
en faire des amendemens. Voye[ Sart , Varec,
ou G oémon.
J e ne fais fi l’on doit donner le nom d’engrais
aux fubftances que l’agriculture tire du règne
minéral pour améliorer les terres. Elles fervent
fans doute à le$ rendre fécondes ; mai» la plupart
ne leur communiquent aucuns fucs. La décomposition
des fubftances animales & végétales
produit des molécules huileufes,. ides mucilages,
une forte de matière grafle & onétueufe, propre
à engraifler la terre, & à fournir aux végétaux
des principes d’accroiffement. Voilà pourquoi les
fumiers font de véritables engrais. Mais la manière
d’agir des matières purement terreuhes, qu’on
mêle dans les champs cultivés J me paroîr prefque
«ntièrement méchanique, elles n’en font pas moins
utiles ; même indifpenfables pour les, amender.
Le premier amendement qu’ offre le règne
minéral, c’eft la terre repofée pendant long-tems,
3a terre végétale qu'on ôte d’un epdroit pour la
mettre dans un autre. La terre repofée eft celle
.qu’on prend dans les chemins, fur les berges
des fofles,dans lespeloufes, par-tout,.ou depuis
bien des années, la charrue n’a pas paffé; à moins
que ce ne foir un fable ,fec & aride , ou une
pure craie , cette terre contient des principes
de fécondité , dont fe reflenrent les champs
dans lefquels on la porte; les laboureurs de la
Beauce ont grand foin de la recueillir.
La terre. végétale eft celle qui , par les
labours qu’elle a.fubis , par les engrais ou fubftances
qu’on y a mêlés, eft en état de fournir à la
végétation des plantes ; la terre repofée peut-être
une terre végétale. Parmi les manières de fe procurer
de cette terre végétale, toute faite, pour
fervir d’amendement, j’en citerai cinq qui me font
connues par des relations particulières.
Il y a des pays, fitués en.Anjou &en Poitou,
qui améliorent habituellement leurs champs en
y répandant de la terre de jardin , formée fans
doute de beaucoup d’engrais. Les, jardins étant
à côté des habitations , on y jette .toutes les
immondices qui en fortent. Le fol s’y élève fans
cefle. Si on n’en emportoit pas de reni3 en tems
quelques couches, il deviendroit incapable de
produire, des légumes > & nuiroit à la fécondité
des arbres;, car une terre trop engraififée prend
de la compacité,, ne fe divife pas allez,. & n’eft
pas favorable au développement des racines des
végétaux. Des payfans font commerce de terre
de jardin, qùils vendent douze, quinze, & vingt
fols la tomberée, telle que trois chevaux peuvent
la traîner par 1«^ beau tems. J ’ai vu ce commerce,
établi dans- des provinces éloignées de celles que
j ’ai citées. Cet amendement , un des .meilleurs
qu’on puifle fe procurer, n’a pas befoin qu’on
y joigne du fumier ; mais il ne peut être que
^ornë : car un village où il y a de fortes
exploitations ne fournit annuellement que très-
peu de terre de jardin.
L ufage des bons cultivateurs de la Brcfte éft
de faire des fofl'és aux extrémités de leurs champs,
ou d y pratiquer des efpaces de cinq à fept pieds
de largeur, appellés cheintres; ils y apportent
des terres, qu’ils ramaflent ailleurs. Les filions
étant éiévés. & en pente., les parties les plus
déliées & les meilleures des champs font entraînées
dans lesfoflés par les eaux qui s’écoulent; ces
parties s y arrêtent, s’y repofent, le joignent aux
terres étrangères qu’on y' a apportées ; tout cet
amas, transporté aux champs, y produit un bon
effet. Ce moyen tend à réunir, connue- on voit,
toute la terre végétale que les pluies enlèveroienr 5
& qui feroit perdue pour le cultivateur.
Un mémoire de M. d'Etigny, Intendant d’Aueh,
ma fait connoître une pratique de la haute Gaf-
:cogne, qui mérite l’attention des perfonnes qui
ont des terreins exjpofés aux mêmes accidens que
ceux de ce pays. Cette partie de la province n’a
point de plaines d’une grande étendue. Elle eft très-
montueufe p & il. eft aifé de fentir le dégât
affreux qu’y caulent les pluies abondantes-',
quand elles tombent avec impétuofité fur des
côteaux, dont les terres font pour l’ordinaire aflèz
légères, & fur-tout quand elles font nouvellement
labourées. Dans beaucoup d’endroits la terre n’a
que trois, quatre, cinq ou fix pouces de fond.. .
