
des rivières ou des ruiffeaux. Si on ne peut les
garantir de cet inconvénient, il faut renoncer à
les cultiver en grains qui feroient inévitablement
détruits. On doit fe contenrer, quand ils ont befoin
d’être renouveUés, de les labourer pour faire périr
les mauvaises herbes, & y femer de bonne graine
de foin.
Les près bas , exempts d’inondations , font
comme les près hauts y fufceptibles de 1 alternative.
Il y a de l’avantage à les labourer & à les enfe-
mencer en grains, quand leur produit en foin
diminue, ou qu’ils nen produifent que de mau-
vaife qualité. A la faveur des labours, les herbes
qui ne forment pas de bon fourrage , périffent,
l’état du fol change, des récoltes abondantes en
grains dédommagent amplement des frais de
défrichement, jufqu’à ce qu’on remette le terrein
en prairie, foit en y femant de l’herbe, foit en
ne le cultivant pas, comme il arrive aux environs
de Phalfbourg, où les terres ayant été enfemencées
pendant deux ans, redeviennent enfuite un bon
pâturage. Il fuffit pour cela de les laiffer incultes,
parce que le terrein étant frais, il pouffe beaucoup
d’herbe.
La raifon qui détermine à former une prairie
d’une terre à grains, c’eft quand elle s’épuife, c'eft
quand elle ne produit prefque plus. On lui choifit
le genre d’herbe qui convient à fa nature, &
qui produit'une plus grande quantité de fourrage.
Auffi-tôt que la prairie languit, ou qu’elle fe couvre
de moufle, ou fe remplit de mauvaifes herbes,
de vers des hannetons , il eft néceffaire de la
défricher pour la mettre en état d’être enfemencée
en grains.
Dans une Encyclopédie étrangère , l’article'
alterner eft étendu. J ’en rapporterai ici quelques
idées qui m’ont frappées.
ce Si les diverfes plantes,comme on nefauroit
55 en djfconvenir , jouiffent en commun de plu-
55 fleurs efpècesde fucs nourriciers, il paroît suffi
55 que chacune a befoin de quelque principe par-
55 ticulier,fuivant fa nature & fes propriétés effen-
55 tielles. Lorfque nous voyons l’herbe d’un pré
»5clair femée, nous devons conclure qu’il y a
55 défaut de quelque fubftance néceffaire à la per-
55 feélion de l’efpèce de plante à laquelle le terrein
55 eft deftiné, & que par conféquentjjl faut, ou lui
55 rendre cette fubftance qui manque, ou lui donner
55 le teins de fe la procurer. C’eft fur ce fondement
55que les jachères ont été imaginées, dans un
55tems où la population, peu nombreufe, ne fe
55 mettait pas beaucoup en peine de laiffer en non.
55 valeur pu en friche le tiers des champs. Mais
55 par l’alternative, nous donnons â la terre de
55 nouvelles plantes à nourrir, & nous lui four-
55 niffons de puiffans engrais, & par le labour
55 nous changeons le fol , & nous lui facilitons les
55 moyens de réparer les fucs particuliers à la
55compofition des plantes, que des récoltes trop
55 faiyies en fourrage & en grains avoient épuifés;
55 & nous nous procurons tous ces avantages fans
55faire le facrifice d’une récolte fur trois, & en
55 jouiffant, fans interruption, des produits annuels
55 de nos terres. 55
L ’auteur de cet article fait l’énumération des
plantes qui conftituent les bonnes prairies. :
j ’en parlerai ailleurs en détail. Il indique auffi
celles dont il eft important d’arrêter la multiplication.
Les douves, félon lui', caufent aux bêtes
à cornes & aux bêtes à laine des maladies mortelles.
