
La terre clés pots où font plantés les Ananas
s*apauvrit infenfiblement \ elle fc durcît & devient
imperméable aux racines. H faut la renonvel 1er
de rems en rems. D’un autre côté, les plantes
acquièrent de la force, pouffent un plus grand
nombre de racines , & ont befoin. d’un plus
grand efpace pour s’étendre. 11 eft donc nécef-
faire de les changer de vafe , & de proportionner
le volume de la terre à celui des racines.
Mais il eft bon d’obferver que tous les tems ne
font pas également propres pour faire ces 'transplantations
, &. qu’il eft même très-effentiel de
chôifir la faifon convenable , fans quoi l’on
retarderait la végétation de ces plantes > & on
n’obtiendrait que des fruits fans faveur, & du
plus petit volume.
Quelques jardiniers auxquels cet accident eft
arrivé , ont cru le prévenir & s’en mettre à
couvert , en plantant les couronnes & les oeilletons
de leurs Ananas, dans des pots d’un pied
de diamètre, afin de n’être pas obligés de les
tranfplanter & de pouvoir les laiffer dans le
même vafe, jufqu’à ce qu’ils enflent porté leurs
fruits*, mais il eft'réfulté de cet arrangement,
plufieurs autres inconvénîens non moins fenfibles,
parmi lefquels ont peut compter la difficulté de
tranfporrer ces maffes & de les échauffer, &
fur-tout la perte occafionnée par l’augmentation
du volume des vafes, d’un efpace confidérable
& toujours précieux dans les ferres chaudes ;
mais le plus grave, celui qui influoit plus particulièrement
lur la confervation des plantes, &
qui a fini par faire abandonner aux jardiniers,
1 ufage de cette pratique, étoit la difficulté qu’ils
avoient de maîtrifer affez l’humidité de ces maffes
de terre, pour la faire tourner à l’avantage des
plantes ; elles pourriffoient, quelque foin que
î’on en prît, parce que la maffe de terre, une
fois imbibée d’eau , confervoit trop long-tems
l’humidité. Il a donc fallu recourir à une autre
méthode & voici celle qui eft la plus généralement
fuiyie ; elle tient un jufle milieu entre les in-
convéniens de tranfplanter trop Couvent les Ananas,
& ceux de les laiffer toujours dans les mêmes
vafes.
On plante les couronnes & les oeilletons dans
des pots qui ont quatre à cinq pouces de diamètre
, & environ autant de profondeur. Ces
pots font percés d’un trou dans le milieu du
fond , & ont à leur bafe trois fentes fur les
côtés. On les remplit jufqu’au bord, avec de la
terre préparée pour le premier âge, mais très-
sèche , & que, pour cet effet, on a eu foin de tenir
en réferve dans un endroit à l’abri de la pluie.
Après l’avoir comprimée , on fait au milieu de
la terre du vafe , avec les deux doigts réunis
au pouce, un trou dans lequel on place la
couronne ou l’oeilleton qu’on veut planter ; on
J’enfonce de deux à trois pouces de profondeur,
& on affermit fortement la terre tout autour. «
Quelques perfonnes font le trou beaucoup plug
grand , le renipiiffent enfuite de terreau de
bruyère ou d’un fable gras & fin, & y plantent
leurs oeilletons. Cette pratique. a l’avantage de
préferver de la pourriture, le collet du jeune
plant , & d’offrir à fes racines tendres & délicates
, un fol facile à pénétrer ; auffi ne doit-on
pas la négliger, lorfquon peut en faire ufage.
