
Caton.
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Le dix-neuvième livre renferme diverfes remarques fur les chiens de
chaffe, les lièvres, ,les cerfs, les pores, & fur la manière de faler qu«lque
viande que ce foit. . . , ,
Manière de fal.er les viandes. Celles qui font fraîches & delle-
chées font les meilleures pour faler, pourvu quelles foient placées
dans des lieux ombragés & humides, & quelles foient expofees au
feptentrion plutôt qu’au midi. Elles deviendront plus tendres f io n y
met de la neige tout autour après les avoir couvertes de paille. Il faut
empêcher les animaux dont on veut faler k viande de boire la veille
de les mer. On doit auparavant la défofler. Le fèl égruge en le
meilleur. Les vafes dans lefquels il y a eu de l'huile ou du vinaigre
font ceux qui conviennent le mieux. La chair de chevre, de brebis,
de cerf prend fel facilement. On la faupoudre de fel ; on enlève toute
l’humidité & la fanie, & on y remet du fel: enfuite, la peau étant
retournée en bas, on l’arrange de manière que les morceaux ne fe
touchent pas. On feroit bien de verfer par-deflus du vin doux. Didymus.’
Dans le vingtième & dernier livre, on trouve tout ce qui a rapport
aux poiffons, tant de mer que de rivière, l’art de les élever, de les
nourrir & de les prendre.
Manière de les nourrir. On coupe par petits morceaux de la
chai» de veau, on la mêle avec le fang de cet animal, on lâ met dans
un vafe pendant dix jours , & enfuite on la donne aux poiffons.
Anonyme. . , 1 , ,
Ces exemples, que nous avons pris au hafard, donneront une
idée de cet ouvrage. La plupart des pratiques «qui y font inférées font
fuivies encore de nos jours, ce qui doit rendre ce recueil beaucoup plus
précieux : il y en a, à la vérité , quelques-unes qui font vifiblement
tauffes & fuperftirieufes, mais -elles font en petit nombre.
A U T E U R S R O M A I N S .
jyg Porcins Caton eft le premier des R ornai ns qui a écrit fit
l’économie rurale , puifque fon ouvrage remonte à une antiquité de
près de deux mille ans. Sous quelque rapport qu’on confïdère cçt
illuftre fénateur, on doit le regarder comme un des plus grands hommes
de fon fièele. I l avoit paffe par toutes les charges glorieufes de la
république & mérité les honneurs du triomphe : il réuniffoit de plus
en fa perfonne les qualités d’excdlent orateur, de général accompli
& de Lavant jurifconfolte. Au rapport de Pline , il avoit compofe
plufieurs ouvrages ; 'mais, parmi les préceptes en tout genre qurl
avoit donnés au peuple romain , ceux .d’agricUlture tiennent le premier
rang. Us font énoncés avçc une -certaine majeftc de ftyle,
une
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Une gravité auftère qui caraétérife le cenfeur romain. On n’y trouve
point, à la vérité, ces digreffions amufantes ni ces agréables defcri-
ptions que Cicéron lui prête dans fon traité de la vieillejfe ; mais
cette fîmplicité, loin de diminuer le mérite de cet ouvrage, le rend
encore plus eftimable. On doit fe rappeller que les leçons quil donne
font adtelfées à des cultivateurs, par conféquent à des gens fimples,
auprès defquels toute parade d’érudition eut été déplacée.
Précautions à prendre, avant d’acquérir un fo n d s de terre.
Les premiers préceptes que donne Caton concernent les précautions
qu’il faut avoir, lorfqu’on veut faire l’acquifition d’un fonds de terre:
C ’eft une opération qu’on ne doit pas faire à la hâte ; mais, après
avoir bien réfléchi fur fon importance, & fur les moyens d’en tirer
un parti avantageux , il recommande d’examiner s’il eft placé
fous un bon climat, & qui ne foit pas fujet aux orages. Indépendamment
de tous ces acceffoires, il faut que le fol foit par lui-même d’une
bonne qualité, qu’il foit fitué au pied d’une montagne, expofé au
midi, dans un endroit foin, qu’il y ait de l’eau, qu’il avoifine une
grande ville ou la mer, ou un fleuve navigable, ou enfin un grand
chemin. Il faut choifir une contrée dont les Habitans foient conftans,
& que ceux à qui il fora arrivé d’y vendre quelques pofleflions aient
fujet de s en repentir. U fout examiner s’il y a des vignes, un
jardin bien arrofé, une fouffoie , un plan d’oliviers, une prairie, des
champs, des bois de charpente, un verger & Une chenaie.
Devoirs d’un père de famille. Auffi-tôt que le père de famille
fora arrive a fa métairie, & qu’il aura rendu fos devoirs au dieu Lare,
il doit foire le tour de fa terre, dès le jour même, s’il eft pofîible,
linon des le lendemain. Quand il aura pris connoiflance de l’état de
la culture & des travaux qui font foits, ainfi que de ceux qui font à
foire, il fora venir, le jour fuivant, fon métayer Sc l’interrogera-tant
for les travaux qui font foits, que for ceux qui reftent à faire ; il fo
fora rendre compte de ce qui aura été récolté en vin, en bled & en
tout autre genre de productions ; il prendra en détail le nombre des
ouvriers qui auront été employés, & celui des journées qui auront été
faites. Il entrera en compte avec lui, du bled, de l’argent, & du four-
ragequil peut avoir en réforve; il fera la même chefe pour le vin &
pour 1 huile, afin de voir ce qui en aura été Vendu, Ce qui aura été
paye & ce qui relie a vendre. Il fe fera repréfenter l’état des provifions
H k maifon. S il manque quelque chofe pour le courant de l’année ,
il le fera acheter j comme au contraire, s’il fo trouve du foperflu, il le
fora vendre. Il portera auflï fon attention for le bétail: s’il trouve des
boeufs trop vieux & hors d’état de travailler, des brebis défeétueufeÿ &
Agriculture. Tome I. M