M. d’Etigny a vu des champs, enfemencés en bled,
prefqu’emièrement enlevés par les pluies , ne
ïaifler, aux yeux du cultivateur, qu’un rocher qui
ne lui donnoit aucune efpérance pour l’avenir.
Cette terré enlevée prive non-feulement le propriétaire
defon fond où il ne refte que le.rocher;
mais encore fait beaucoup de tort aux champs
inférieurs, par les terres & les pierres que les
pluies entraînent.
Il feroit, félon lu i, phyfiquement poftible de
fe mettre à l’abri de ce défallre en coupant les
champs, qui font fur des côteaux , par des
fôffës qui recevroiem les terres amenées par les
pluies, fur-tout en formant, dans ces foft’és,
des efpèces de petites digues, où l’eau pluviale
dépoferoit fon limon ; mais je ne conçois pas
comment cette opération feroit poftible dans les
endroits où le rocher n’eft pas à plus de cinq on
fix pouces de la furface; les fotfé> îny parôiftent
impraticables. On pourroit encore, ajoute t-il, diminuer
le mal, fi le payfan s’attachoit davantage à
la conduite des eaux. Il faudroit qn’ii formât les
filions néceflaires pour l'écoulement ;< & qu’il lut
les pentes qu’il doit donner Une pente troprapide,
formeroit une ravine nuifibje aux champs ; une
pente trop douce, retiendroit les eaux.
Les habitans de la Haute-Gafcogne, pour réparer
le tort fait à leurs champs, y portent des
. terres qu’ils prennent dans les endroits où ils
xen trouvent de convenables. Les plus intelligéns
choififl’ent celles qui font divifées, pour les mettre
fur un fol qui a de la compacité, & celles qui font
l fortes, poyr les mettre fur un foi léger, jPoi^r
ierraflef, d’une manière avantageuse & durable ,
un arpent de terre de cent perches, à vingt-deux
pieds} il faut deux cens voitures, compofée clia- ’
cune de feize pieds cubes, & par conféquent treize
à quatorze toifes cubes, de terre. On aflùre qu’un
champ bien amendé, par ce moyen, n’a befoin,
pendant dix, quinze & vingt ans, d’aucun feeours,
excepté dans les endroits les plus foibles, & en
cas de dommage occalionnë par les eaux. Je-con-
fcille cependant d’y porter du fumier, qui me
paroît d’autant plus néceflaire, que la terre, dont
il s’agit , n’eft pas toujours une terre végétale,
c’eft-à-dire, une terre toute préparée, toute engrainée;
il eft bon quelle foit aidée par dti fumier,
qui, à la vérité, eft rare dans cette partie de la
Gafcogne, où les beftiaux ne font pas multipliés
allez, parce qu’on ne récolte pas de quoi les
nourrir.
Les fermiers de la Beauce enlèvent, plus ou
moins de terre végétale , des parties de leurs
champs, où le bied verte, pour les placer dans
celles où il n’y en a pas affez. Ils font plus. Pour
fertilifer le milieu des pièces de terre, qui eft privé
d’une quantité fumfante de. terre végétale, ils en
prennent aux extrémités, où la couche en eft trop
épaiffe. Car, c’eft à ces endroits qu’on nétoie le.
foc, le coutre & l’oreille de la charrue, chargés
de la partie la plus féconde de la terre. C’eft-là
que les chevaux, obligés de s’arrêter un moment,
rendent leur urine & leurs excrémens. Il n’eft
pas étonnant qu’il y ait plus de terre féconde que
dans les autres parties des champs ; les extrémités
s’accroiffenr aux dépens du milieu.
