
il y a même des cultivateurs foigneux qui ne '
laiuent qu’une fleur fur chaque pied, afin d’avoir
des productions plus vigourtufes & plus belles.
Dans les teins fecs, il eft convenable d’arrofer fou-
vent les plantes, mais légèrement, en forme de petite
pluie douce. Lorfqu’elles font en fleurs, on les
couvre avec des toiles foutenues par des cercles
difpofés en berceau, pour les défendre de l’ardeur
du foleil &, des grandes pluies -, ces précautions
font néceffaires pour conferver ces fleurs plus
long - teins & en jouir dans toute leur beauté.
Mais c’eft à lepoque de l’épanouiflèment, que
le fleurifle, qui veut donner à fes planches le
plus grand agrément , a foin de marquer avec
attention les portes-graines par de péris*» piquets
numéroiés, & de difpofer l’ordre de fa planta- ;
tion prochaine, en y réformant d’avance les défauts
qu’il a remarqués dans celle qu’il a fous les yeux.
Comme la beauté des planches d’Ancmones con-
iifle principalement dans la variété, il ne faut
pas que des fleurs femblables fe trouvent à côté
les unes des autres; toutes les couleurs au contraire
doivent être diftribuées dans toute la
planche, de manière qu’aucune ne prédomine,
& que l’enfemble préfente à l’oeil un émail auffi
varié qu’agréable.
De la levée des Anémones. Le defséchement
des fannes indique le repos de la sève dans les
tubercules des Anémone s& par conféquent
l’époque à laquelle7 on peut les lever de terre
fans aucun rifque. Elle varie en raifon du tems
qu’il a fait pendant l’hiver, & fur-tout pendant
le printems; mais en général elle arrive dans
le courant du mois de juin. Cette opération
demande quelques foins lorfqu’on veut mettre de
la régularité dans l’arrangement de fes planches.
Ils confident : i.° à lever avec une houlette les
tubercules d’Anemones, ligne par ligne, dans
l’ordre où ils ont été plantés, en prenant garde
de les écorcher : 2.° à les féparer de la terre
qui les environne, à fupprimer leurs fannes, &
fur-tout à couper jufquau vif avec la ferpette
les racines pourries, contufes ou cariées, parce
que ces maladies ne manquent pas de s’étendre
& de faire périr la patte entière : 3.0 à détacher
des tubercules les racines fibreufes qui y tiennent
encore : 4.0 à les placer fur une claie de bois
dans un lieu fec où règne un courant d’air :
5„° & enfin à les. renfermer, lorfqu’elles font
entièrement defséchées, dans des boîtes à compar-
timens dans l’ordre où l’on veut les mettre en
terre à la prochaine plantation.
Confervation des Tubercules. Les pattes d’Ane-
mones peuvent, fe conferver dans des tiroirs pendant
plulieurs années, lorfqu’elles font dans un
lieu fec & à couvert des grandes chaleurs comme
des grands froids.- Quelques perfonnès les tiennent
ainfi renfermées, & ne les plantent que tous
les deux ans. Elles prétendent que ce repos eft
néceffaire aux tubercules, & qu’ils pouffent plus
vigoïlfeufeniènt que lofqu’on les planté chaque
année-, que leurs fleurs font plus grandes, & les
couleurs plus vives & plus foncées; l’expérience
femble avoir confirmé l’avantage de cette pratique;
mais il eft bon d’obferver que ce n’eft que des
gros, tubercules dont il eft queftion; les autres
doivent être plantés tous les ans, parce que leur
petit volume less rend fufceptibles de fe defsécher
plus promptement.
Multiplication des Tubercules. Chaque année le
nombre des tubercules augmente autour des grofles
pattes, & prend de l’accroiflemenf. Lorfqu’ils
font arrivés à la moitié de la groffeur des mères
racines, on peut les en féparer en les caffant
avec la main,fans fefervir d’inftriimens tranchans.
Ces fortes de cayeux doivent être plantés féparé-
ment, mais de la même manière; & ils fourmffent
un moyen de multiplication pour propager les variétés
à fleurs doubles qui ne donnent point de
graines.
