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beaux fruits. Si cette manière de cultiver les
Ananas eft moins difpendieufc que les autres,
elle eft infiniment plus afiujériffante & moins
fûre; elle ne peut guères être pratiquée chez nous
avec quelque fuccès, que par Les jardiniers marë-
chais, dont le zèle & laélivité font continuellement
fl i mu lés par l’appas d'un bénéfice avantageux.
IX. De la multiplication des Ananas. Les
Ananas fe multiplient par le moyen des femences,
des drageons, des oeilletons & des couronnes.
Prefque tous les individus d’Ananas, cultivés
en Europe, ayant été multipliés par couronnes
ou par drageons, font devenus par une longue
culture , des plantes luxuriantes qui, en même-
tetns que leurs fruits ont acquis de la groffeur &
de la faveur, ont perdu , en grande partie, la
faculté de donner des graines. C’eft pourquoi la
voie de multiplication par les femis eft devenue
prefque impraticable chez nous. Cependant comme
il fe remontre quelques vaiiétés qui produifert
encore des femences, il eft bon de ne pas négliger
ce moyen , lorfqu’on trouve occafion de
le mettre en pratique. Ç’eft le feul qui puiffe
régénérer les races appauvries , & fournir de
nouvelles variétés aulli rares qu’intéreffantes ,
parmi lefquelles il eft très-probable qu’il s’en
trouvera de moins délicates que celles que nous
connoiflons & peut-être de meilleur qualité. C’eft à ce moyen que les Américains doivent les meilleurs
fruits qu’ils pofsèdent ; tout nous invite
donc à le mettre en ufage dans les jardins où
l ’on cultive cette plante en grand, -& à le faire
concourir avec les autres voies de multiplication.
Pour récolter de bonnes graines d’Anarias ,
il convient- de laiffer parfaitement mûrir le fruit
fur pied , avant que de le recueillir , & de le
laiffer enfuite pendant une quinzaine de jours
à l’ombre dans un lieu chaud. Sa pulpe s’amollit,
on l’écrafe dans un vafe rempli d’eau , elle fe
divife, s’écoule avec l’eau , & les femences reftent
au fond du vafe avec l’axe & les cellules d’où
il eft aifé de les- tirer. On les laiffe reffuyer
pendant une journée ou deux, enfuite on les
sème.
La terre qui convient à ces femis, eft une
terre légère , fablonneufe & peu fufceptible de
garder l ’humidité. On en remplit des pots, dans
lefquels on sème les graines à des diftances égales,
entuite on les recouvre d’environ deux à trois
lignes de cette même terre, qn’on affermit avec
le dos de la main | on les arrofe immédiatement
après & à plusieurs reprifes, afin que la terre1
foit bien imbibée, avec un arrofoir à pomme
dont les trous foienr bien fins y on place enfuite
les pots fous un chaffis & fur une couche chaude.
Lorfque les graines n’ont pas été femées plus tard
qu’à la fin de l’été , & qu’on a eu foin de les
arrofer fouvent-, elles lèvent vers le milieu de
J automne , & le plant pouffe deux ou trois
feuilles avant l’biver. Mais fi cette dernière faifoo
a n a
eft humide , il aura bien de la peine à fe con-
ferver. Il faudra le placer dans la couche de tan
d’une ferre chaude, le plus près des vitraux
qu’il fera pofîible, & ne l’arrofer que rarement
& fort légèrement. Les femis du printems font
plus sûrs de réuffir, parce que le jeune plant a
acquis , pendant l’été & l’aufomne, affez de force
pour fe défendre de l’humidité de l’ hiver. Mais
il eft difficile de conferver des fruits jufqu’à
cétre époque ; & fi on garde les graines quelques
mois après qu’elles ont été tirées de leur fruit,
il eft rare quelles lèvent. Les plants provenus de
femis, fe cultivent comme les couronnes & les
oeilletons, mais ils ne donnent des fruits que
la cinq ou ftxième année , ce qui, joint à la
difficulté d’obtenir des graines , a fait préférer
les autres voies de multiplication.
