
jj Tellement ufage pour vivre , s'élever & fe fou-
» tenir.
jj En fe conformant à toutes fes habitudes,
j j I on fe procurera , fans aucun doute , en peu
jj de rems, une plantation confidérable de vanille ,
j j & des récoltes furabondantes à la confomma-
ution qui s’en fait en Europe.
j j On connoît à Cayenne & dans les Antilles
j j trois variétés de vanille , qu’on peut diftin-
jjguer en groffe vanille » petite vanille , & en
j j vanille longue j les unes & les autres nont au-
j j om aromate lorfqu’elles font fraîches & qu elles
j j n’ont point été préparées, mais elles acquièrent
j j un goût agréable, une odeur fuave & aroma-
j j tique par la préparation.
j j Ces vanilles ne fe trouvent que fur les ri-
jjves des criques & dans les lieux circonvoi-
j j fins, fu jets à être fubmergés par. les grandes ma-
j j rées. Au bord de ces criques & dans les lieux
jjcirconvoifins, viennent aboutir des forêts de
j j haute-futaie, & fouvent des mangiiers & des
j j palétuviers,arbres que l’on quitte à mefure qu’on
j j s’éloigne du bord delà mer, en montant les
j j rivières. On voit donc que cette plante aime
j j à être arrofée par les eaux falées ou fauma-
j j très, puifque ce n’eft que dans les lieux in-
j j habités, incultes , couverts de grands arbres,
j j toujours humides & fouvent inondés, qu’on
j j trouve les vanilles ainli, on ne doit les cher-
j j cher que dans de pareils lieux. Dans les dif-
jjférens voyages que j’ai fait, tant-à-Sinemarie
jjàCouron , Orapu, au comté de Gènes, à To-
jjnegrande & à Caux, &'c., lieux circonvoifins
jj de^ Cayenne, je n’ai jamais découvert cet epi-
adendrum dans les déferts; mais j’en ai toujours,
uapperçu auffi-tôt que je fuis arrivé au bord
j j des criques & des rivières où la marée fe fai-
jjfoit fentir , & dans les autres lieux faumâtres
j j & marécageux.
jj Les deux variétés d’Epidendrum qui. don-
jjnenr les fruits qu’on nomme grande & petite
j j vanille , prennent leur nourriture dans la terre,
j j & s’étendent communément fur le tronc de
• 3j difFérens palmiers, en gagnent le fommet & en
j j couvrent la tête -, les farmens s’entrelaçant à
j j la bafe des feuilles , ces palmiers forment des
j j forêts fur le bord des rivières qui font îub-
j j mergées par les marées *, ils font connus fous
33-les noms de comon , bâche, &c. Lorfquil ar-
j j rive que les farmens inférieurs de ces Epiden-
jjdrum font coupés par les chaffeurs on les ani-
j j maux fauvages , les farmens fupérieurs fubfiftent
j j encore, parce qu’ayant pouffé de leurs noeuds
j j des racines , elles s’enfoncent dans la terre
j j qui fe trouve ramaffée & accumulée dans les
j j creux & les gouttières que forme la réunion des
j j feuilles des palmiers , terre qui eft apportée
j j par le vent & retenue par les feuilles.
j j Les Epidendrum, dans cet état , font à cou-
j j vert des rayons ardens du foleil, & font touj
j jours entretenus frais & humides $ tant par
jj l’évaporation des eaux faumûtres & l’air- falin,
jj que par les brouillards & les pluies abon-
jjdantes; cela ne veut pas dire que ces Epiden-
jjdrum l'oient d’une efpèce parafite , puifque,
jj quand on vient à détruire une forêt de pal-
jj mi ers , & qu’il en refie quelque^ pieds loli-
jj taires fur le fommet d’un tronc garni de pieds
jj d’épidendium, comme j’ai eu occafion deTob-
jj fer ver , ces derniers jauniffent dans .tontes leurs
jj parties , deviennent filandreux , coriaces, durs,
jj moins fucculens , & infcnfiblement périflent,,
j j parce que la pluie réitérée entraîne la terre
jj dans laquelle ces plantes prenoient leur nour-
jjriture.
j j Rien n’efi donc plus facile que d’étendre cette
j j culture’, la plante indique elle-même la ma-
jjnière félon laquelle elle defire être traitée, ainfi
j j que le fol & l’expofition qui lui conviennent.