Culture des Anémones de primeurs. On cultive
les Anémones dans des pots pour avoir des fleurs
pendant l’hiver , & en orner des appartenons.
Cette culture n’offre rien de particulier ; elle fe réduit
à planter les pattes quelques femaines plutôt que
celles qu’on met en pleine terre, & à faire avancer
leur végétation par la chaleur des couches & des
vitraux. Les cbaffis bas font préférables, pour cette
culture, aux ferres chaudes & aux bâches. Ces
plantes craignent l’humidité, aiment la lumière &
fur-tout l’air pur; C’eft ..pourquoi il eft bon de
ne les arrofer que légèrement & principalement
lorfque le foleil paroît fur l’horizon, de découvrir
les chaflis toutes les foi» que le tems eft doux, &
de les ouvrir quelques heures dans le milieu du
jourlorfqu’il ne gèle point. Sans ces précautions,
les plantes s’étiolent, fe couvrent de pucerons, &
ne produifent que des fleurs décolorées & fouvent
avortées., s* i*-f V
Lé£iFlpurifies fe font fait dës’principes fur ce qui
conftitüfefë beauté des Anémones, ainfi qu une no-
menclattît'eparticulière, pour défigner les différentes
parties de cette fleur. Suivant eux,il faut que la tige
foitbienproportionnée avec la grandeur de la fleur,
qu’elle fe foutienne droite & quelle foit accompagnée
de feuilles qui forment une touffe arron-
dié’à fa bâfe. La pofition & la forme de féfpèce
de calice qui renferme la fleur dans fa jeunëffe, &
qu’ils appellent fane , attire aufli leur attention.
Ils ne font cas que des fleurs dont le calice eft
très-découpé, & bien frifé; & plus il fe trouve .
éloigné de la fleur , plus ils l’eftiment & la prifenr.
On reconnoît pour belle fleur, celle dont le coloris
eft brillant, & les panaches bien prononcés;
celles dont la Couleur eft lavée ou terne font re1-
Jettées comme indignes de figurer dans une planche*
Les panaches tiennent le premier rang, &, les couleurs
pures font regardées comme inférieures;
mais les bizarres ont été long-teins eftimées. Le
fécond attribut d’une belle fleur d’Anemone ei*
d’être grade, bien coiffée eft bien pommée ; la
.peluche doit faire le dôme & être accompagnée
de nombreux béquillons, larges & arrondis parle
bout. Le manteau doit furpaffer la peluche en hauteur
ainfi que les béquillons. Si fon cordon a de
grandres feuilles, fi fes couleurs tranchent net
avec celles de 1a peluche, c’eft un/rès-grand mérite
de plus. Mais toutes ces perfections réunies ne
font pas fupporter le défaut des béquillons ;
s'ils font étroits & pointus ce n’eft plus qu’un
chardon indigne d’occuper une place , & qui eft
arraché fans miféricorde.
Pour n’avoir pas à revenir, dans le cours de cet
ouvrage, fur ces termes impropres qu’il faudroit
pouvoir faire en forte d’oublier, nous en donnerons
ici un courte définition.
La fane , bradées ou feuilles florales qui enveloppent
la fleur dans fa jeunefle.
Le Manteau font les pétales de la circonférence
de la fleur.
La culotte efl l’onglet des pétales, ordinairement
dé couleur différente du limbe OU de fes
bords fupérieurs.
La panne ou peluche efl formée par les pétales
intérieurs dans les fleurs doubles. f
Les béquillons fe trouvent au centre de la fleur:
•ce font de petits pétales.
La fraifeou le cordon, eft la rangée de pétales
qui fe trouvent fur le fécond rang, entre ceux du
centre & de la circonférence.
Le cordon des graines eft la partie centrale de la
fleur, ou le lieu oùfe trouvent quelques piftils &
quelques étamines ; il s’y forme fouvent des graines ;
dans ce cas les fleurs ne font pas parfaitement
doubles.
On dit qu’une fleur fe vuide lorfque le milieu
de la fleur fe dégarnit de pétales 9 & qu’ils font
remplacés par des étamines ; tels font en général
jes mots techniques adoptés par les fleuriftes.