On préfère , en général, les couronnes aux
drageons, & ceux-ci aux oeilletons. On fait qu’on
nomme couronne , le bouquet de feuilles qui
eft placé fur le fruit •, les drageons font, les
branches qui fortent du collet de la racine, 8t
les oeilletons , celles qui viennent fur la hampe
au-deffous du fruit. Çes trois parties font également
propres à multiplier la plante; lorfqu’elles
font de même force, elles produifent en même
tems , des fruits de même grofieur & d’égale
bonté. C’eft uniquement la différence de leur
force qui en apporte dans celle dç la maturité de
leurs fruits. Ainfi, on ne doit avoir égard , dans
le choix , qu’à la force & à la végétation d’une
partie fur les deux autres.
On n’eft pas le maître de fe procurer de
fortes couronnes, & même on ne defire guère
d’en obtenir, parce qu’en général , elles ne fe
trouvent que fur des petits fruits ; les plus gros
ont prefque toujours de petites couronnes. Mais
on peut aifément fe procurer de beaux drageons,
il ne faut que faire ufage du moyen que nous
allons indiquer.
Nous avons dit qn’il falloit vifiter les Ananas
après la récolte des fruits. Les vieux pieds ont
ordinairement plufieurs drageons, on n’en laiffe
que deux des plus vigoureux, & L’on fupprima
tous les autres ; on place enfuite ces vieux pieds
dans une couche neuve , & on les arrofe aufii
fouvent qu’il eft poffible. Les drageons prennent
de la force en peu de tems,'& vers la fin de
février, qui eft l’époque où l’on prépare des
couches fous les haches, on les fépare de leur
Touche, le plus près du collet de la racine qu’ij
eft poflible , & l’on fupprime les vieux pieds qui
ne font plus en état de fournir de nouveaux
drageons.
Les drageons doivent être préparés comme
les comonnes , c’eft-à-dire, qu’il faut ôter trois
ou quatre rangéees des petites feuilles du bas,
& couper en bifeau l’extrémité du talon, lorf-
qu’en l'arrachant avec effort on a enlevé une
> portion du collet de la racine* On les laiffe fu?
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nne tablette pendant fept ou huit jours , pour
que les cicatrices aient le tems de fe raffermir ,
après quoi on les plante dans de la terre sèche,
comme nous l’avons dit ci-deffus.
X. Des obflacles a fa végétation. Le plus grand
de tous, eft le manque de chaleur; le fécond,
la trop grande humidité , le troifième , une
chaleur donnée inconfidérémenr & fans gradation,
& le quatrième, une efpèce d’infeéle particulière
à l’Ananas. Nous avons fait connoître les trois
premiers, & les moyens de les vaincre; il ne
nous refte qu’à traiter du dernier, ce que nous
allons faire en tranferivant cet article du cours
complet cPagricuhure, parce qu’il ne laiffe rien à defirer.
ce L ’infeéle de l’Ananas eft blanc ; il reffemble
d’abord à une pouffière blanche, & bientôt il
paroît fous là forme de ces petites cloques qui
ravagent les orangers : comme celles-ci, on juge-
roit qu’elles ne font aucun mouvement : cachées
fous l’écaille qui les recouvre, elles font collées
fur la feuille, & travaillent fûrement à l’abri de
leur enveloppe. Dans cet état, toutes les parties i
de la plante fervent àaffouvirleur voracité; elles j
ne rongent pas les plantés , mais armées d’une
trompe, elles l’enfoncent dans leur tiffu, en
pompent le fuc; & , après l’avoir retiré, il fe fait
une extravafion de la sève; les feuilles jauniffent,
la plante languit & meurt. La reproduélion de
cet infééle deflruéleur eft prodigieufe; & dans
peu de tems , ces cloques fe font emparées de
tous les ananas d’une ferre. On a effayéde plufieurs
moyens pour parvenir à leur deftruéiion;
la multiplicité des recettes prouve affez Ton inutilité.
Voici cependant celle qui eft la plus en
ufage. Dans un vàiffeau quelconque rempli d’eau,
on fait une forte infufion de tabac ; & après avoir '
enlevé toute la terre au tour des racines de la ■
plante, on la pl onge entièrement dans cette infufion,
où elle refie environ pendant vingt-quatre heures.
