
que les effets indiqués, qui les rangent cependant
dans la claffe des amendemens.
Les gelées enfin contribuent à amender les
terres, en divifant celles qui font *à la furface,
& , en foulevant la couche de deffous. Auffi,
doit-on avoir l’attention de foire de gros labours
axant l’hiver, dans les terres trop aifées à
ameublir.
Le labour eft le premier des amendemens artificiels
; c eft une pratique' générale de tous les
fiècles , de tous les pays -, il le fait avec différens
inftrumens & de différentes .manières. Ses avantages
font inappréciables, rien ne- peut les fup-
pléer. Dans une terre qui n’eft pas labourée, les
graines ne lèvent pas, ou lànguiftent & periffent
bientôt. Si on façonne la terre aux pieds des
plantes , ,on les voit grandir & fe fortifier fenfi-
blement. Le labour détruit les herbes inutiles,
divife le fo l, en préfente à Pair fucceffivement
les diveifes parties, l’ameublit tellement que les
plantes peuvent y développer leurs racines, s’y
nourrir, & fuivre le cours entier de leur végétation.
Toutes les opérations qui fe. font avec la herfe,
le rouleau > lelarcloir, &c. font des dépendances
du labour, avec lequel ils concourent pour remplir
le même objet.
Il y a des terres, dont les molécules font fi
rapprochées & fi ferrées les unes contre les autres,
qu’il fout, avant de les enfemencer, les labourer
jufqu’à quatre fois, & même les herfer à chaque
labour. D’autres n’ont befoin d’être remuées qu’une
ou deux fois ; ce font celles qu’on reconnoîr pour
être légères & divifées. Un cultivateur éclairé des
environs dTffoudun en Berry, a eu bien de la
peine à déterminer des fermiers à ne labourer
qu’à trois façons une terre légère à laquelle ils
en donnoient cinq, Telle plante veut un fol qui
ait de la confifiance ; telle antre fe plaît dans une
terre ameublie, ou du moins foulevëe. La luzerne.
& le foin foin en offrent des exemples.
La manière de labourer les terres peut les rendre
plus ou moins fertiles. De médiocres quelles font,
elles deviennent bonnes, quand un cultivateur
intelligent les façonne. J e çonnois un canton de
la Beauce, o ù , de tems immémorial, la charrue
n’enfonçoit pas à plus de quatre pouces..On crai-
gnoit de mêler à la terre végétale, une terre
rouge , compare, regardée comme inféconde,
Des^ fermiers plus éclairés que leurs prédéceffeurs,
n’ont ' pas héfité de remuer avec la charrue, &
d’amener à la furface une partie de la terre rouge,
qui, expofée à l’air & jointe,à des engrais, eft
devenue de bonne qualité, & a augmenté de
quelques pouces la couche de terre végétale; ce
qui juftifie le proverbe : tant vaut l’homme} tant
vaut la terre.
Il n’eft pas douteux que le labour à la bêche
ou à la houe ne foit un meilleur amendement
que le labour à la charrue. On flevroir ? au moips
dans les petites exploitations, faire labourer à la
bêche ou à la houe, tan rôt une pièce de terre ,
tantôt une autre. Ce feroit le moyen de les renom
veller pour pluficurs années. Les particuliers
récolteroien; davantage, s’ils employoienttoujours
cette manière de cultiver.
Les labours profonds qu’exige le, défrichement
des terres à prairies artificielles, les amélioré &
leur fait proauire de plus belles récoltes. 11 fout
enfoncer la charrue pour détruire les racines du
foinfoin , du trefle, & fur-tout de la luzerne.
On ameublit par ce moyen une couche plus
épaiffe , x capable de nourrir plus 'abondamment
les. végétaux qu’on lui confie. L ’avantage de l’alternative
des terres qu’on laboure pour les enfemencer
ou qu’on met en prairies artificielles, eft
fi marqué, qu’il y a des pays où, par cet art précieux
, les jachères font fupprimées , les.' terres
éranNroujours en rapport. Les prairies artificielles
font donc une bonne manière d’amender. Voye{
P rairie s artificielles.