On place enfuite les pots fur une couche
neuve couverte d’un chams, ou dans une ferre
chaude. On les ombrage pendant les deux ou
trois premières femaines, & on ne les arrofe que
lorfqu’on s’apperçoit que les plants commencent
à pouffer. Cette plantation peut fe faire pendant
toute l’année , & toutes les fois qu’on a des
couronnes & des oeilletons *, cependant il eft plus
avantageux, pour régler la culture de ces plantes
& la maturité de leurs fruits, de la faire au
mois de feptembre & au mois de mars de chaque
année. Pour cet effet, on met en réferve, dans
un panier qu’on fufpend dans un lieu fec &
tempéré , toutes les couronnes des fruits qui
mûriffent avant le mois de feptembre, & qu’on
laifle avec toutes leurs feuilles 5 on ne détache
les oeilletons des vieux pieds, que huit ou dix
jours avant cette époque , afin de planter tout
à-la-fois les uns & les autres. Les couronnes des
fruits qui mûriffent après le mois de feptembre,
font mifes en réferve dans un endroit fe c, à
l’abri de l’humidité & de la gelée jufqu’au mois
de mars, & on laide .fur les vieux pieds , jufqu’à
cette époque, les oeilletons qui auraient été trop
foibles pour être féparés au mois de feptembre
précédent. Il ne faut pas craindre que des couronnes
d’Ananas ne.puiflent feconferver fans être plantées,
depuis le mois de feptembre jufqu’au mois de
mars ; quelques Jardiniers Allemands & Hollan-
dois, arrachent leurs gros pieds d’Ananas au
mois d’oélobre; ils en lient les feuilles, mettent
chaque pied fur: des planches dans un endroit
fec & chaud , & ne les replantent qu’au mois
de mars fuivant. Les plames , il eft vrai, fatiguent
& perdent quelques-unes de leurs feuilles,
mais en nipprimant celles qui font sèches, &
plantant les pieds dans une terre neuve fur une
bonne couche, ils reprennent prefque tous, &
n’éprouvent qu’un peu de retard dans la maturité
de leurs fruits.
Les couronnes & les oeilletons quiont été plantés
à l’automne, doivent être vifités au mois d’avril
fuivant; fi leurs racines rempliflent la circonférence
du vafe dans lequel ils font , il faut les
dépoter pour les replanter dans, des pots fem-
blables aux premiers, mais de fix à fept pouces,
de diamètre. La terre dont on fe fert pour ce
rempotage, doit être un peu plus forte que celle
qui a fervi pour le premier.
La plupart des jardiniers fuppriment, dans cette
tranfplanration & dans les deux fui vantes, toutes
les racines des jeunes plantes, jufqu’à la culaffe. ;
Iis laiffent reffuyer & fe raffermir, pendant quatre
ou cinq jours , fur les tablettes d’une ferre \
chaude, les cicatrices des plantes, enfuite ils les
remettent en terre avec les mêmes précautions
qu’ils ont prifes pour les couronnes , & les gouvernent
de même' ; quelqu’autres perfonnes s’y
prennent d’une manière différente. Ils enlèvent
leurs Ananas des pots, font tomber toute la terre
qui enveloppe les racines , & coupent ces mêmes
racines à fix pouces de diftance environ de la
culaffe; ils les replantent enfuite & les arrofent un
peu. D’autres enfin fe contentent de tranfvafer
Amplement leurs Ananas chaque fois qu’ils ont
befoin d’être rempotés, & de les mettre dans des
pots de deux pouces plus grands dans toutes
leurs dimenfions, & cela fans déranger les mottes
ni couper aucunes racines. Chacune de ces trois
manières a fes partifans, mais la première eft la
plus généralement fuivie, & l’on ne s’eft pas
apperçu que l’amputation totale des rapines, fut
nuifible aux plantes du premier. & du fécond
âge , ni que les fruits qu’elles produifent ,
fuffent inférieurs en beauté , en groffeur & en
qualité à ceux des autres qui avoient été traitées
d’une manière différente ; on a remarqué au contraire
, que lorfqu’à cette époque, on laiffoit aux
plantes toutes leurs racines , elles fe nuifoient
mutuellement, & que les plantes ne produifoient
que de petits fruits trop précoces pour la nature
de notre climat.
Les jeunes pieds de cette divifion , dont les
racines ne fe font point encore emparé de la
totalité de la circonférence du vafe, peuvent y
refter jufqu’au tems du. premier rempotage fuivant,
mais il faut avoir foin d’arrofer ceux-ci
lin peu plus fouvent que.les autres.