jj Comme cette plante eft larmenteufe , que fes
farmens font noueux ,& qu’ils pouffent de chaque
jj noeud des racines, il faut couper & divifer ces
jj farmens en plutieurs portions , & avoir foin
j j qu’à chaque divifion il y ait ail moins deux
jj noeuds,* en pique en terre, au pied d’un ar-
jjb re , deux ou trois de ces farmens , en obfer-
jjvant qu’il y ait hors de terre un noeud duquel
jj puiffent fortir les .jeunes pouffes.
j j L’Epidendrum indique qu’il fe' plaît dans un
j j terrein humide , très-abrité du foleil. & fub-
jjmergé par les fortes marées. 11 faut donc em-
j j ployer à cette,culture les terres abandonnées,
5j& c’eft au pied des arbres qui y croiffent,
jj qu’il faut planterTEpidendrum.-vanille. Pour
j j une plus grande facilité , il faut avoir foin
jj d’arracher toutes les. plantes baffes & grimpantes
jj qui croiffent dans le voifinage,afin de pouvoir vi*
jj fiter & parcourir le terrein, en éloigner lesferpens,
jj ou tout antre animal avec lequel on ne tàmi-
jj liarife pas volontiers *, par ce moyen , on fe
jj trouve unevafteplantation d’Epidendrum-vanille
jj aifée à récolter.
jj Ces lieux ne font pas les feuls où l’Epiden-
jj drum - vanille puiffe être élevé } .tous les ha«*
jjbirans de l’ifle de Cayenne & de la Guyane,
jj qui ont des criques dans leur terrein, peuvent
j j planter des Epidendriim-vanilles., quoiqu’il ne
jjfoit pas fubmergè par les marées : comme
jj les terres font baffes & fablonneufes , les eaux
j j des criques filtrent au travers*, & en creufant
jj tout au plus un pied, on trouve de l’eau fau-
jjmâtre. De pareilles terres conviennent à la vé-
jjgétation de ces Epidendrum -, je les ai vues-
j j prefque par-tout abandonnées par les habitus
jj & couvertes d’arbres : donc les perfonnes cu-
jjrieufes de cette culture doivent être à leur aife
j j fur le moyen de fe procurer des terreins.
j j Les trois variétés de vanille dont nous avons
jj parlé , font toutes trois fufceptibles de la même
j j préparation pour les rendre d’une odeur fuave,
j j aromatique
u aromatique & marchande *, elles acquièrent
j j toutes la même odeur, plus ou moins fuave,&
j j peuvent être employées aux mêmes ufages $ c’eft ,
jj aux perfonnesqui s en fervent à reconnoître la-
j jquelle des trois eft la plus agréable ou d’une
jj vertu fupérieure.
jj Ceite préparation a beaucoup de rapport à
jj celle qu’on pratique pour conferver les pru-
jjnes à Tours, à Brignoles, à Digne, &c. de
jj même que les raifins qu’on nous envoie de
jj Naples, de la Ciorat , qu'on connoît fous
jj le nom de prunes de Brignoles & Pance.
jj Lorfqu’on a affembié douze vanilles , plus
jj ou moins, on les attache, 'ou on les enfile en
jj manière de chapelet, à la partie poftérieure,
jj le plus près poflible de leur pédoncule. On a un
jjchaudéron ou tout autre vafe qui aille fur le
jj feu ; on le remplit d’eau claire & limpide
jj qu’on fait bouillir ; l’eau étant bouillante,
jj on y trempe les vanilles pour les blanchir,
jj ce qui s’opère dans un inftanr, cela étant fiait,
jj l’on tend & l’on attache, par les deux bouts
noppofés,’ le fil où font attachées ou enfilées
jj les vanilles , de manière qu’elles fe trouvent
ufufpendues à un air libre , où le foleil frappe
jj pendant quelques heures du jour. Le lende-
umain , avec la barbe d’une plume, ou avec les
jj doigts, on enduit les vanilles d’huile , pour
jj qu’elles fe d<.ffè ihcnt avec lenteur, pour les
jjpréferver des inleétes & des mouches qui n’ai-
jj ment pas l’huile , pour que l’épiderme ne fe
jj deffeche point , ne devienne pas coriace &
une fe racor ni fie point y enfin pour que l’air
uextérieur ne les pénètre pas, & pour les con-
uferver toujours molles. On obferve d’entourer
u les baies avec un fil de,coton imbibé d’huiie,
u afin qu’elles ne s’ouvrent pas, & qu’elles puiffent
U contenir les trois vulve«. Tandis quel les font ainfi
jjfufptnduespourëtred^fféchées, il en découlepar
u l’extrémité fupérieure qui eftrenverfée , nnefura-
j j bondance de liqueur vilqueufe j on preffe lêgère-
99 ment la baie, pour faciliter le paffage à la liqueur,
u Avant de la preffer, on trempe fes mains dans
jj l’huile j & on réitère la preffion deux ou trois
ufois par jour.
