
fauvage tout ftérile qu’il eft, féconde celui dont nous recueillons les
olives grades & lui apprend à donner des fruits qu’il n’auroit fu produire
lui-même.
Le poirier prête, fans jaloufie fes fleurs de couleur de,neige, &
s’unit amoureufement à un bois différent du lien. Tantôt il arrache les
armes cruelles de fes frères épineux & force les poiriers indomptés de
dépofer leurs traits ; tantôt il produit des pommes & fait fléchir les
rameaux du frêne, en le chargeant de nouveaux fruit? : uni à l’amandier,
il corrige l’amertume de fes fruits, & décore le prunelier fauvage d’un
honneur qui lui étoit inconnu. Ses branches entées fur le coignaflier
offrent une métamorphofe mterveilleufe ; il en naît des fruits, dont la
faveur participe des efpèces alliées qui les ont produits : il dépouille les
fruits du châtaignier de l’écorce piquante qui les enveloppe, & change
le poids dont ils font chargés en un fardeau plus doux : il défarme les
neffliers hériffés de dards piquans Si les cache fous une écorce liffe :
on croit que fes germes s’uniffent en grenadier; & qu’étant fécondés,
ils donnent des fruits d’un rouge pourpré.
Les grenades, qui ne s’affocient jamais à des arbres étrangers,
multiplient le nombre de leurs boutons en changeant de femence ( i ).
Le pommier greffé fur des branches plus hautes que les fiennes, continue
à croître & s’identifie avec l’efpèce de poirier qu’on lui a affocié. Il
rend lifies les branches des pruneliers garnis d’épines ; ainfi que les chênes
armés de piquans & les revêt dans leur adolefccnce d’une belle chevelure
; il remplit d’un fuc agréable la pedte corme ;il fe plaît à changer
de nom fur des fouches de faule & à répandre fes fleurs fur le bord
des fontaines ; il apprend au bois du platane à rougir, lorfqu’il eft chargé
d’un fruit nouveau. Le pêcher admire fes ombres auxquelles il n’étoit
point accoutumé & la chevelure du peuplier porte des fruits éblouiffans
par leur blancheur ; la neffle lui obéit; & changeant fes entrailles
pierreufes, elle groflit Sç prend une teinte rougeâtre, tandis quelle fe
remplit d’une liqueur blanche : au lieu d’une coque épineufê que le?
châtaigniers fourniffoient auparavant, ils donnent de nouveaux fruits,
qui les embelliffent par leur couleur jaune.
Le pécher charge fes branches d’un meilleur germe & fait affocier
fâ nature à celle du prunier. I l couvre d’ombres légères le tronc de
l’amandier & devient lui-même plus fort par cette nouvçlle alliance.
Le çoignafifier, qui reçoit la greffe de toutes fortes d’arbres fruitiers,
ne donne la fienne à aucun : il eft fi fier, qu’il méprife l'écorce
d’un bois étranger, convaincu qu’il n’y a point d’arbre qui puifle ajouter
(i) Cette phrafe, qui paroît équivoque, doit s’entendre fans doute, de la greffe d’un
individu féparé qu’on ente fur un arbre de la même efpèce.
quelque
quelque choie aux honneurs dont il jouit: mais, offrant à fes propres
branches des alliances-qui ne leur font point étrangères, il fe contente
d’ennoblir fes propres individus.
Le dur neffiler fe greffe fur de's pommiers dont le fruit a un goût
acerbe.
Les branches du citronnier fouffrent auiïi qu’on leur prête les greffes
du mûrier ; elles détrüifent les piquans dont les poiriers font ordinairement
armés & nourriflent leurs fruits d’un fiic odoriférant ; c’eft-à-
dire, pour parler plus clairement : on greffe le citronnier tant fur le
mûrier que fur le poirier fauvage, & lorfqu’une branche de citronnier
eft greffée fur un poirier, cet arbre celle d’être épineux.
On greffe le prunier t iir lui-même: & lorfqu’on le force de s’unit
au châtaignier, les fruits qui en proviennent n’ont ni piquans ni rien
de dur à l’extérieur ; mais les branches du châtaignier deviennent épi-
neufes comme celles du prunier.
Le figuier détermine les mûres à quitter leur couleur noire, fait
la loi aux branches dont il s’eft emparé. Les figues qui viennent fur les
platanes fe confervent très-groffes fous une écorce plus épaiffe. Le
figuier reçoit en outre le germe du mûrier; Sc celui-ci à fon tour teint
en rouge les hêtres élevés, ainfi que les fruits hériffés du châtaignier.
Le térébinthe, dont l’odeur eft fi agréable, s’allie aux mûriers 5 c
procure alors un double avantage ; celui de porter du fruit & celui de
donner une réfine, qui eft des plus odoriférantes.
Le cormier greffé fur lui-même, donne des fruits plus gros qu’au-
pàravant : cet arbre fe plaît à unir fon fruit avec le coing dore.
Le cerifier fe greffe fur le lauriei', le platane, le prunier; & il
embellit d’un nouvel éclat le feuillage du peuplier.
Un bouton d’amandier caché entre l’écorce d’un prunier fendu,
donne bientôt des fleurs odoriférantes qui fe montrent avant toutes
les autres ; il change les fruits du pêcher en y ajoutant une enveloppe
dure qui leur fert de défenfe ; il arrondit fous une petite forme le fruit
du caroubier. Lorfque fes branches font mariées avec celles du châtaignier,
les fruits qui naiffent de ce mélange font lifles, beaucoup plus
gros & mieux nourris.
Les pifiaches croiffent encore fur les tiges de l’amandiet & acquièrent
dès-lors un nouveau degré de perfeélion.
La greffe du châtaignier féconde les failles des rivières & prend
une force prodigieufe, lorfqu’il eft abreuvé d’une grande quantité
d’eau.
Le noyer dont la circonférence eft fi étendue, s’unit avec l’arboufier
& rapporte des fruits qui font en fûreté fous leur double ecorcc.
Agriculture. Tome I. G g