Des cultivateurs dès environs de Nantes en
Bretagne, du Berry, de la Sologne, de la Lorraine,
de la Champagne, de la Bourgogne, &c.,
font peler la furface dés l,andes ou des champs
incultes depuis long-tems ; on inet en tas . les
brouffailles & les gazons pelés, on les foit sécher *,
on les brûle & on en répand les cendres ; cette
opération s’appelle ecobuer, ou ejfarter. On ne-
l’emploie que dans les mauvais terreins qu’on
eft' obligé de laiffer repofer plufieurs années ,
& -où- il ne croît que des genièvres-, des fougères,
des bruyères. J ’ai oui dire à des hommes éclairés
en agriculture que cet amendement n’étoit pas
avantageux , parce qu’un terrein , ainfi brûlé,
ne rapportoit prefque que la première année, au
rapportait bien peu les années fuivantes. N’y
remédieroit-on pas en brûlant les plantés fans
brûler la terre ?
Les colons d’Amérique & de tous les pays’nou-
vellement découverts, n’ont befoin que de faire façonner
la terre & d’y femer ou planter çe qu’ils
veulent multiplier. De riches récoltes les attendent
fans qu’il leur en ait coûté Ig peine de- former &
de tranfporrer des engrais, inutiles dans, une
terre vierge. Les heureux habitans des- bords
du Nil en ‘Egypte labourent des champs fer-
tilifés «chaque année par le limon que ce fleuve
bienfaifant apporte & répand dans ton débordement.
On a parmi nous quelques exemples de
-cette fécondité naturelle & extrême, mais ils
font rares ; c’eft ordinairement dans les places
où l’on a détruit des bois. Cette fécondité
dure plus ou moins ' d’années -, mais , en gér
néral , on ne récolte que, très - peu , fi de
tems en tems, on fie joint à l’amendement des
labours celui des engrais ou des mélanges de
différentes fubflances propres à améliorer le fol-
J e n’ai pas befoin de dire que tout cultivateur
doit examiner quelle eft la nature des engrais
■ ■ " " -, ' -'U. quij
'qu’il a à fa portée, & ceffe des terres q-uil veut
mettre en valeur, afin de s’affürer s’ils conviennent
ou s’il eft fiéceffaire de les mélanger ou corriger ;
il -fout qu’il calcule la dépenfe des engrais qu’il
fe croirait obligé de fe procurer d’ailleurs, &
qu’il neffaie qu’en petit d’abord ceux dont les
effets font incertains ; avec, cette précaution on
peut tout tenter fans courir de rifque.
On prend des engrais dans les trois règnes
de la nature. Ceux que fournit le règne animal pa~
roiffent les meilleurs; ce font i.° les excrémens
de l’homme, la fiente du cheval, du mulet, de
l’-àne, du boeuf, de la vache, du mouton, du
cochon, des canards, des oies & autres oifeaux
aquatiques, des poules,dindons, pigeons; 2.® les
immondices des voiries, celles des boucheries,
qui comprennent le fong, les fientes & des parties
d’inteftins ; 3.0 l’urine de l’homme & celle des
étables ; 4.0 les débris des cornes, des ongles,
des poils; ç.* les chiffons de laine & de foie,
les Balayures des atteliers, où on travaille en
os, en ivoire, en baleine & autres matières ,
appartenantes aux animaux ; 6.° enfin les cor
quillages & les. poiffons.
On peut en général regarder les engrais comme
chauds ou froids. Les premiers font d’autant plus
chauds qu’ils font plus récens & plus en inaftê. J ’ai
obfervé qu’un amas de fumier, formé en partie de
crodn de cheval, étoit affez chaud pour qu’on ne
pût y enfoncer la main fans fe briffer ; un oeuf en
une nuit y a durci complettemenr. Les engrais
froids ne le font que par relation avec les engrais
chauds, c’eft-à-dire, qu’ils font moins chauds que
les autres.
La chaleur d’un engrais n’exifte plus fans doute,
quand on le divife pour le répandre; alors il n’eft
plus chaud par lui-même , mais il l’eft par rapport à l’effet qu’il produit. S’il hâre la végétation, il
eft chaud ; s’il l’a ralentit, il eft froid. Ces dénominations
, ainfi expliquées, peuvent être con-
fer vies- fans qu'on ait raifon de les blâmer.