Lorfqu’on la retire de ce bain, on la plonge de
Bouveau dans un bain d’eau propre; une éponge
fert à nettoyer les feuilles, le dedans, le dehors
& le deffous du pot dans lequel on doit la replanter
, & on lui donne de la' terre neuve.
Après l’opération, le pot efi mis dans la tannée
à laquelle on a ajouté du tan neuf, afin d’y re-
nouveller la chaleur. Ces infeétes multiplient
beaucoup plus pendant l’été fur les plantes, qu’on
tient trop féches, que fur celles dont les vafes
font pourvus d’un peu d’humidité. Les irrigations
en manière de pluie ne dérruifent point ces infères
; ils fe ferrent & fe collent davantage contre
les feuilles, & leur couverture en foime de bouclier
, laiffe couler l ’eau qui devroit leur nuire.»?
î XI. Des qualités du f uit. Dans le pays où
1 Ananas eft indigène, on attend que le fruit ait
prefqu acquis fa maturité pour J e cueillir ; alors
d eft féparé de la tige & fufpendu pendant quell
e s temsj fon goût en devient plus relevé* parce
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que l'eau furabondante de la végétation s’eft dif-
fipée & que cette eau dans l’Ananas , comme
dans tous les fruits quelconques, eft mal faine,
& noyé les principes aromatiques. Pour le manger,
on le fépare de la couronne ; quelques-uns
enlèvent l’écorce du fruit fur deux lignes d’épaif-
feur, le coupent horizontalement en tranches
minces , qu’ils faupoudrent d’un peu de Tel, &le
laifiènt ainfi macérer dans l’eau pendant quelques
infians; d’autres font tremper ces tranches dans
du vin d’Efpagne, auquel on a ajouté du fucre •>
mais de quelque manière qu’on l’accommode , il
feroit imprudent d’en manger beaucoup. En Afie,
on le regarde comme très-échauffant, & nuifible
aux perïbnnes attaquées de maladies cutanées.
L ’ananas a l’avantage de réunir le parfum de nos
meilleurs fruits. On croit reconnoitre le goût de
la fraife, de la framboife, de la pêche, de l’abricot,
de la pomme de reinette, &c. ceux que nous
cultivons dans nos ferres ont à peu de chofe près
les mêmes qualités.
L ’odeur, & non la couleur des fruits décide
de leur maturité ; & lorfque les tubercules ont
perdu un peu de leur fermeté, il efi tems de les
cueillir ; fi on les laiffe mûrir entièrement fur
pied , la chair devient molle. filandreufe , le
parfum diminue. Pour les manger bons, il faut lès
prendre au point convenable.
Les fix autres efpèces d’Ananas font des plantes
à peu-près de même nature que celle dont nous
venons de parler: elles fe prêteroient à la même
culture fi on la leur adminiftroit , mais leurs
fruirs, quoique doués en général de qualités in-
téreffantes, ne peuvent entrer en comparaifon avec
ceux de l’Ananas cultivé, ce qui fait qu’on les
regarde plutôt comme des plantes d’agrément que
comme des plantes d’ufage économique. On fe
contente de pofféder deux ou trois individus de
chaque .efpèce dans les grands jardins de botanique.
On les y cultive pendant l’hiver dans les
tannées des ferres chaudes & l’été fous des bâches
ou fous des chaffis.
Ces plantes Te multiplient de graines qu’il faut
tirer des pays où elles croiffent, parce que très-
rarement elles en produifent dans notre climat.
Pour en être plus sûr , il faut les faire venir avec
leurs fruits qu’on a foin de faire deffécher avant
que de les emballer. Au moyen de cette précaution
, les‘graines fe confervenr pendant le voyage.
Ondes sème au prinrems, vers le mois de mars*
dans des pots remplis d’une terre douce, fablonneufe
& légère. Ces pots doivent être placés fur
une couche trèsrchaude qu'on couvre d’un chaffis.
Pendant les quinze premiers jours il convient de
baifiner matin & foir , les pots qui renferment ces
femis, pour déterminer leur germination.Mais il
faut diminuer les arrofemens dès qu’on apperçoit
le cotjledon des femences fortir de terre & ne
leur donner de l’eau que de loin en loin.
Le jeune plant eft fouvent affez fort pour être