
» Triptolême, dit cet auteur, les hommes connosffoient l’ufagc du
55 bled, principalement les Hébreux & les Egyptiens, n D ’apres le
témoignage de cet hiftorien, les Grecs fur ce point, comme fur bien
d’autres, fe font dit inventeurs de ce que les Egyptiens leur avoient
appris. I l fuffit de fe reporter aux premiers tems de leur hiftoire, pour
être convaincu que l ’agriculture lierait pas même connue en Grèce,
lorfqu’elle avoit déjà fait des progrès très-confidérables chez les Phéniciens
, les Madianites & les Egyptiens. De l’aveu de leurs propres
écrivains, dans cet état primitif, les anciens Grecs erroicnt dans les
forêts comme les animaux ; ils ne fe nourrilfoicnt que de végétaux &:
couchoient en plein air dans des cavernes, dans des fentes de rocher, ou
dans des creux d’arbres. Le premier changement qu’ils firent dans leur
manière de vivre, fut de manger du gland , de fe bâtir des cabanes,
de fe couvrir de peaux de bêtes fauvages. Pelafgus fut, à ce quil
paraît, l’auteur de cette réforme. Ils fentirent bientôt la neceflîte ou
ils étoient de s’affocier pour fûbvenir à leurs befoins réciproques. Ils fe
réunirent donc, &c peu-a-peu ils acquirent de la confiftance &c goûtèrent
les avantages de cette affociation. Ils s’humamsèrent infenfiblement &>
quittèrent ce caraéfère féroce qu’ils avoient contraéfé en vivant dans les
forêts. Du moment qu’ils commencèrent à voyager en Egypte, ils prirent
quelque connoiflance des fciences & des arts, & particulièrement de
l’agriculture. De retour dans leur pays, ils firent ufage de la charrue
& commencèrent à tracer des filions. Cette nouvelle maniéré de cultiver
la terre leur parut de beaucoup préférable à celle qu’ils em-
ployoient auparavant. Elle augmentoit leurs revenus en diminuant les
travaux & les dépenfes.
Le goût de la nation pour l’agriculture s’accrut donc, foit par les
avantages quelle procurait, foit par l’amélioration dont on la voyoit
encore fufceptible. Toutes les vues politiques fe tournèrent alors vers
cette branche de l’économie publique, &c les philofophes Grecs, renommés
par la fagefïe de leur légiflation, firent des réglemens fur cet
objet, fi eflentiel à la profpérité d’un empire. Athènes &c Laceae-
mone devinrent en peu de tems deux villes floriffantes, & c eft a 1 art
du labourage quelles durent leur élévation. Dans ce moment den-
thoufiafme, tous les citoyens de l’Afrique fe difputoient a lenvi la
gloire de contribuer aux progrès de l’agriculture & d enrichir leur
patrie de nouveaux fruits, qui nous feraient peut-être encore inconnus.
Ariftée d’Athènes fut le premier qui cultiva l’olivier-& qui trouva la
manière d’en exprimer l’huile. C ’eft aux Athéniens que nous fommes
redevables des figuiers. Ce même peuple fit venir en différons tems
des> qoignafliers de l’ille de Crête, des châtaigniers de Sardes, ces
pêchers fie des. noyers de Perfe, des citronniers dp la Médie, Toutes
ces productions étrangères & beaucoup d’autres font parvenues jufqu’à
nous par l’entremife des Grecs. Les Romains ayant conquis la Grèce,
tranfportèrent en Italie tous les arbres qu’ils y trouvèrent. On doit
rapporter à ce tems-là!l’introdu£tion des oliviers à Rome, puifque, félon
Feneftella, fous le règne de Tarquin on n’en avoit vu aucun, ni en
Italie, ni en Efpagne, ni même en Afrique. Ort doute fi l’amandier
étoit connu dans le pays latin du tems de Caton & s’il n’y fut point
apporté, lors de la conquête de la Grèce. Il eft certain que le céri-
fier y étoit inconnu l’an 68 o de la fondation de Rome, & que Lu-
eullus l’apporta du Pont après la défaite de Mithridate. Les premiers
piftachiers ont été apportes de Syrie par L; Vitellius, fous le règne
de Tibère.
Dans ces jours heureux, ou les Grecs ne perifoient qu’à cultiver
leurs champs & à faire fleurir l'agriculture, ils devinrent puiflans &c
redoutables 5 on n’ofa plus les attaquer. Mais cette gloire ne fut que
paflàgère. Ce peuple ingénieux & porté à tout ce qui eft du reflbrt
de 1 imagination, négligea bientôt des occupations importantes pour
s attacher aux fébrilités de l’efprit. Les arts d’agrément remplacèrent
1 agriculture, au point que les magiftrats étoient chargés de leur faire
venir du bled du pays étranger. Les Spartiates, dont on vante encore
la vertu fauvage, laifl'oient aux Ilotes, qu’ils trairaient comme des
efclavés, le foin de les nourrir. Cette décadence entraîna la ruine de
la Grèce. AfFoiblie par la molleflè& parla volupté, un roi de Macédoine
en fabjugua une partie ; fon fils en acheva la conquête.
Lorfque les fciences eurent commencé à fleurir à Athènes , la Grèce
fot bientôt enrichie dun grand nombre d’ouvrages de toute efpèce.
Les Lacédémoniens n’eurent point de livres; ils s’exprimoient d’une
façon fi concife que 1 écriture leur paroifloit fuperflue ; la mémoire leur
foffifoit pour leur rappeller tout ce qu’ils avoient befoin de favoir. Les
Athéniens aù contraire écrivirent beaucoup. Pififtrate recueillit tous
les ouvrages des fçavans de la nation & fonda une bibliothèque, qui
saccrut prodigieufement .après la mort de ce tyran. Mais, Xercès
s étant rendu maître d’Athènes, emporta tous ces livres en Perfe, ou
la plupart fe font perdus. I l n’en refte que des fragmens.
Les Romains ont fingulièrement honoré l'agriculture. Le premier
loin de-leur fondateur fat d’inftituer douze prêtres , pour offrir aux
îeux es prémices de la terre & pour leur demander des récoltes
abondantes. On les-nomma arvales, de arva, champs. Un d’eux
e ant mort , Romulus prit fa place, & dans la fuite cette dignité ne fut
accor ee qua ceux qui pouvoient prouver une naiflance illuftre. Numa
ompi ius, 1 un des plus fages rois de l’antiquité, avoit partagé le terri-
oire e Rome en différens cantons. On lui rendoit un compte exact