
z6 D I S C O U R S
les capitales des provinces. L ’amour de l’utilité publique leur a donné
nüinance ; mais un choix mal-entendu d’une partie des membres qui
les cpmpofeient, des travaux d’une forme peu convenable, de la théorie,
à la place de l’expérience ; telles font les caufes qui les ont fait
languir fie tomber infenfiblement. On cherche dans plufieurs villes à
les rétablir ; mais à moins que ce ne foit fur un nouveau plan, on
n’en peut efpérer que quelques étincelles de lumière, qui s’éteindront
bientôt. Le payfan françois, qu’il s’agit d’inftruire des nouveaux procédés
découverts en agriculture , ne lit point ou prefque point : on
doit donc le compter pour rien dans l’ufage qu’on peut faire des
mémoires des compagnies favantes. Accoutumé dès l’enfance à une
pratique qu’il rient de lès pènfcs, il n’en connoît &. n’en veut pas
connoître une autre, à moins que fous fes yeux il n’en voie de bons
effets. C ’elt le langage de l’expérience qu’il faut lui parler. Que le
ha fard place dans chaque province, dans chaque canton, un homme
intelligent, ami de l’agriculture, parient & capable d’infpirer de la
confiance à tout ce qui l’environne, qu’il y fafl'e des expériences en
saflpciant pour cela des laboureurs, qu’il les mette en état de juger
eux-memes des réfultats ; fans efforts pour les convaincre, fans livres*,
fans encouragemens même, il les verra, lentement à la vérité, adopter
des méthodes nouvelles qui auront eu des fiiccès & dont ils fe croiront
lés inventeurs, parce qu’ils auront coopéré aux effais qu’on efl
aura fait. Geft ainfi & non autrement que les connoiffances diflipe-
ront peu-a-peu les ténèbres de l’ignorance & des préjugés répandus
fur 1 agriculture. Pour favorifer ce moyen, je voudrais qu’il y eût
dans la capitale une fociété d’agriculture formée fur un plan, dont
j ai trouvé prefque toutes les idées dans les converfarions & dans les
lettres d’un illuftre agriculteur.
L etabliflement ne coûterait rien à l’état, qui feulement le protégerait
& s adrefleroit a lui quand il aurait des projets d’amélioration
pour les- provinces. . . - *
La fociété ferait compofée de citoyens bienfàifans & zélés, parmi
lefquels il fûffiroit qu il y en eût .quelques-uns de propres à recueillir
des faits, a les rédiger & à en former des inftructions fimples &
courtes. On prierait des perfbnnes confidérables fie en état de pro-
teger 1 etabliflement, de vouloir bien en être membres.
Laffemblee fe tiendrait chez celui des affociés qui aurait la maifon
la plus commode fie fituée le plus' près du centre de la ville,
j, ||É | ^ aurait pas de peine à trouver dans Paris un nombre füffifanc
daflbcies, qui fourniraient des fbmmes égales, dont l’emploi fera indique
ci-deflous. Cette ville renferme beaucoup de gens qui, grâces
a lefprit du fiecle, ne cherchent que des moyens fïirs de faire fervir
une partie de leur fortune à l’utilité publique. Ce qui fe pafïe aux
loges des francs-maçons, ce quia tenté la fociété d’émulation, ce que
projette la fociété philantropique, en font des preuves convaincantes.
Peut-être même ces compagnies, fi elles étoient perfuadées de la con-
fi fiance fie de futilité d’une fociété d’agriculcure r bien établie fie bien
conduite,, réuniraient-elles dans, fon fein, polir l’ufage le plus avantageux,
les fecours quelles difperfent 8c qui ne produifent qu’un bien
momentané à quelques individus ?
La fociété, banniffant à jamais l’idée de former une académie, ne
tiendrait pas d’affemblées publiques ; mais elle admettrait dans Les
féances les perfonnes qui defireroient s’inffiruire ou communiquer quelque
chofe d’utile. Sa fonction principale confifleroit à répandre dans
les provinces les découvertes qui fe font dans le monde entier, fit (ce
qui efl plus important encore) les pratiques dïverfes qu’une longue
expérience a conflatées fie qui font plus furies que les nouvelles inventions.
Pour cet effet il faudrait quelle fut en relation avec toutes les fociétés
d’agriculture du royaume , qui feraient abfolument indépendantes
d’elle. Celles-ei fe choifiroient dans les provinces un certain nombre
de correfpondans, qui feraient ou des gentilshommes vivans dans leurs
terres, ou des curés, ou des bourgeois de petites villes qui euflèntdu
goût pour l’agriculture, de l’intelligence 8c un peu de terrein à con-
facrer à des expériences. C ’eft à ces correfpondans que les fociétés
feraient paffer les infini ôtions manuferites ou imprimées fur les objets
d’agriculture.. Ils les communiqueraient aux gens de la campagne,
en leur en montrant les effets, 8c quelquefois les modèles des inftra-
mens qui leur parviendraient. Les correfpondans, de leur part, informeraient
les fociétés des befbins & des defirs des cultivateurs, arrêtés
fouvent par la crainte de la dépenfe dans les effais qu’ils veulent
tenter. Par ce moyen, les correfpondans feraient une voie intermédiaire
entre les fociétés &c les cultivateurs de prafeflion.
Les membres de la fociété de la capitale feraient choifis oàr elle,
ainfi que les correfpondans quelle fe procurerait dans la généralité de
dans, fur les témoignages avantageux quelle aurait de leur zèle &
de leur defintereflement ; car leur fonction ferait gratuite.
Les fociétés emploieraient leurs fonds ou les femmes qu’on leur
confierait pour donner des prix de récompenfe à ceux qui auraient
enrichi 1 agriculture de quelque nouvelle méthode, pour faire parvenir
aux cultivateurs des graines qu’ils voudraient femer, les inftru-
mens nouveaux fie les inftruétions nécefTaires; enfin, pour les frais
& mmiflration & de correfpondance. Comme celle de la capitale
ferait compofée dun plus grand nombre de perfonnes riches, elle
D a.