jj Quand ces baies iont perdu toute leurvifco-
ufité, elles fe déforment , deviennent brunes ,
jj ridées, nielles, à demi-feches, & diminuent au- '
jj delà des trois quarts de leur grofleur. Dans cet
Jj état, on les pafi’e dans les main?, ointes d’huile, &
u on les met dans un pot vernis ,pour les conferver
u fraîchement : il eft bon de les vifiter de tems à
u autre , & d’obferver quelles ne foient pas trop
u enduites d’huile, parce qu’elles perdroient de
u leur odeur fuave.
jj Voilà la manière ufitée par les Galibis &
u Caraïbes naturels de la Guyane, & par le6 Ga-
>J ripons, transfuges du Para , colonie Portugaife,
J> qui eft fur les bords de la rivière des Amazones. J e
u rne fuis fervi de pots vernis, quoiqu’ils ne cuifent
dgriculture* Tome J.*r9 JJ.* P ai tic»
jj que des pots fans vernis ,* j’indique ceux que j’ai
jj mis en ufage, parce que je les crois préféra-
j j blés à ceux qui ne font pas vernis.
j j M. de Kercore , Créole de Cayenne, avoit
j j voùlucultiverl’Epiclend'rum-vanille;ii en planta
jj un pied au bas d’un arbre folitaire , près de la
jjmaifon qu’il habite , lorfqu’il eft à fa cam-
j j pagne. J ’obfervai que cet épidendrum étoit par-
jjv.enu à s’appuyer fur les branches de ce jeune
j j arbre j cependant il ^toit jaune , languiffanr &
jj ne produifoit point de vanilies *, ces fortesd’ef-
j j fais, quoique faits légèrement, prouvent ce qui
jj a été dit à ce fujet.
jj Cette plante ne demande point de grandes
j j avances de la part de ceux qui l’ elèvenr, elle
« n’exige ni labour, ni taille, ni échalats \ deux
jj hommes fonr en état de piquer , ou planter
jj beaucoup de farmens en peu de tems. Comme
jj les taies de vanille ne mûriffent pas toutes en-
jjfemble, deux hommes pourront aufli en faire
jj la'récolte.
j j Les logemens néceflaires pour l’exploitation
j j d’une plantation de vanille , doivent être placés
j j fur une hauteur, expofés à l ’airJibre & au folyii.
jj Ces logemensconfiftent en trois cafés conftruites
j j de paliffades ou cliffées, & boufillées de mortier,
jj faits avec delà terre mêlée foit de paille hachée,
j j foit de boufe de vache, ou d’autre matière \ on
j j les couvre en feuillage ou en paille \ deux de
jj ces cafés ferviront à loger les deux ménages, à
jj étendre la vanille & à l’étuver , fi le tems eft
j j trop humide ou pluvieux.
j j Une caifle de fix pieds cubes, quon enfer-
j j mera dans la troifième café > fuffira pour con-
j j tenir , je penfe , plus de vanille qu il ne s encon-
jjfomme annuellement -dans le monde entiery
jj par certe médiocre confommation , par ce petit
jj nombre d’agriculteurs néceflaires Podr une PAf
jj reille exploitation, l’on conçoit facilement le
j j peu d’importance d’une femblable culture , trop
j j vantée par quelques perfonnes.jj b
La feule chofe qu’ait oublié M. Aublet dans
fon intéreflant mémoire fur la vanille, a été dindiquer
le tems de la maturité des fruits de cette
plante 5 nous trouvons dans le dictionnaire Lncy-
clopédique, que fa' récolte commence vers la fin
du mois de ieptembre , qu’elle eft dans fa force
à la Touflaints, & qu’elle dure jufquàla fin de
décembre. ,
Nous terminerons cet article par 1 indication
d’une efpèce d’Angrcc, fort curieufe qu apoffédé
M. l’Abbé Nolin pendant plulieurs moi*', cette
plante fut apportée de la Chine par un Officier
qui la tenoit .d’un Mandarin Chinois lequel la
lui avoit donnée' en préfent comme une chofe
précieufe. Elle étoit renfermée dans un panier
fait d’écorce de bànbou , artiffement travaillé de
fufpendu par quatre anfes , de deux pied? (le haut,
réurties, par leur exttémité en forme de poignée. Les
racines de ia plante placée au fond du panier