
par conféquent, pourroient être regardés comme
des engrais. Mais il y en a d’autres qui, ne
jouiffant pas de cette propriété, offrent cependant
de grands avantages aux cultivateurs qui
font obligés d’y avoir recours , tels font les
marnes, la chaux, le plâtre , les cendres, &c.
J ’ai déjà, dit que les terres étoicnt ou froides
ou brûlantes ; celles-ci, font légères & divifées ;
celles-là, fortes & compares. On ne peut aflïgner
au jufte celle des fubftances minérales qu’il convient
d’ajouter à tel ou tel terrein, pour le fer-
tilifer. Selon qu’il fe rapproche, plus ou moins,
de l’une ou de l'autre des qualités extrêmes, il
faut y mêler des fubflances plus ou moins capables
de lui donner de la compacité , ou de le
divifer.
L ’argille ou la glaife forment le fonds de la
plupart des terres, qui donnent de la compacité;
voyez argille & glaife. La craie & le fable forment
celui des fubflances qui divifent. Ces matières ne
- font jamais pures, mais toujours mélangées, &
en diverfes proportions* Leurs qualités dépendent
de ces proportions. La marne nous en fournit
un exemple. Ce n’eft point une terre fimple,
d’une nature particulière , c’efl la réunion de
plufieurs* fortes de terres, dont la dominante eft,
ou de Pargille , ou de la craie *, ce qui me détermine
à la diflinguer, en général, en mamp argil-
leufe & en marne crayeufef Quand il s'agit de
marner un champ , il faut connoîrre la nature de
la terre du champ & celle des marnes, dont on
peut difpofer, pour ne mettre que de la marne
argilleufe, dans les terres légères, & de la marne
crayeufe, dans celles qui font compaéles. L ’ob-
fervation, le .meilleur de tous les maîtres, inflruit
le cultivateur fur la .quantité qu’il en doit employer.
La marne argilleufe a befoin de mûrir avant
d’être répandue ; cette efpèce de maturité n’eft autre
chofe qu’un commencement de divifion qu'elle acquiert
à l’air, fur-tout pendant l’hiver, étant expoféè
aux gelées. Sans cette précaution, elle ne fe mêle-;
roit que difficilement avec la terre; les labours,
les herfages achèvent de la brifer.
Il y a des glaifes, abondantes en vitriol, qui
fe manifefte par le foufre métallique , dont eft
couverte l’eau dans laquelle elles trempent. Elles
font, ou grifes, ou rougeâtres, ou jaunâtres. -Le
fer quelles contiennent, eft combiné avec l’acide
vitrielique. On ne peut les rendre propres à la
végétation, qu’en les corrigeant avec de la chaux.
Si la marne argilleufe eft utile pour fertiUfer
les terres légères & divifées, c’eft à h marne
crayeufe , ou au fable, qu’il faut avoir recours
pour les terres humides , froides & compaéles.
Une erreur commife dans le choix des marnes,
& dans la quantité, peut coûter plus d’une récolte
au cultivateur. .
Rien ne prouve mieux que la marne n’eft point
un engrais, que la Éécelüté ou l'on eft de fumer ?
quand on emploie cette fubftance. Cette néceffit<$
augmente en raifon de la quantité qu’on en répand.
Si l’on n’en met que la jufte proportion, on
le fert du fumier analogue à la nature de la terre
du champ; fi on en met au-delà, le fumier qui
peut en être le correéfif, doit être choifi félon
l'efpèce de marne. On fume, avec du fumier de
vacne, un champ trop fortement marné avec de
la marne calcaire ; & on fume , avec du fumier
de cheval, un champ pour lequel on a trop employé
de marne argilleufe.
