortement
, ces bêtes deviennent'en chaleur*, pourquoi, la
conception n’a plus lieu} pourquoi félon, l’observation
de M. Barier, quelques vaches touffent ou
font couvertes de boutons, indices certains d’un
reflux de lait à la poitrine ou à la peau.
Des fermiers & des bergers m’ont afturé que
l’Avortement des brebis, moins ordinaire que
celui des vaches, étoit auffi quelquefois contagieux
, '& que les gardiens des troupeaux en-
levoient les Avortons avec les mêmes précautions
qu’on enlève ceux des vache*.. J e n'ai pas eu
occafion dé vérifier le fair. Il eft d’autant plus
croyable que les brebis, aux champs comme à
l’étable, font très-près les unes des autres. En
fuppofant l ’affertion exaéle, prelque tout ce que
je dis des vachès peut s’appliquer aux brebis.
La connoiffan.ce des caufes -des Avortemens
conduit à celle des moyens les plus convenables
pour fes prévenir. Lorsqu'on s?appcrçoit
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qu’une bête pleine eft trop fanguine, ce qui eft
annoncé par le gonflement des vaiffeaux, par la
rougeflV des- yeux, des narines, & de fin té-
rieur de la bouche ou de la. gueule & la plénitude
du pouls j on ne doit pas balancer-à lui
tirer du fang de la jugulaire, fi c’efl une jument
ou une vache,ou delà tête fi c'eft une bête à
laine. On répète la faignée une fécondé fois
s’il en eft befoin. Au contraire, loin de faigner,
on cherche à redonner des forces aux femelles
pleines, qui font d’une confifiution foible, foit
par des alimens plus -nourriflans, foit par des
breuvages fortifiants. Il feroit plus raifonnablér&
plus utile de ne pas faire couvrir des animaux
foibles dont le produit ne peut jamais être avantageux.
Un propriétaire intelligent ne doit pas permettre
que fes femelles pleines travaillent autant que
fi elles nel’étoient pas, niqu’on leur faffe gravir des
terreins difficiles*,il devroit empêcher qu'on les lai£
fât courir, ou qu’on leur fît porter de lourds
fardeaux,ou qu’on leur frappât fur le ventre. 11
aura foin de leur faire donner la nourriture convenable
& jamais en trop grande quantité. Le
fol de fes étables fera toujours uni *, il n’aura
que la pente néceffaire pour l’écoulement des
urine*. Le propriétaire veillera à la conduite de
fon bétail, -il exigera qu’on le faffe entrer dans
les étables & qu’il n’en forte qu’à l’aife, de manière
à n’être point preffé par les jambages des
portes. Des ordres précis donnés à des dômefti-
ques, une furveillance confiante & beaucoup
d’attentions, empêcheront la plus grande partie
des Avortemens. On ne peut prévenir celui
qu’oçcafione la frayeur d’un coup de tonnerre,
ou l’approche d’un loup, & celui qui furvient
dans une maladie vive.
Il arrive fouvent que les brebis avortent, à
caufe de l’intempérie de l’air, ou parce que les
chiens du berger mai dreffés les mordent &
les tourmentent. On remédie difficilement au
premier inconvénient*, cependant on peut jufqu’à
un certain point prévenir les Avortemens auxquels
il donne lieu -, par exemple,, fi l’automne eft
très-pluvieux & que les brebis étant nourries d’herbes
trop aqueufes, foient expofées à un relâchement
qui détermine prématurément la fortie du foetus,
il faut recourir à quelqués boiflons toniques &
apéritives, telles-que l’infufion de cendres de genêt
ou d’éponge, la déco&ion de genièvre, le
vin blanc, &c. on leur en dorme de tems en
tems quelque petite dofe & on parfume leurs
étables avec la fumée de genièvre, de genêt,
de lavandes de thim,_&c. 11 me femble qu’il
feroit également facile de prévenir les avortemens
dépendans de la contagion. S’agit-il d’une
vache, dès quon s’apperçoit qu’elle eft fur le
point.d’avorter, il faut là feparer des autres, .
la mettre dans un lieu commode, & ne lui donner
que très-peu à manger. Si après l’Avortement
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fes cotylédons ne fuivent pas le foetus| on aura
foin de les extraire ou de donner à la vache
des-breuvages compofés de décollions déplantés
emménagoguesy Telles que la rue, l’armoife, la
fabine, la matricaire, &c. je connois un berger
qui a l’adreffe de bien extraire les placentas d’ une
vache qui avorte*, fon fecours eft utile à l’animal
& à fon maître. Quelques jours après, on fera
prendre à l’animal de la thériaque, ou de l’orviétan
ou de la confeélion d’hyacinthe dans du
vin , & on la nourrira davantage. On ne la
remettra avec les autres que dans le cas où elle
fe rétablira parfaitement & même plufieurs mois
après. On enlevera le foetus qu’il faudra enterrer
profondément.
J e confeille ces moyens avec d’amant plus
de confiance qu’ils ont eu plufieurs fois du fuc-
cès*, car un fermier deSaveri, en Gâtinois & un
d’Andonville > en Beauce, les ont employé & s’en
font applaudis. M. Barrier, que j’ai ciré plus
haut, m’apprend qu’ils ont également rt-ufii dans
quelques rennes du pays Chartrain. Les bêtes
qui ne fe rétabliffent pas facilement, .& qui deviennent
bientôt en chaleur, ne doivent plus
être remifes dans le troupeau. Il feroit néanmoins
utile , avant que de s’en défaire , d’effayer
fi on ne parviendroir pas à les guérir, en leur
appliquant des ferons au fanon & au plat des
cuiffes ou même des véficatoires, comn e j’en ai
fair placer plufieurs fois avec avantage dans d’autres
circonftances. Ce dernier remède convient
fur-tout s’il y a une éruption laiteufe. On tièn-
droit en même-tems les vaches, qui feraient en
cet étar, dans un endroit chaud, & on leur
feroit prendre des boiflons faites avec des plantes
fudorifiques. Lorfqu’on s’apperçoir qu’une
jument ou une vache ou une brebis pleine ne peut
par les feuls efforts de la nature, terminer
Ion Avortement, il eft néceffaire de l’aider ,
en introduifant la main dans la matrice. Les
lignes qui indiquent cette néceffité font la mort
du foetus, qu’on ne fent plus remuer depuis
quelque tems, les douleurs que lés femelles témoignent
reffentirles friffoiis qu’on obferve,
les fanies foetides qui découlent du vagin. Alors,
avec précaution & par gradation, on introduit
une main, ointe de beurre ou d’autre matière
graffe, jufquë dans la matrice & ôn en retire
le foetus', & après lui les placentas. Oh foigne
la. mère comme après l’Avortement fpontané.
J e me borne à ce petit nombre de moyens,
perfuadé qu’avec une médecine vétérinaire fimple
& peu étendue on obtient des effets auflî certains
qffavec celle qui accumule des remèdes chers,
fouvent difficiles à employer. Ils ne fervent ordinairement
qu’à éloigner les gens de la campagne,
d’ailleurs très-occupés, des fecoùrs que l’art ren-
teroit de leur donner. On trouvera au refte plus
de détails dans le Diélionnaire de Médecine*
{M .V A b b é T e s s i e r . )