peines; le troifième, eft le fol naturellement arrofé, parce qu’il peut
produire des fruits fans aucune dépenfe ; la plus mauvaife efpèce de
terre, eft celle qui eft sèche, ainfi que celle qui eft épafffe 6c
maigre, tant parce quelle eft difficile à marner, que parce quelle
ne dédommage point de cette difficulté, même après avoir été
façonnée.
Méthode pour mettre un terrein en rapport. Le canton qu’on
veut défricher, peut fè préfenter fous différentes faces. Il eft fcc ou
humide, garni d’arbres ou de pierres, couverts de jonc ou d’herbages;
embarrafle de fougères ou de brouffiulles.
S’il eft fec, il faut y conduire des eaux, fi cela eft poffible, qui y
porteront l’abondance 6c la fertilité. S’il eft humide, il Lut faire des
foffés pour le deflécher 6c pour donner de l’écoulement aux eaux
reftagnantes qui le couvrent.
Lorfque les terreins contiennent un trop grand nombre d’arbres 6c
d’arbriffeaux, il eft néceffaire de lès déraciner 6c de les tranfporter
hors du terrein ; ou bien s’il y en a peu, il fuffira de les couper par le
pied, de les brûler 6c de les incorporer avec la terre en la labourant.
Pour les terreins pierreux, il fera facile de les débarrafler en ramaflant
les pierres. S’il y en a une grande quantité, on les arrangera par tas en
forme de muraille, ou bien on creufera une tranchée profonde dans
laquelle on les enterrera.
Le défbncement du fol fera fuffifant pour détruire le jonc & les
herbages.
Pour la fougère, on viendra à bout de la détruire en l’extirpant-à
plufieurs reprifes. Etant fouvent arrachée, elle périt ordinairement
dans l’efpace de deux ans 6c même plutôt, fi on a foin de fumer en
même-tems la terre 6c d’y femer des lupins ou des fèves.
Façon qu’on doit donner aux terres nouvellement défrichées. Les
anciens qui ont écrit fur l’économie rurale, donnent trois fignes pour
reconnoître fi une terre eft graffe 6c fertile; on reconnoît cette qualité à fa
friabilité naturelle, à fon habitude à produire des herbes 6c des arbres, 6c
à fa couleur noire ou cendrée. Columelle ne regarde point les deux premiers
indices comme indubitables. Ils peuvent être vrais ou faux, fuivant
les circonftances. Quant au troifième, il eft évidemment faux, puifque les
marais 6c les terres à falines font de deux couleurs que nous venons de
nommer; 6c tout le monde fait qu’on ne peut pas faire venir de beaux
bleds fur lç fol d'un marais bourbeux, ni for les terres à falines qui fonc
au bord de la mer. La couleur n’eft donc pas un ligne affuré de la
bonté d’un terrein : car de même que la nature a donné aux beftiaux
les plus robuftes des couleurs différentes 6c prefqu’innombrables ; elle
a auffi voulu que les terres les plus fortes fuffent variées par la multiplicité
de leurs couleurs. La manière la plus fûre de reconnoître la
bonne qualité d’un terrein , c’eft d’examiner s’il eft réellement
gras 6c fertile. Pour s’en inftruire, l’auteur cite les expériences qui font
décrites dans Virgile, 6c dont nous avons fait mention.
Manière de labourer. Après ces obfervations préliminaires, il faut
préparer le champ pour l’enfemencer. La première opération confifte
à bien labourer la terre. La plupart des auteurs ont configné dans
leurs ouvrages la méthode qu’on doit fuivre en labourant. Les boeufs
doivent être unis étroitement l’un à l’autre, par ce moyen ils marcheront
plus fûrement, le corps droit, la tête élevée, leurs cols feront
moins ébranlés, le joug y étant mieux appliqué : c’eft la façon de les
atteler qui eft la plus’généralement reçue. Celle qui eft ufitée dans
quelques provinces oif l’on attache le joug à leurs cornes, eft rejettée
par tous' ceux qui ont donné des préceptes fur l’agriculture : car ces
animaux font en état de faire des efforts plus puiffans avec le col 6c
la poitrine qu’avec les cornes. Les boeufs qu’on deftine au labour
feront d’une taille forte 6c vigoureufe, afin qu’ils ffoient en état de
faire des filions profonds dans les terres nouvellement défrichées.
Soin du bouvier pendant le labour. Le (bouvier intelligent, qui
tracera la direétion des filions, marchera for la partie du terrein qui
fera labourée. I l aura foin de tenir la charrue penchée tantôt for un
côté, tantôt fur un autre, 6c d’enfoncer le foc droit 6c à plein ; de
manière qu’il ne laifle nulle part de terre crue. I l faudra qu’il arrête
fortement fes boeufs, lorfqu’ils approchent d’un arbre, de peur que
le foc de la charrue, venant à heurter contre les racines avec trop
de violence, n’occafionne une commotion dangereufe au col de ces
animaux ou ne produifo quelqu’autre accident fâcheux. I l doit intimider
les boeufs de la voix, plutôt que de leur donner des coups :
il ri aura recours à cette dernière reffource, que lorfque ces animaux
refoferont opiniâtrément de travailler. Un jeûné boeuf piqué trop
fouvent de l’aiguillon, devient récalcitrant à l’ouvrage 6c s’accoutume
a nier. Il ferait dangereux de faire tracer à un boeuf un fillon de plus
de cent vingt pieds de long, parce quand il excède cette longueur,
1 animal fe fatigue outre mefure. Lorfqu’on eft arrivé à un détour,
il faut repouffer le joug fur’ le devant de la tête de» boeufs, 6c les
arrêter pour donner à leur col lë térns de fe rafraîchir. Sans cette
preçaution, il s’échaufferait en peu de terris; 6c cet accident ferait
fuivi dune enflure qui finirait pat fe convertir en ulcère. Le bouvier
rie fe fervifa pas moins de la houe que du foc ; & il déracinera toutes
les fouches les plus tenaces, ainfi que les racines fupérieures qui
cmbarraflent un champ, quand il eft planté en arbres.
Soins du bouvier après le labour. Lorfque les boeufs feront
Agriculture. Tome I. Y