La quantité qu on doit répandre de terre végétale
fur les champs, ou fur les parties qui n’en I
ont pas affez, varie félon la qualité de cette terre,
ou félon que les champs en ont plus ou moins
befoin. Dans quelques pays, on emploie ordinairement,
par arpent de cent perches, de vingt-
deux pieds , vingt - cinq tomberées , de quatre
chevaux. Cette fage pratique économife [les engrais
; fon effet fe manifefte dès les premières
années. Si la quantité qu’on a répandue de cefte
terre, eft trop confidérable, il eft facile d’y ré-
médier. On s’en apperçoit à la trop grande vigueur
des plantes qu’on y cultive. 11 fufht alors de labourer
plus profondément qu’à Yordinaire. La
terre inféconde, que le foc foulève, dans ce cas,
fe mêlant à la terre végétale furabondame , en
niodère laâivité, & empêche le bled de verfer.
Kien n’efl comparable, en ce genre, à i’induf-
trie des habirans de Maire. Dans cette ifle, qui
n eft qu’un rocher, on diftingue deux fortes de
terreins. Les uns, naturels, & les autres, artificiels.
, Ce que font les cultivateurs de ce pays*,
pour les améliorer, doit trouver fa place ici.
S’apperçevant, d’une part, que l’engrais ordinaire
du fumier ,.jetté fur la fuperficie de leurs
champs, ne pouvoir fervir que pour une année,
parce que la pluie & l’ardeur du foleil i’épuifoient
bientôt; ayant obfervé, d’une attife part*
que la pierre ,• lur laquelle étoient afiîs leurs
champs, fe trouvoir, à fa furface, enduite d’une
croûte épaiffe, qui empêchoit la pluie de pénétrer
jufqu’à une certaine profondeur; ce qui nui-
foit à la végétation des plantes, & les privoit de
fucs , ils ont imaginé de fouiller la terre qui cou-
vroit le rocher, de piquer le rocher même avec
des fers,, & d’en enlever la croûte; nous appellerions,
en France, céste Opération, défoncer le
terrein. Cela fait, ils Vemettent environ un pied
de terre fur le rocher, & quelquefois davantage.;
ils étendent deffus une couché de bon fumier,
quils recouvrent d’un autre lit de terre , à la
hauteur d’environ dix pouces. Leur terrein ainfi
travaillé, fe maintient en état de fertilité pendant
dix ans * en rendant les frais dans les deux
premières années. Il rapporte, tous les ans, fans
le repofer , d’abord des paftèques, des choux *
de l’orge, qu’on coupe en vert, & enfuire alter*
nativement, tantôt du coton, tantôt du froment
en abondance.
Les terreins artificiels empruntent leur fertilité
des travaux difpendieux & étonnans des Maltois^
Avec des mftrumens de fer, ils viennent à bout
de rendre labourable un rocher fec & itérile, en
en taillant les- parties inégales. Ils le creufent dé
trente à quarante pouces, autant qu’il le faut ,
pour faire en quelque forte l’aflietre d’un fol de
niveau ; ils lui donnent cependant un peu de
pente pour l’écoulement des eaux; ils appliquent
deftus un lit de dix pouces de pierres Calcaires
ou coquillères, mifes- fans ordre ; fur ce l i t , fe
place un autre lit de petits morceaux & de poudre
\ des mêmes pierres, de la même hauteur ; ils le
recouvrent de terre labourable , & fouvent. de
terre neuve , qu’ils vont chercher dans d’autres
endroits de l’ifle , où le terrein a plus de fonds,
quelquefois même avec de la terre vierge, qu’ils
trouvent dans les cavités des rochers. Sur cet té
dernière couche, ils en étendent une de fumier,
puis une de terre végétale. Il eft facile de concevoir
• combien un terrein , que l’art feul, & la main ,-
ont formé, doit être facile à cultiver, & combien
il doit rapporter, fe trouvant ainfi corapofé,
J ’ai tiré cette manière d’amender les terres, à
Malte , d3un mémoire que j’ai reçu de M. le Marquis
Carlo Barbaro.
Le limon qu’amènent les rivières & les ruifleaux,
dans leurs débordemens, la terre,.qui. des montagnes
& des côteaux, defeend dans les vallons,
font un amendement, qui peut difpenfer même du
fumier. C’eft une terre végétale très-féconde. Les
meilleurs pays font ceux qui font formés par des
attérifîemeris de grands fleuves, pourvu que ces
aïtériflemens ne foient pas des fables & des cailloux
roulés.
Les amendemens du règne minéral, dont je
viens, de parler, font de la clafle de ceux qui
peuvent fournir à la terre des fucs, & qui, pac