r y é D I S C O U R S
Fourrage des beftiaux. Le meilleur de tous les fourrages pour les
animaux, c’eft l’herbe qui nous vient de la Médie ( la luzerne). Lorf-
quelle a bien pris racine & quelle eft dans un bon fonds, elle dure
dix ans. On la fauche quatre fois par ati, quelquefois même fix.
Elle a de plus la propriété de fumer les terres, d’engraiffer les beftiaux,
& de les cruérir quand ils font malades. U n joug de terre plante en
luzerne eft plus que fuffifapt pour nourrir trois chevaux pendant toute
une année. Voici la manière de la femer ; au commencement d’odqbre,
on laboure la terre quon lui deftine ; vers le premier février, on donne
Je fécond coup de charrue, on ôte les pierres, on brife les mottes:
enfuite on tierce & on herfe. Dans le mois de mars, on répand le
fumier; &: on sème la graine à la fin d’avril. La quantité dun
cyathus (i) fîrf&f pour un efpace de dix- pieds de long fur çmq de
vefce fe sème dans une terre crue : il eft mieux de la rnettre
dans un 'terrein qui aura reçu un premier labour. I l y a deux faifons
pour femer cette plante, ôc la quantité de femence varie fuivant le
ferns où on la sème. Vers l’équinoxe d’autonme> il en faut fept modu
pour un joug; au mois de janvier, il n’en faut que fix. De toutes les
plantes, c’eft celle qui fupporte moins la pluie, au moment ou on la
sème; c’eft pourquoi on attend pour la jetter en terre, l’heure ou le
foleil a diffipé toutes les vapeurs répandues dans l’atmofphere. Les
grains qui paflent la nuit fans être recouverts, fe corrompent lorfqu on
la sème avant le vingt-cinq de la lune > les limaçons lui nuifent prefque
couiours. - . , F f r
Les herbages quon doit couper, avant leur maturité, feront iemes
vers l’équinoxe d’automne, dans des terres qui produifent toutes les
années fans fe repofer, après quelles auront été très-fomees Sc binees,
Dès le premier de mars, il faut empêcher les beftiaux d’y entrer.
Le tenu grec que les payfans appellent filiq u a , fe seme dans deux
tems différens, vers l’équinoxe d'automne & à la fin de janvier. Dans
Je dernier cas, il faut jjx modii pour un joug, au lieu qui! en faut
fept dans le premier. Dans quelque faifon qu’on le seine, i faut lui
donner une terre crue que l’on a É É de labourer, de façon que les
filions foient ferrés les uns auprès des autres, fans etrç profonds s
qar lorfque fa graine eft couverte de terre à plus de quatre doigts
d’épaiffeur, elle ne lève pas facilement. . . , .
On sème Vers en automne après le folffiçe d hiver, ou dans le
mois dp fçvfier ; il veutunç terre maigre & qui ne foit pas humide,
( i ) Le cyathus ét’oit la douzième partie du fextarius. I l faut
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I l «faut cinq modii poür un joug de terre. L a gejfe, qui'ne diffère pas
de la cicerole pour le goût, fe sème an mois de mars, apres un ou deux-
labours, félon que la fertilité du fonds l’exige : c’eft auffi de cette fortuite
que dépend la quantité qu’on doit en femer pour un joug ; il en
faut tantôt quatre m o d ii, tantôt deux ; ■ quelquefois deux & demi
fuffifent. ' ■ ' . ; ' ; ■ ; ' ■ ,
Tems de farder. Ayant parlé du tems où il faut confier a la terre
chaque efpèce de femence, Côlümelle enfoigne de quelle maniéré on
doit cultiver chacune de celles dont il a fait mention. Les femailles
finies, il faut farder. Les auteurs ne font pas d’accord fur cette operation :
les unsdifelit quelle eft inutile &Cmêmedangereufe ; les autres prétendent
quelle eft néceffaire & àvantageufe. Gette dernière opinion mérité
la préférence. U eft bon de farder pendant 1 hiver, pourvu que la
température de la faifon le permette. I l faut fe conformer aux üfages
qui font reçus dans les lieux qu’on habite : cependant on fe gardera de
farder, avant que les femences aient entièrement couvert les filions.
Suivant le précepte des anciens, il fora tems de farder le bled
adoreum, lorfquil aura quatre feuilles; l’orgè , quand il en aurà cinq;
les fèves &C les autres légumes, lorfqu’ils auront quatre pouces de haut.
Malgré ce que difent plufieurs agriculteurs, il faut farder lesfeves. Ceux
qu’on employera à cètte opération, prendront garde de ne pas endommager
les plantes ; ils auront foin plutôt de les rechauffer &C d accumuler
la terre auprès des racines, afin quelles deviennent plus fortes & plus
vigoureufes. Telle1 eft l’attention qu’ils auront en fardant la première fois-;
il ferait nuifible de fuivre la même pratique la fécondé fois , parce que,
dès que le bled a cefle de multiplier fes tiges, il fe pourrit, s il eft trop
couvert de terre. Lors donc que l’on fardera pour la^ fécondé fois, il
ne faudra que remuer la terre & l’applanir. Cette operation doit avoir
lieu après l’équinoxe du printems, avant que les bleds commencent
à nouer.
L ’auteur a mis tant de précifion & de details dans fon ouvràge,
qu’il a calculé jufqu au nombre de journées qu il faut employer, avant
de conduire les grains dans l’aire.
. Grains qui fum en t ou qui brûlent la terre. Saferna prétend
qu’il y a des femences qui fument la terré ; & d autres qui la brillent
& la maigriffent. U attribue des qualités bienfaifantes au lupin, a
la fève, à la vefce, à l’ers, à la lentille, a la geffe & aux pois.
Les légumes, au contraire, qui brûlent la terre & qui la maigriffent,
font le pois-chiche & le lin ; l’u n , parce qu’il eft d une nature falee ;
l’autre, parce qu’il eft d’une nature chaude. Le panis & le millet nuifent
auffi beaucoup aux terres. U n terrein qui aura été épuife par ces fortes
Agriculture. Tome I. «