Communément une terre marnée avec de la
marne argilleufe , en quantité convenable, eft
améliorée pour 25 ou 30 ans. Dans quelques pays,
les fermiers font fouiller & répandre les marnes
à leurs frais ; dans d’autres, ce font les propriétaires
, qui s’en chargent. On ne marne chaque
année qu’un petit nombre d’arpens, & on retarde
ainfi les jouiffances.En France, la brièveté des baux
ne permet pas aux fermiers de tout marner dans
les premières armées, parce que leurs fuccefleurs
auroient la plus grande partie du profit. Si lés
baux étoient de dix-huit ans , perfonne n’hé-
fiteroit à faire des avances & des facrifices, dans
l’efpérance certaine d’en recueillir le fruit,
■ Voyez marne.
La craie & la chaux donnent à la terre un
degré de divifibilité plus grand, que la marrie
crayeufe. Car celle-ci eft fou vent mêlée de matières
étrangères & même d’argille. Auffi , doit-on
préférer la craie & la chaux pour les terres très-
humides & très-froides. Voyez craie & chaux,
Des pierres tendres crayeufes, les recoupes de la
pierre calcaire, un tuf de la même nature, tel
que celui qu’on emploie aux environs de Thion-
ville, les coquillages marins, ou foflîles, tels que
le Falum de la Tourraine, le plâtre même , en
ufage auprès de Grenoble ; dans lç pays de Vaux1,
où on le tire du Valais, & même dans quelques
cantons de l’Allemagne , où on l’emploie lur-tout
pour les trefles, toutes ces matières conviennent
auffi pour réchauffer les terres humides ; on af-
fure que leur effet ne fubfifte guère que 12 à
16 ans; au lieu que celui de la marne argilleufe
dure le double de tems. Pour garantir cette af-
fertion , il faudroit qu’elle fût fondée fur des
expériences, dans lefquelles une 'terre compaéle
& une terre légère au même degré , auroient été
marnéès avec des quantités égalés de marnes, l’une
argilleufe, & l’autre crayeufe auffi au même degré.
On conçoit combien feroient difficiles ces
expériences, qui n’ont point été faites, Jufques-là
on n’a que des à-peu-près. Tout dépend des
rappprts des terrains & des marnes entr’eux , de
la quantité dés marnes employées, & du plus oit
moins de pluie qui tombe.
J e fuis porté à croire queTaélion de la marne
crayeufe, de la craie, de la chaux & du plâtre,
fe manifefte plus »promptement que celle de la
partie argilleufe ? & dès-la première, ^nnée
parce que la marne argilleufe a befoin de gelées
, & de plufieurs labours , pour fe bien
mêler. *
Il y a des pays affez Jieureufement partagés
pour avoir de la marne à une petite profondeur.
Dans d’autres, on eft obligé de la tirer de plus
de cent pieds, ce qui rend les frais plus ou moins
eonfidéraides. J e fuis perfuadé qu’un cultivateur
intelligent , qui habiteroit la Sologne > où le
fol eft compofé d’une couche* de fable aride,
affis fur une couche de glaife , pourrait par le
mélangé de ces deux terres & des engrais, fer-
tilifer un canton , & le mettre en état de produire
des grains plus avantageux que ceux qu’on
y_ récolte.
. Dans les fabriques d’alun , de favon & dans
les. blanchifferies , Les réfidus des cendres pref-
que entièrement épuifées de fels, font réfervés.
pour, les laboureurs , qui ,en font grand cas,
& les placent dans leurs terres fortes & argil—
leufes.
• Après les fubftances calcaires, le fable paraît
celle qu’on doit rechercher pour l’amélioration
des terres compaéles & humides. Car il eft
propre à-les; divifer , en les, foulevant, & en
s’interppfant entre leurs parties. Parmi les fables, .
on doit donner la préférence à celui qui eft doux,
fans contenir de parties argilleufes.
On fe garde bien de perdre les démolitions des
vieux bâtimenss, compofés en général, de terre
durcie & defféchée, & de fels, particulièrement de
fel de nitre ou falpêtre. Leurs qualités dépendent de
la nature des terres employées pour la bâtifle,
& des efpèces de bâtimens qui .font détruits.
Car les matériaux de conflruélion varient félon
les pays ; les démolitions d’une écurie & d’une
étable ont plus de falpêtre que celles d’une
grange. Tout ce qu’on peut dire, c’eft que leur principale
aétion eft comme terre légère & brûlante ;
ainfi,, elles conviennent mieux dans les terres
fortes & humides.