S’il y a deux fortes (d’engrais -en général, les
uns chauds; lés autres froids, il,y a auffi deux
fortesde terreinsauxquels ces engrais conviennent;
les engrais chauds doivent Être mis dans les terres
froides, & les engrais froids dans les terres brûlantes.
On conçoit qu'il y a dans les engrais ,
comme dans les terreins , des nuances entre les
extrêmes.
Dans beaucoup d’endroits & particulièrement
dans toute la Flandre, on recherchecomme engrais
les excrémens de l’homme. Des voitures avec des
tonneaux paifem tous’les marins dans les rues de
la ville de L ille , vont de portes en portes , &
xamaffent le produit des gardes-robes, pots-de-
chambre, & chaifes percées. Auffi n’a-t-on prefque
pas befoin , dans cette ville, de latrines, li
xiéceffaires où cet ufage n’a pas iieu. Dans les
places de guerre, les latrines des cafernes s'afferment
à des cultivateurs.' Il faut "éviter d’em-
dsruulturc. Tome I ." J l .‘ Partie,
ployer ces excrémens encore recens. On affitre
qu’ils communiqueroient de l’odeur aux plantes,
qui la première année croîtroient dans les champs"
qn on en auroit fumé. En les iaiffant un an à
l’air, ou en les enterrant dans l’année de jachère,
on n a pas, à ce qu’il me femble, cet inconvénient
à craindre.
Un jardinier , qui employoit des. excrémens
d’hommes, fans leslaifTerquelques tems à l’air, les
detrempoit dans beaucoup d’eau , qu’il jetoit aux:
pieds de fes légumes, pendant la nuit. Des laitues
pommées, ainfi arrofées, n’en conttaéfoient aucun
mauvais goût. Elles étoient d’une grofTeur pro-
digieufe, comme tout ce qui eft produit par cet
engrais.
It y a des auteurs qui prétendent que les
vuidanges des latrines, répandues fur 1a terre.
donnent aux planres des qualités vénéneufes, ou
au moins contraires 4 la fanré. Us ont la même
opinion des immondices de voiries & des fumiers
même de vache & de cochon. Cette prétention me
paroit abfolument dénuée de preuves , & fondée
fur de (impies conjeélures; car , de ce que les
plantes venues dans des terres fumées avec des
excrémens d’hommes, en retiennent l’odeur, il
ne s’enfuit pas qu’elles foient dangereufes pour la
famé. Une odeur défagréable n’annonce pas toujours
Iapréfence d’une fubftance nuifible ; au refte
on n’a point fait fur cela d’expériences, & il en
faudroit pouf conftater le fait.
Les excrémens de l’homme, expofés long-tems
à l’air, fe defsèehent au point de pouvoir être
mis en poudre; c’eft un excellent engrais, connu
fous le nom de poadrecte. On en fait ufage en
Flandre & dans quelques cantons de la Suifle
fur-tout pour les linières.
Les excrémens de l’homme paroiftent un engrais
chaud & defliné'poui*les terres froides, compactes
& humides ; voilà pourquoi les Flamands en font
un fi grand ufage.
Le crétin de cheval, de mulet & d’âne, ap.
proche de cette qualité.
On trouve à la fiente de boeuf & de vache
des qualités contraires. Cette dernière eft préférée
pour les terres légères & brûlantes.
Le crotin de mouton paffe pour un engrais
au-deffus des deux précédens. Il me femble que
n'étant ni auffi chaud que l’un, ni auffi froid que
l’autre , il convient dans les terres de médiocre
confilfance , qui ne font ni humides, ni brûlantes.
On n’obtient guère feuls ces différens crotins '
que, dans les pays où la rareté des fourrages né
permet pas de faire de la litière aux animaux
ou dans des auberges, ou chez des bouchers"
ou enfin par la voie du parcage. Dans la Valbonne’
canton de la- Bréffe, on fait parquer les bêtes
à cornes; les bêtes à laines parquent en été dans
une partie de la France. Cette excellente pratique
qui nift pas encore affez répandue , offre dé