Obfervations. La couleur des fleurs produites par
de jeunes tubercules d’Anemones n’eft pas toujours
la même; elle varie, foit en augmentant d’intenfité,
foit au contraire en devenant moins foncée à me-
fureque les plantes avancent en âge, ou en fe panachant.
Les faifons contribuent aufli beaucoup
à changer la teinte des couleurs d’une année à
l ’autre.
La culture a tellement fait varier cette plante,
que fi l’on vouloit raflembler toutes les variétés
qui exiftent aujourd’hui, on en auroit plus de trois
cens| & le nombre en augmente encore tous les
jours. Toutes ces variétés ont des noms, mais peu
nniformes, ils changent d’un pays à l’autre. Cependant
les fleuriftes de profeffion s’accordent affez
entr eux pour les dénominations des variétés les
plus diflinéles ceux de Hollande & particulièrement
ceux de Harlem donnent le ton à tous ceux
fle 1 Europe. Pour ne pas alonger davantage cet
article, nous nous contenterons d’indiquer ici les.
divifions fous lefquellesfont diftinguées en Hollande
les différentes variétés de cette fleur.
On divife les Anémones des fleuriftes en deux
feétions principales; favoir, celles à fleurs Amples,
qu’on nomme pa vo t, & celles à fleurs doubles. Ces
ferions fe fubdifvient en raifon des couleurs dominantes
des fleurs dont les principales font.
i.° Les cramoifis rougès.
2.0 Les incarnates & les rouges panachées d»
blanc & de pourpre :
3.0 Les cramoitis panachées.
4.0 Les agarhes panachées de rouge & de blanc.
5.0 Les rofes panachées de blanc.
6.° Les bleues.
7 / Les bleus clairs, mêlées de blanc.
8.® Les pourpres.
p.° Les couleurs lilas.
io.° Les blanches, gris de lin ou cendrées.
Les Anémones Amples ou pavots fe divifent delà
même manière.
Hifiorique. Les Anémones, dit-on, furent apportées
des Indes ; cependant l’efpèce d’où font
provenues les variétés que nous cultivons, eft indigène
fur les bords du Rhin , en Italie, dans i’Ar-
cbipel , aux en\irons de Conftantinople , en Perfe
& en Médie. Il paroît fingulier qu’on ait été chercher
fi loin cette plante, tandis qu’on pouvoit fe
la procurer fi aifément. Quoi qu’il en foit, on affure
que ce fur M. Bachelier qui l’apporta en France
vers l’année 16 6 0 . Les amateurs qui vifitèrent fon
jardin, furent furpris de la beauté de cette fleur,,
quoiqu’elle fut encore bien éloignée de l’état de
perfeélîon où elle eft arrivée depuis & defirerent
vivement de la pôfféder. Mais malgré foutes
leursinflances auprès de M. Bachelier, ils ne purent
l’engager à partager fes richeffes alors uniques.
En Confeiller vint le voir , lorfque les
graines de fes Anémones étoient en maturité. Il
éroir en robe de palais, & fuivi d’un laquais qui
en porioit la queue: il lui avoir preferit de la laiffer
tomber lorfqu il fe trouver oit dans le voifinage des
anémones ; l’ordre fut exécuté: Ces deux amateurs
fe promenoient le long de la planche & difeou-
roient fur la beauté des anémones ; dans ce
moment, la robe tombe fur quelques têtes chargées
de graines, en enleve une partie, & le laquais
ne manque pas de la rélever & de la plier de
manière à cacher le larcin. Revenu chez lui, le Gon-
feiller ramaffa les graines , les fema avec foin ,
& fit part à d’autres amateurs par la fuite du produit
de la fnpci cherie. C’eft par ce moyen , dit-
on, que cette plante s’eft multipliée en Europe.
Ufage. L’ Anemone pulfatilîe,qui croît aifément
dans les terreins les plus fecs , eft propre à garnir
les peloufes qui fe rencontrent quelquefois fur le
penchant des petites collines , dans les jardins
payfagiftes ; la belle couleur bleu-célefte de fes
fleurs y produira un effet agréable. Lesefpèces 1 3 ,
15 & 17 , figureront très - bien fur les libères des
bofquets dans des pofhions un peu ombragées