Le fable, ou plutôt la vafe de mer, dont on
fait beaucoup d’ufage , eft chargé de débris de
corps marins , & imprégné de fe ls, qui,ajoutent
à.fon effet divifant un engrais précieux. Voyez
fable. .
Le même but' eft à-peu-près rempli par des
cendres 'de charbon foftile & de houille. La
Flandres, & le Hainault, pays où les terres font
froides , en connoiffent les avantages. Voyez
houille*
Selon le degré de perfection que la tourbe a
acquife", fa cendre devient auffi un amendement
plus ou moins utile de la nature des précédens.
On dit que celle qui eft’blanchâtre , ne vaut
pas la noire; ce qui eft très - vraifemblable. Car
la dernière étant formée d’une plus grande quantité
de végétaux détruits, contient plus de fels. I
C eft encore une double manière d’agir, que pré-
fente la tourbe, noire ; elle agit comme fubftance
terreufe, & comme fubftance faillie. L ’auteur
d’un ouvrage récent fur la tourbe & fur fes
cendres, eft embarraffé d’expliquer commenr la
cendre de tourbe peut, dâns les prairies, détruire
les joncs, les rofeaux, certaines moufles,
&C. fans nuire aux graminées , qui n’y végètent
qu’avec plus de force , quand on y répand
de cette fubftance. Ce n’eft point , comme il le
croit, ppr une aélion caufîique, qui n’épargnerait
ni les bonnes ni les mauvaifes plantes , mais
parce que la cendre de tourbe divife la terre , &
la rend moins propre à retenir l’eau. On fait
que les rofeaux, les joncs ne fe plaifent que la
racine dans l’eau, tandis que la plupart des graminées
y périffem. Voyez tourbe.
Ces deux propriétés fe trouvent réunies dans
les cendres de bois, dans celles des végétaux do
terre, de mer , de lacs ou de rivières , qu’on
raflemble pour y mettre le feu. II y a beaucoup
de pays où l’on brûle, à cetre intention, des
bruyères , des fougères , des ajoncs, &c. Dan9
quelques • cantons de la Bretagne , les payfans
ne font ufage du fumier , qu'en le réduifant en
cendres. Enfin „ en Bas-Poitou, on va jufqu’à
20 lieues ,chercher des cendres, qui proviennent
de la combuftion des plantes & des fumiers de
marais.
La fuie de cheminée , qui contient du fel
ammoniac , les eaux faumâtres, le fel marin lui-
même peuvent être répandus avec avantage fur
les terres , pour les fertilifer. M. Patullo con-
feille 4 oit 500 quintaux de fel marin pour des
terres pefarites médiocres. On ne pourrait s’en
fervir que dans les pays , où il ferait à très-bas
prix.
En rapportant jufqu’ici les engrais que four-
niffent -à 1 agriculture les deux premiers règnes
de la nature , & ce qu’elle tire du froifième, je
n’ai parlé, pour ainfi dire , que de fubftances
fimples & ifolées.. Mais on les mêle & on les
combine les unes avec les autres, foit pour en
modérer, foit pour en augmenter l’effet.
Le pins ancien, je plus univerfei & le meilleur
engrais eft le fumier. C’eft un mélange de
matières-animales , végétales & minérales même,
Voyez l’article fumier.
Le fumier d'e cour des fermes & métairies, eft
formé de pailles ou de plantes, & des urines £k
fientes des chevaux, mulets, ânes, vaches, boeufs,
cochons ; on laiffe putréfier ces matières
plus ou moins, long-terris.
Celui de brebis refte communément dans les
bergeries fix mois ou un an; on l’en tire pour le
mener aux champs.
Les fumiers des maifons particulières font
compofés de pailles & de toutes les ordures ,
qui dépendent des profeflions & métiers qu’exercent
les perfonnes qui les habitent.
Ces fumiers n’ont pas les mêmes qualités ; ils
fuivent l’ordre des fubflances qui les compofent*