
Le premier labour s’appelle lever les guèrets ou les jachères : il
confiftc à retourner les chaumes d’avoine. On le donne depuis le mois
de janvier jufqu’au mois de juin. Il y a des pays où l’on ne commence
qu’au mois d’avril ; mais par-touc il eft fini à la Saint-Jean ; il y a
quatorze mois que la terre n’a été remuée, en conlequence ce labour
eft plus pénible que les autres.
La fécondé façon qu’on nomme binage, commence quand les
guerets font lèves, & il finit dans le mois de feptembre. On le commence
par la raie qui a fini le labour des guerets. Il faut obferver
que, dans ces labours, un des chevaux marche toujours dans la raie que
le foc va remplir, tandis que l’autre cheval marche fur la terre qui
neft pas encore labouree; &c le foc foit entre les deux chevaux,
pendant que le charretier marche dans le fillon qui fe forme, de forte
que le guéret n’eft point trépigné..
Le troifieme labour, qu on nomme dans quelque province, labour
a demeure , prépare la terre à être femée fur le guéret : dans ce cas,
le grain eft enterre a la herfe. Il y a des pays où cette troifième Eicon
reffemble tout-a-fàit a la première, excepté que, la terre étant très-
meuble , il le fait avec .facilite r alors on sème fur ce guéret, & on
enterre la femence avec la charrue, ce qui fait un quatrième labour t
mais il eft bon de le faire leger, afin que la femence n’étant pas trop
enterrée, les germes puiflent fortir de terre.
A 1 egard des mars, foivant un ufage reçu , on donne deux labours
aux terres quon deftine a recevoir de forge ; & un feulement, à celles
ou 1 on veut femer les avoines. Si 1 on eft décidé à donner deux labours
aux mars, on commence le premier peu de tems après les femailles
des fromens ; & le fécond, immédiatement avant les femailles des
mars ; & lorfque 1 on ne veut donner qu’un labour aux mars, on le
fait en janvier ou février.
La manière de labourer la terre, varie félon leur fîtuation, c eft-
à-dire, félon quelles retiennent ou ne retiennent pas l’eau ; &-encore
félon leur nature , c eft-a-dire , félon qu elles font légères ou fortes.,
& fuivant qu elles produifént peu ou beaucoup d’herbe.
Les terres maigres & legeres, qui nont point de fond, ne peuvent
jamais donner un grand produit : on ne laifte pas cependant de lés
cultiver. peu-a-peu on leur donne de la profondeur en entamant fur
le tuf ou la craie j &c a force de les fumer, on en tire quelque
avantage. ,
I l y a d excellentes terres a froment, qui ne forment qu’un lit
d environ quatre pouces dépaifleur, fous lequel on trouve une terre
rouge fterile.^ Comme ces fortes de terres s’imbibent de l’eau dès
pluies : auffi-tôt quelles fopt tombées, on les-laboure à plat y & l’on a
foin que la charrue ne pique pas jufqu a la terre rouge, qui nuirait à la
récolte fuivante, à moins qu’à force de fumier l’on ne rendît à la terre
fa fertilité naturelle.
On laboure ces terres avec les petites charrues qu’on nomme à
oreillê ou à tourne-oreille. Quand les terres font fortes, telles qu’un
fable gras, on fe fert de charrues plus folides, qu’on appelle charrues
à verfoir.
Nos cultivateurs n’emploient ordinairement que deux inftrumens
principaux pour le labourage, la bêche & la charrue.
La bêche- eft un infiniment très-propre pour faire un excellent
labour, elle retourne la terre à dix ou douze pouces de profondeur.
Cette opération eft longue, pénible & coûteufe : de forte qu’on n’en
peut faire ufage que dans certains cantons où fe trouvent beaucoup
d’ouvriers &c peu de terrain.
La charrue eft plus expéditive ; mais communément elle ne remue
pas la terre à une auffi grande profondeur: fouvent elle la renverfé
tout d’une pièce fans brifer les mottes, &C contre- coupe le gazon
verticalement; le foc qui fuit le coupe horizontalement, & le verfoir
ou l’oreille le renverfe tout d’une pièce fur le côté.
Quelquefois on rompt les mottes avec des maillets, cette opération
ferait excellente fi elle n’étoit pas fi longue. Dans certains cantons, on
fait pafler un rouleau plus ou moins pefant for les champs où il y a des
mottes: cette pratique eft très-bonne lorfque la terre n’eft ni trop sèche,
ni trop humide; mais il eft plus avantageux d’employer un rouleau
armé de dents de fer, qu’on appelle une herfe roulante ; parce que
eet infiniment, lorfqu’il eft un peu lourd, eft très-propre à brifer les
mottes, & à détruire les racines des mauvaifes herbes.
Engrais. Pour recueillir d’abondantes récoltes, il ne foffit pas
d ’avoir donné les labours à propos, ni de les avoir fouvent répétés,
il eft encore néceflaire d’en améliorer le fond par de bons engrais.
M. Duhamel eft ici d’un fenriment oppofé à celui de M. Tull, qui
prétend que le fumier peut produire des mauvais effets, & qu’on peut
fe difpenfer d’en faire ufage, fans craindre de diminuer la fertilité de
la terre. Notre auteur, loin de défapprouvev l’emploi du fomier pour
engrailler les terres , ne ceffe au contraire d’exhorter ceux qui s’in-
téreffent aux progrès de l’agriculture à effayer de les rendre moins
coûteux & plus abondans : en conféquence il affigne les différentes
efpèces d’engrais qu’on peut tirer des trois règnes de la nature.
Le règne minéral fournit les terres neuves, les curures des mares,
le fable, la chaux vive , la glaife, les coquilles fofliles, les cendres de
tourbe, & celles du charbon foffile. Toutes ces diverfes fobftances
forment autant d’engrais particuliers.