La troifième tranfplantation fe fait dans le
- mois de juillet. Elle ne doit avoir lieu que pour
les individus vigoureux dont, les racines , après
avoir rempli la circonférence du vafe , forrent
par les ouvertures du fond. Les couronnes & les
oeilletons , plantés dans le mois de mars ou d’avril
précédent, font fouvent dans ce cas ; il en eft
même parmi ceux qui ont été rempotés au prin-
tems, qui ont encore befoin d’être changés de
vafe à cette époque. C’eft pourquoi il eft bon
de les vifiter tous, & de donner à ces derniers,
en raifon de lenr âge & de leur force, dés pots
de huit à neuf pouces de diamètre , & aux
autres de fix à fept pouces feulement.
Enfin le quatrième & dernier rempotage des
Ananas, doit être fait au mois d’avril fuivant,
dans des pots de dix à onze pouces de diamètre.
Ceux-ci doivent être percés de cinq trous dans
le fond , & de cinq fentes à leur bafe fur les
côtés. On doit fe fervir, pour les remplir , de
la terre la plus forte , y mettre les plantes, à
culaffe nue, & les gouverner comme nous l’avons
dit ci-deftiis. Au mois de juillet limant, lorfqu’on
remanie les couches, s’il fe trouvoit des
individus dont les racines euffent paffé à travers
| les fentes ou les trous des vafes , il faudrait les
mettre dans des pots un peu plus grands, fans
couper les racines, ni déranger lés mottes. Mai*
enfuite les plantes ne doivent plus être changées
de vafe, parce qu’au mois de février ou de mars
fuivant, elles commencent à marquer leurs fruits ,
& que, dans cet état, toute opération qui peut
arrêter ou fufpendre leur végétation , eft nuifible
à la beauté des fruits.
VII. Des couches propres h ta culture des
Ananas. On fait des couches avec plufieurs
matières fufceptibles de donner beaucoup de
chaleur par la fermentation. Ces matières varient
dans différens pays, en raifon de ce qu’elles y
font plus ou moins abondantes. On en fait avec
des feuilles en putréfaélion , avec du fumier de
cheval, avec dé la feieure de bois & avec du
tan qui a fervi à corroyer les cuirs. C’eft le plus
ou moins de facilité que l’on trouve à fe procurer
ces matières , qui détermine le choix. Mais
la meilleure de ces fubfiances, eft fans contredit,
celle qui, fans donner un degré de chaleur trop
confidérable à la couche dans le commencement,
la conferve plus également & plus long-tems.
A Paris , où il eff aifé de fe procurer toutes
ces matières, on préfère à toute autre , le fumier
de cheval & le tan. La tannée feule n’eft guère#
employée que dans les ferres chaudes , & le
fumier mêlé avec le tan , s’emploie fous le*
chaflîs ou fous les haches. L ’épaifleur des couches
varie en raifon de la ftifon où l’on veut en faire
ufegej ; celles qui font deftinées à fervir aux
plantes, pendant l’hiver, doivent être plus fortes
que celles du primems , & ces dernières plus
épaiffes que celles d’été & d’automne.
Lorfqu’on fait une couche neuve pour l’hiver ,
dans une ferre chaude, & qu'on veut économifer
la dépenfe allez confidérable qu’ elle entraînerait,
fi on la faifoit de tan feul *, on commence par
mettre au fond de la foffe , qui pour l’ordinaire
, a quatre pieds de profondeur, un lit
de pierrailles de formes irrégulières, auquel on
donne huit pouces d’épaifleur , d’abord pour
donner un écoulement plus facile aux eaux, &
enfuite pour empêcher la couche de toucher à
la terre, qui, dans l’hiver , lui communiquerait
fa fraîcheur. Sur ce premier lir , on en établit
un fécond d’égale épaifleur, formé avec des fagots
les plus irréguliers qu’on peut trouver ; on le
recouvre d’un troifième lit fort mince, compofé
de litière. Ce dernier lit n’eur-il que deux pouces
d’épaifleur, ferait fuffifant pour unir la furface
inégale du fécond lit. La profondeur de la foffe,
! ainfi diminuée de dix-huit pouces, par la fuper-
; pofition des trois lits que nous venons d’ indiquer,
plufieurs perfonnes achèvent de la remplir avec
de la tannée fortant des foffes d’une tannerie ,
mais comme cette tannée eft alors très-humide 9
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