Il regarde comme plus mauvaife encore
l’efpèce de renoncule à feuilles de perfil. Lan-
cholie , la pilofelle & la pédiculaire font funeftes
aux brebis, & la ciguë aux bêtes k cornes. Quelque
confiance qu’infpire l’auteur de l’article, qui paroît
éclairé en Agriculture, je ne crois pas que ces
dernières affeftions foient fans répliqué; car il
n’eft pas prouvé que les befliaux, qui paiffenf dans
un pré , mangent les herbes qui leur font nui-
fibles, ni que ces herbes aient les qualités pernî-
cieufes quon leur attribue. Les payfans font
convaincus que les bêtes à laine contraélent la
pourriture quand elles broutent des douves. Mais
en fuppofant qu’elles s’en nourriffent, au lieu de
s’en prendre à cette plante, n’y a-t-il pas lieu* de
foupçonner que la maladie eft due à l’abondance
de toutes fortes d’herbes humides, dont les bêtes k
laine fe gorgent dans les prairies où croiffent les
douves. Le reproche qu’on fait aux autres plantes,
eft peut-être auffi peu fondé. Au moins, avant
de prononcer fur leur infalubrité, faudroit-il en
avoir des preuves inconteftables,
ce L ’alternative des champs en prés & des prés
55en champs eft généralement établie en Suède,
55& ftir-tout en Angleterre, où elle a plus con-
55 tribué que toute autre chofe , à porter le prix
55 des fermes & l'agriculture , au point où ils
55 font aujourd’hui,. On fuit cette pratique en
55 divers lieux de la Suiffe , [fur les montagnes
55 qui ne font pas trop élevées pour produire des
55graines*, en forte qu’il paroît que fi cette éco*
>5«omie n’a pas été adoptée dans la plaine, ce
55 n’efl: pas uniquement par un attachement aveugle
55 pour d’anciennes coutumes , mais il s’eft trouvé
55 divers obftacles qui n’ont point encore été
55 levés. -
55 Cette méthode eft impraticable fur les ferres
55affujetties au parcourt-: elle ne fauroit être
55 appliquée qu’à celles dont nous pouvons plei-
55 nement dffpofer, pour en faire fans reftriélion
55 & fans réferve, l’ufage que nous jugeons à
55 propos. Or la fervitude de vaine pâture qui
55 abandonne au bétail des individus de la com-
55 munauté , )es terres dès la première récolte
55& même les champs l’année de jachère, met
55iin obftacle invincible à' toute efpèce de chan-
55 gemenp , & en particulier à 1 alternative en
55 queftion. La police s’occupe férieufement, en
1 55 divers lieux, à profiter des inftruélions pu-
55 blitcs
jsbliées par la Société de Berne, pour l'abolition
55 de ce pâturage réciproque. 55
Les procédés par leiquels on forme & on défriche
des prairies , appartiennent plus aux mots
prairies & défrichement , qu’à celui à’alterner ;
je ne les expoferai donc pas ici , & je pafferai
aux dernières manières d’alterner.
La troifième confifte à mettre en culture des
terreins couverts d’eau > & à les laiffer enfuite
en eau. C’eft un ufage connu dans les pays où
il y a dès étangs, qu’on empoiflonne, & qu’on
pêche de tems en .tems. On penfe que pour la
nourriture dupoiffon, il eft néceffaire qu'il croiffe
dans l’eau certaines plantes que fevorifent des
labours & une culture de quelques années. A ce
motif, fans doute il s’en joint un autre, c'eft
qu’en cultivant ainfi de tems en tems un fol ,
qui fe repofe pendant qu’il eft en eau , & qui
s’engraiffe des débris des végétaux & des corps
des infeéles qui s’y putréfient, on en retire plus
de profit, que fi on le laiffoit toujours en eau,
la vente du poiffon à certaines pêches, ne pouvant
égaler le revenu d’une ou de deux récoltes. Quoi
qu’il en foit , pour y parvenir , on ouvre la
bonde , l’eau s’écoule & l’étang eft mis à fe c ,
finon en totalité, au moins en très-grande partie,
ce qui dépend de. fa pente & de la facilité que !
l’eau trouve pour fortir de l’étang, & fe perare ;
dans la campagne, ou gagner ^quelque rivière.
Les étangs formés par des rivières font moins
fufceptibles de l’alternative que ceux qui font formés
par les pluies, parce qu’il eft plus difficile
de les mettre à fec. On ne le peut faire qu’en
partie.
J ’ai vu opérer de deux manières dans la culture
des terrés en étangs. Dans le Berry & la
Sologne on écobue la terre, c’eft-à-dire, ôn la ;
pioche; on la fairifécher , brûler, & on en
répand la cendre ; on laboure à filions élevés, &
on sème du froment jufqu’à trois années de fuite.
