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glaçons, on s’arme de flèches & de frondes pour prendre le lièvr»
éc le daim.
Signes qui annoncent la pluie ou les beaux jours. Chaque laifon
a des allies qui la dominent, & qui produifenr fouvent des ravages
affreux. On peut prévenir ces efpèees de calamités, en examinant
leurs diverfes conjonctions, & fur-tout à quelle partie du ciel répondent
les planètes de Saturne & de Mercure, pour favoir fi elles font d’un
heureux préfage. A cette occafion, le poète recommande très-expreffe-
ment le culte des Dieux. Tous les ans, à la fin de l’hiver, on doit
leur offrir des facrifices. Voulez-vous, dit-il, que vos agneaux foient
gros, que les vins nouveaux foient bons, & vous procurer à vous-
même un fommeil agréable à l’ombre des épais feuillages, au retour
du printems facrifiez à Cérès fur un autel de gazon.
Tontes les intempéries de l’air s’annoncent par des lignes certains
que le laboureur ne doit point ignorer. Jupiter la voulu ainfî, afin que
les bergers avertis par ces lignes, n’éloignent point leurs troupeaux:
des bergeries. On connort l’orage & la tempête par les pronoftics
fuivans. Les eaux de la mer fe gonflent ; les rivages retentiflcnt au
loin du bruit des flots écumans. Les vents mugiflent fur la cime des
montagnes; les oifeaux de mer viennent avec des cris aigus fe réfugier
fur les côtes; les poules d’eau fecouent leurs ailes; & le héron quitte
les marais pour s’élever dans l’air. Souvent des étoiles parodient tomber
du firmament, & former dans les ténèbres de la nuit de longues traces
de lumière. Si le tonnerre gronde au feptentrion, & retentit à l’orient
& à l’occident, les campagnes vont être inondées. Perfonne ne peut être
furpris par l’orage : tout l’annonce; les hommes les moins précautionnés
favent s’en garantir. On voit les grues s’élever des profondes vallées
& fuir dans les airs; les génifïes lever la tête, regarder le ciel & ouvrir
de larges nafeaux pour refpirer ; l’hyrondelle rafe la furface des eaux ;
la grenouille croaffe dans les marais; l’arc-en-ciel tracé dans la nue
boit les eaux de la mer ; une légion de corbeaux fait frémjr les airs
par le battement de fes ailes; la corneille fe promène feule fur les
fables, & femblc appeller la pluie par fes cris aigus ; les jeunes filles
qui filent le foir à la lumière d’une lampe ont un préfage alluré : fi
l’huile de la lampe qui les éclaire pétille & forme une efpèce de
charbon à la mèche, elles augurent de-là qu’il y aura un orage. Le
beau-tems fe prévoit comme la pluie; les étoiles font brillantes; la
lune le difpute au foleil par fa vive lumière ; les alcyons n’étendent
plus leurs ailes fur le rivage de la mer; on ne voit point les cochons
difliper avec leur grouin la paille qui leur fert de litière ; les nuées
font balles & tombent en brouillard ; la chouette ne fait plus entendre
fës funèbres gémiflemens; les corbeaux perchés fur la cime des arbres
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témoignent leur joie par leurs croaffemens & leur agitation fous le
feuillage ; ces oifeaux cependant ne font point doués d’un elprit prophétique
: leur prévoyance ne peut pas même influer fur le cours de
la nature ; mais lorfque la température de l’air a changé, il fê fait
alors une différente impreffion fur les organes de ces animaux caufée
par les divers mouvemens des airs. Voulez-vous encore connoître le
tems qu’il doit faire le lendemain ; Obfervez le foleil la lune ; fi le
croiflant de l’aftre de la nuit eft obfcurci par les nuages, les campagnes
font menacées d’un tems pluvieux; fi elle a cette rougeur qui
fied fi bien aux jeunes filles, craignez le vent; fi au quatrième jour
elle eft claire & lumineufe, ce jour-là & les fuivans jufqu’à la fin du
mois, feront fereins.
Lorfque le foleil levant paroît couvert de taches & entouré dur»
nuage qui ne laiffe appercevoir que la moitié de fon difque, on a
tout lieu de craindre la pluie ; bientôt il va s’élever du côté de la mer
un vent du midi fatal*aux arbres, aux moiflons & aux troupeaux. Si
au lever de cet aftre, vous voyez fes rayons percer un nuage épais,
s’échapper à droite & à gauche; fi en même-tems l’aurore fbrtant
d’entre les bras de Titon paroît fans force & 'fans couleurs, ah! quelle
horrible grêle fera retentir les toits! que le raifin fera peu garanti par
le pampre qui le couvre! Pour favoir plus pofitivement le tems qu’il
fera le lendemain ; on doit obferver le foleil, lorfqu’il termine fa
carrière. Son difque eft tantôt d’une couleur, tantôt d’une autre ;
lafiir marque la pluie; & le pourpre, les vents. S’il eft tout enfemble
rouge & bleu, attendez-vous au vent & à la pluie r au contraire , fi à
fon lever & à fon coucher le foleil eft brillant, les nuages ne doivent
caufer aucune alarme. Ils feront bientôt diffipés par l’aquilon; enfin,
le pere du jour & de la nature n’eft jamais trompeur : quelquefois
il annonce des guerres, des confpirations, des évènemens funeftes :
ainfi, après la mort de Céfar, il fut touché du fort de Rome & fembla
prefager fes malheurs. Virgile finit ce premier livre par un fuperbe
epifode fur la mort de cet empereur.
Le fécond livre des géorgiques traite des arbres & de la vigne
fpec alement; on y voit les différentes manières dont les arbres naiflent
& fe multiplient, les méthodes qui étoient alors en ufage pour les
enter; les obfervations qu’il faut faire fur la qualité du térrein avant
de les planter ; les lignes pour reconnoître la natffie du fol ; la culture
de la vigne & l’ufage qu’on fait de certains autres arbres.
Differentes manières dont les arbres naiffent & fe multiplient.
Parmi les différais arbres que nous voyons fut la furface du globe,
les uns croiflènt d’eux-mêmes comme l’ofier, le peuplier, le fiule, &c.
Les autres viennent de femence & dépendent de la main des hommes;
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