
U n cultivateur, dit Pline, ne peut fuivre trop exactement ce s
trois préceptes de Caton. Le premier, c’eft de bien labourer la terre ;
le fécond, de bien labourer encore5 & le troifième, de la bien en-
graifler.
Tems du labourage. Dans les pays chauds, on doit labourer dès
le folftice d’hiver; & dans les pays froids, dès l’équinoxe du printems.
I l faut s’y prendre de meilleure heure, dans les endroits fecs que dans
les lieux humides; dans ceux qui font gras, que dans ceux qui font
maigres; dans les terres fortes, que dans les terres légères. Si vous-
habitez un climat où la chaleur Sc la fécherefl'e de l’été font exceffives,
où la terre eft sèchent maigre, il eft plus convenable de labourer entre
le fblfhce d’été & l’équinoxe d’automne; fi, au contraire, le pays eft
froid ; fi les pluies font fréquentes ; fi le terrein eft gras & couvert
d’herbes ; labourez pendant les grandes chaleurs. La terre, eft-elle, forte
& profonde; rompez-la même en hiver : eft-elle légère & fablonneufeî
ny mettez la charrue que peu de tems avant de l’enfemencer.
Notre auteur rappelle ici quelques autres préceptes importans tirés
des anciens auteurs : N e touchez p o in t, dit-il, à une terre ta n t qu’elle
Jera fangeufe. Souviens-toi, cultivateur, qu’avant de labourer, tu
dois t ’efforcer, autant qu’il ejl poffîble, à bien piocher & à divifer
la glèbe. L ’utilité de ce dernier precepte eft très-fenfible.. Il eft certain
que par cette pratique, on extirpe les mauvaifes herbes & on difpofe
la terre à recevoir 'plus facilement l’influence de l’air & les -rolees
falutaïres.
; Le laboureur qui veut fé frire honneur dans fon état, ne doit pas
dédaigner de fuivre exactement les plus petits détails des fonctions qui
1 inréreflent. Son attention doit fe porter continuellement fur les animaux
qui partagent avec lui fes travaux & fes fatigues. Il doit obferver, fi fes
boeufs font attelés le plus près poffible l’un de l’autre, afin qu’ils aient
la tête élevée en tirant la charrue, & qu’ils ne fe t'ordent pas le cou..
Les filions qu’ils tracent doivent être finis d’un feul trait, fans aucune
interruption. Si la terre eft aifée à labourer , une paire de boeufs peur
dans un jour, donner la première façon à tout un joug;& la fécondé
a un joug & demi, en faifant des. filions de neuf pouces de profondeur.
U eft de la vigilance du laboureur de prendre garde de ne pas laiJTer
entre deux filions des bancs,c’eft-à-dire, des efpaces quine foient point
laboures. Son champ dépofera contre fa négligence, s’il eft obligé de
le herfer après l’avoir femé.
L attitude du laboureur, lorfqu’il trace fes filions, c’eft d’être courbé'
fur là charrue. S’il y manque, il prévarique, comme on dit en-terme
de labourage : d’où cette expreffion a paffé au barreau, ajoute Pline ï
car Ion dit pareillement qu’un juge qui s’écarte de l’équité, pré-
varïque.
Dès qu’il aura fini de labourer en travers, il br.fera, s il eft
fiécefiaire, les mottes de terre avec une herfe ®u un rateau, &
répétera cette opération après qu’il aura répandu la femence. Dans
quelques pays, il fuffit de recouvrir les grams quon a femes, en y
faifant paffer une herfe plane ou une fimple planche attachée a la
charrue ; mais tous les lieux ne permettent point de fe palier de herie
à crampons. — , r - r t
Récoltes diverfes. La récolte de l’orge étant faite, on peut, fi la
terre eft tendre, y femer du millet; après le millet, des raves; & apres
les raves y femer de l’orge ou du froment. Voici un autre ordre qué
l’on peut fuivre : c’eft de laifler repofer durant les quatre mois dç
l’hiver, la terre où il y aura eu du far, & d’y mettre enfuite des
fèves de printems qui y demeureront jufqu’à la récolté des fèves
Lorfque la terre eft trop grafie, on peut la faire travailler en y
mettant trois fois de fuite des légumes, après quelle a donne dû
froment. Si elle eft trop maigre, il faut la laifler repofer de trois
ans l’un. . c
Quelques cultivateurs prétendent qu’on ne doit femer le froment
que dans une terre qui aura repofé l’année d’auparavant.
Néceffité de fumer les terres. U convient de ne jamais enfemencer
une terre fans l’avoir fumée; & la quantité de fumier quon y met, doit
- être proportionnée à la qualité des grains qu’on veut femer. Le froment
fe paffe plutôt de fumier que l’orge. Le millet, le panis; les raves,
les navets, les fèves demandent toujours une terre engraiflee. Voulez-
vous femer le bled ou quelque légume en automne.; Des le mois de
feptembre incorporez le fumier avec la terre, en^ labourant aufli-tot
après la pluie : & fi vous avez quelque femaille a faire au printems,
mettez le fumier pendant l’hiver. En général, une terre qui neft pas
fumée, eft trop froide; & celle qui a reçu trop de fumier bruk les
femences. Les laboureurs inftruits dans leur profefiion, aiment mieux
mettre peu de fumier & en mettre fouvent, que den répandre beaucoup
à-la-fois. Plus une terre eft chaude, moins il faut de fumier.
Les préceptes que Pline donne fur la qualité des femences, les
règles qu’on doit fuivre en femant, la quantité de bled quon doit
femer & le tems le plus propre pour cette opération, font autant d articles
intéreflans qui méritent de trouver place ici.
Qualité des femences. La graine d’un an eft la meilleure pour
femer ; celle de deux n’eft pas fi bonne ; celle de trois vaut encore
moins- & celle de «quatre né produit rien du tout. Celle qui fe trouva
au bas de l’aire, étant la plus pefante, eft aufli par cette raifon celle
dont on doit faire le plus de cas,
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