
Influence
de l’eau.
On a donné dans un extrême , lorfqu’on a regardé l’eau
comme le feul principe néceffaire à la végétation , en n’accordant
à la terre que l’office d’éponge. J’ai fait voir , il n y a quun
inftant, combien la terre y influoit par elle-même. Lorfquelle eft
entièrement aride, elle ne produit rien, comme on en a des exemples
dans les pays de fable pur, tels que les déferts d’Arabie, où il
ne pleut point. Toutes les plantes n’ont pas befoin d’une égale quantité
d’eau ; les algues veulent en être recouvertes entièrement ; .la
châtaigne d’eau ne vient à fleur-d’eau, que parce que fes racines y
font plongées fans ceffe ; il fuffit au riz d avoir le pied dans un marais;
le froment, qui périrait, s’il étoit dans un fol toujours humide , croît
& parvient à maturité , pourvu que le ciel l’arrofe quelquefois au
printems & dans l’été ; qu’il pleuve après qu’on a planté la canne à
fucre, & qu’il faffe fec enfuite, la récolte en fera avantageufe; d’autres
plantes enfin, n’ont befoin que de l’eau des rofées pour- végéter. Mais
cet élément ne peut être fuppléé. Voyez les jardins, les campagnes,
les bois, après une longue féchereffe ; les feuilles fe tenaillent, fe
fanent & tombent même, les tiges & les branches auxquelles elles
appartiennent, ne groffiffent plus & n’ont plus ce liffe que leur donne
une végétation foutenue ; la floraifon, ou s’arrête, ou ne fe fait que
d’une manière languiffante, &c la fructification, objet des voeux du
cultivateur, eft imparfaite, fi la caufe fubfifte long-tems. Mais, lorf-
qu il tombe une pîhrie abondante & attendue, la fcène change bientôt,
la nature reprend fes droits, les arbres &c les plantes reverdiffent,
tout devient riant comme au printems, &c l’ordre eft rétabli dans la
végétation. L ’induftrie humaine, dans des cultures particulières, a fenti
la néceffité de procùrer aux végétaux des arrofemens artificiels. Elle
y a été forcée, foit parce quelle en élève dans des fhifons que la
nature n’a pas indiquées, foit parce quelle confacre, à certaines,
efpèces, des terreins deftinés à d’autres. C ’eft ainfî que dans les ferrçs
chaudes, ou dans les potagers, les jardiniers ont fouvent l’arrofoir à la
main ; en dirigeant avec intelligence les fources des montagnes, on
forme des prés fur des coteaux élevés & rapides, dans la Suiffe &
dans quelques cantons de la France.
Les phénomènes de la defficcation des végétaux fuffiroient pour
conftater combien il peut entrer de parties d’eau dans leur compofîdon.
En expofant avec précaution, à l’araeur du foleil, huit livres d’herbes
fraîches, M. Daubenton les a réduit à deux, à caufe de l’évaporation
qui' s’eft faite du principe aqueux. Si ces herbes euffent été mifes dans
une étuve bien chaude, elles en euffent perdu davantage: pofées
immédiatement fur le feu, elles auraient confervé encore moins du'
même principe. Les parties folides des plantes, telles que le bois,
lailfent échapper beaucoup d’eau quand on les brûle. Suivant une
expérience de Haies, des copeaux de bois, pefans 13 5 grains, ayant
féché pendant vingt-quatre heures , ils avoient diminués de 40 grains,
qui font le poids de 1 eau qu’ils contenoient. On voit que par l’analyfe
chimique à fou nud , les végétaux donnent une grande quantité de
phlegme ou d’eau. A la vérité, dans tous ces cas, on peut croire
que l’eau enlève des fubftances avec lefquelles elle eft combinée.
Quand on lit la ftatique des végétaux, on eft étonné de la quantité
d’eau que les plantes abforbent-& de celle quelles rendent par la
tranfpiration. Ne peut-on pas fcupçonner que ç’eft l’eau qui atténue le
principe terreux & qui le met eu état de palier, dans leurs vaiffeaux
pour fervir aufïï à leur nutrition î
MM. Lavoifier, de la l/lace & Meunier, de l’académie des fciences,
viennent d’annoncer des expériences qui prouvent que l’eau n’eft pas,
comme on l’a voit cru, un fluide homogène, mais un compofé d’air
inflammable & d’air pur ou déphlogiftiqué. Il ne m’appartient ici,
ni de difeuter cette découverte, ni den faire ufage.
La privation de l’air ne tarde pas à fe faire fentir aux plantes
qui l’éprouvent ; j’entends un air d une denfité fuffifante ; car il n’y
a pas de vu: de abfolu. Si on place une fleur, une branche, ou un
fouit , fous le récipient de la machine pneumatique, on les voit
perdre de leur couleur & commencer à fe flétrir, aux premiers coups
de pifton de la pompe, qui enlève de l’air & raréfie celui du récipient.
En reftituant l’air, la couleur & la fraîcheur reviennent ; mais, pour
peu qu’on continue à le pooiper, il n’eft plus poffible de rétablir les
végétaux, parce que l’air contenu dans leur tiflu s’échappant en plus
grande quantité , détruit l’organifation entière. On voit, dans les
tranfaétions philofophiques, nd z 3 , que la même graine de laitue
ayant été mifedans deux pots, dont l’un fut laiffé à l’air libre, Se
1 autre placé fous un récipient vuide d’air, la première produifit des
plantes qui s’élevèrent à deux pouces & demi de hauteur en huit jours,
tandis qu’il ne parut rien dans l’autre : l’air ayant été reftitué à cette
derniere, la graine,germa aufîî-tôt & donna des planres. Haies s’eft
affuré quun demi-pouce cubique 2 e coeur de chêne, du poids de 1 5 5
grains, coupé d’un arbre vigçg®eux & croiffant , donnoït vingt-huit
pouces cubiques d’air, ou deux' cens cinquante-fix fois fon volume,
Cet air pefoit 3 0 grains, c’eft-à-dire, près d’un quart du morceau de
chêne. Des graines de pois pefans 5 gros & 3 8 grains, ou 3 9 8 grains,
formans un pouce cubique, ont donné 1 gros & 4 1 grains, ou 1 1 3 -
grains pefans dair, qui formoient 3 9 6 pouces cubiques. Enfin, une
once de graine de moutarde a rendu 1 gros & 5 grains d’air.
A ces expériences, capables de faire connoître que les diverfes
E z
Influencé
de l’air.