11 vient mal, la dernière année fur-tour. Le Berry
a deux fortes de terreins ; l’un abfolument analogue
à celui de la Beauce*, & c’èft dans ce ter-
Tein que le froment eft beau & a beaucoup de qualité
: l’autre reflemble à celui de la Sologne ; c’eft
un pays à feigle, & il y a des étangs. Dans ces
cantons, on ne cultive du froment que dans les
étangs même, quand on en a fait écouler l’eau.
En Brie, où l’écobuage eft auffi inconnu qu’inutile,
quand un étang eft mis à lèc , on le laboure
fuperficiellcmem ; on fe contente, pour ainfi
dire, d’égratigner feulement le limon, qui en
fait la première couche, & on y sème de l’avoine.
L ’année d’après on laboure un peu plus profondément
pour un nouvel enfemencemenr. Cette
manière eft auffi employée en Berry & en Sologne;
elle eft bien moins difpendieufe; la végétation y
eft d’une beauté étonnante, & le produit répond
amplement à ce qu'elle promet. M. le Comte de
Beau repaire a fait fur cet objet, dans fa terre de
Agriculture. Tome I er. JJ.e Partie.
Liverdis, des recherches, des expériences & des
calculs, que j’aurai foin de rapporter quand je
traiterai des étangs.
On alterne les étangs de la Lorraine allemande,
en y femant du chanvre l’année où ils font à fec.
Cette plante y vient très-belle.
Le moment de remettre en eau un étang eft
indiqué par le peu de produit qu’on en retire, comparé
à ce qu’il rendroit en poiffon. On ferme la
bonde, l’eau s’y amaffe, & on empoiflonne.
Une quatrième manière d’alterner, qui a quelquefois
lieu, eft la converfion d’un bois, d’une
vigne, d’une fafranerie en terres labourables.
Un bois tellement endommagé, ou parles beftiaux;
ou par le gibier, qu’il n’eft prefque d’aucun rapporr,
doit être arraché,’ défriché & changé en champ.
On fait avec*quelle abondance ce qu’on y fème y
vient pendant plus ou moins d’années. Le repos
dont a joui la furface du terrein, puifque les
racines du bois vivoient aux dépens du fond,
l'engrais formé par les feuilles qui le recouvrent,
en font une terre neuve, capable de produire,
fans interruption, pendant vingt ans. J e fuis bien
éloigné de penfer qu’il faut indiftinélement défricher
les bois pour y cultiver des grains. On n’a
que trop abufé peut-être de cette idée ; il en
réfulte des inconvéniens, dont la capitale fur-
tout réffent les effets; mais je confeilie de détruire
ceux qui font en mauvais état, & de les rendre,
au moins pour quelque tems, à la culture, afin
de les replanter enfuite avec foin, & de les entretenir
mieux. U y a auffi en France beaucoup de
terres à grains qui fe laffent, & qu’il feroit plus
avantageux de planter -en bois, en n’employant
que lés efpèces d’arbres qui leur couviennent.
Quoique la vigne fe foutienne affez long-tems
en bon état quand elle eft cultivée & foignée,
cependant il arrive une époque où elle dépérit,
& ne produit que très-peu de raifin. On la détruit
pour femer à la place , ou des graines
■ cereales, ou des plantes propres à former des
pâtures artificielles. Dans les pays où les vignes
font la majeure partie du produit , & où on
Veut profiter des bonnes expofitions, on en
! replante dans les endroits où il y en avoit autrefois,
après un tems plus ou moins long. Dans
ceux où l’expofition eft indifférente , & où les
vignes ne font qu’une culture fecondaire,on choifit,
pour planter de la vigne, les pièces de terre
qui n’ en ont jamais porté.
On prétend en Gâtinois, où on cultive lefafran,
que cette plante épuife le terrein à tel point,
qu’on ne peut en planter dans le même champ
que vingt ans après, fur-tout fi on l’a chargé de
plus d’oignons qu’il n’en failoit. J e ne’puis croire
que cette prétention foit fondée. On afiùre encore
que la terre dégraiffée par cette racine, ne peut
fe rétablir que par le repos que lui procure le
fainfoin, qu’on eft dans l’ufage d’y jeter. J e fais
cependant qu’on a réuffi’ très-bien en y femant
M m m