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à leur bienfaiteur de magnifiques obfèques ; mais
quand ils ouvrirent le coffre , ils le trouvèrent
plein de morceaux d’ardoifes caffées. Indignés de
fe voir ainfi joués & déchus de leurs grandes efpé-
rances, ils fe vangèrent en moines du quatorzième
fiècle , en déterrant le teftateur qui avoit ufurpé
ainfi de belles funérailles : le parlement les obligea
de lui donner une fépulture honorable dans leur
cloître. Clopinelzvoït traduit le livre de la consolation
de la philosophie de Boëce & les lettres d’Abailard ;
mais il n’étoit pas encore tems de traduire enfrançois.
La langue n’étoit pas faite.
CLOTAIRE I. Les articles Childebert, Chramne,
Clodomir & Clotilde font allez connoître quel
monftre barbare & débauché étoit ce Clotaire 1, fils
de Clovis.
CLOTAIRE I I , dixième roi de France |
de France ) , naquit en 584, de Chilpéric , fon pré-
déceffeur, & de la fameufe Fredegonde. Ce prince
n’avoit que quatre mois lorfqu’il perdit fon père,
qui mourut affafliné : il fut élevé fous la tutèle de
Fredegonde & de Gontran, roi de Bourgogne, fon
oncle paternel. Le commencement de fon règne fut
agité par une infinité d’orages ; Childebert, roi
d’Auftrafie , fon coufin , afpiroit à le dépouiller,
fous prétexte de venger la mort de Sigebert I , fon
p ère, que Fredegonde avoit fait afîafliner ; il entroit
dans fa treizième année lorfqu’il fut abandonné
à lui - même par la mort de fa mère, princefle
plus capable que digne de régner : il avoit perdu,
plufieurs années auparavant, Gontran, fon principal
appui après elle. Childebert, fon ennemi,
avoit tranfmis fa haine contre lui à Thêôdebert II
& à Thierri, fes fils, qui lui avoient fuccédé, l’un
dans fes états d’Auftrafie, l’autre dans ceux ' de
Bourgogne : Clotaire n’eût pu fe foutenir fur le
trône, u ces deux princes, ligués pour l’en faire
defcendre, fuffent toujours refiés unis. Plufieurs
batailles qu’il foutint contre eux l’avoient mis à
deux doigts de fa perte : heureufement pour lui la
divifion fe mit entre eux , & ils employ èrent à fe
détruire les armées qu’ils avoient levées à deflein
d ’opérer fa ruine, Théodebert, vaincu par fon frère,
fut aflaflinépeu de temps après fà défaite,& Thierri
n’eut pas le temps de jouir de fa viéloire : ce prince
mourut de dyflenterie l’année d’après. Clotaire fe
rendit maître de toute la monarchie, mais il abufa
cruellement de fa puiffance : moins roi que tyran,
il fit attacher Brunehaut à la queue d’un cheval
Indompté. Telle fut la fin d’une princefle, fille,
femme & mère d’une infinité de rois : de «quatre
enfans que laiflbit Thier ri, le barbare en maffacra
deux : il confina le troifièrrie dans un cloître ; le
quatrième, chercha fon falut dans l’obfcurité, & fe
cacha fi bien , que l ’hifioire n’a pu nous apprendre
quelle fut fa deflinée.
, Clotaire gouverna avec une extrême foibleffe ;
& fi l’on fait confifier la puiffance dans l ’autorité,
jamais prince n’en eut moins que lui; il fut toujours
fubordonné à fes minifires, qui tous tranchèrent
du monarque. Ce fut fous fon règne que les
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maires du palais jettèrent les fondemens de cette
énorme puiffance qui tint celle des rois à la chaîne,
& finit par l’anéantir. Radon, qui l’étoit d’Auftrafie,
obtint de ne pouvoir êtredeftitué; cette inamovi;
bilité s’étendit aux poffeffeurs des grandes charges
de l’état, & dès-lors le trône chancela fous les lé-_
gitimes maîtres.
Clotaire I I mourut en 62.8, & fut enterré dans
l’églife de Saint-Germain-des Prés : il étoit âgé de
45 ans i f ° n règne égaloit prefque fon âge. On peut,
dit l’auteur de l’Abrégé chronologique, remarquer
trois chofes fur ce prince : il eu le troifième roi
qui ait réuni toute la monarchie ; il eft le fécond
du nom ; & par une deftinée attachée à ce nom ,
ayant eu pour partage le royaume de Soiffons , 1e
moins confidérable de tous , il réunit tous les autres
, ainfi qu’avoit fait Clotaire I , fon aïeul. Il
avoit eu trois femmes, Haldetrude, Bertrude &
Sichilde ; il laifla deux enfans, Dagobert, qui lui
fuccéda , & Charibert, qui eut une partie de l’A quitaine,
mais plutôt comme apanage que comme
royaume.
De tous les hiftoriens qui ont traité de l’hiftoire
de Clotaire I I , aucun n’en a parlé avec plus de vérité
que M. Velly . Voici le tableau qu?en fait cet
excellent écrivain : « C ’eft en vain , dit-il, que lest
hiftoriens de fon temps , ou trop efclaves, ou trop
comblés de fes bienfaits, représentent ce monarque
comme un prince jufte & débonnaire ; fes aâions
nous le peignent fous d’autres couleurs ; l’ufurpation
du trône de Thierri, le. maffacre des petits-fils de
Brunehaut, la mort cruelle de cette reine, celle de
Bofon, celle de Godin, fils de Garnier, tout prouve
qu’il n’avoit ni cette infléxible équité, ni cette incroyable
douceur que lui donnentfies panégyriftes...
Ce font des taches fi contraires à l’efprit d’équité»
aux loix de l’honneur, aux maximes du chriftia-
nifme, qu’il eftimpoffible de lesexcufer.il eft honteux
pour l’humanité que le fiècle de Clotaire 11
n’y ait vu ni injuftice, ni cruauté ; au refte, on ne
peut difconvenir qu’il n’ait été un prince vaillant &
brave, habile dans l’art de gouverner, populaire»
affable , charitable pour les pauvres, libéral envers
les églifes, zélé pour l’obfervation des faints canons
, ami & prote&éur ardent de tous les ferviteurs
de Dieu... c’eft à lui que nous devons le code des
loix Allemandes ; elles furent rédigées & mifes par
écrit dans un parlement de trente-trois évêques
& de trente-quatre ducs affemblés fous fes ordres :
il avoit l’efprit orné, àimoit les belles-lettres , fe
piquoit de politeffe & de galanterie ; fa complaisance
pour le beau fexe alloit à l’excès ; on lui reproche
fon extrême paffion pour la chaffe ».
( Art. R. )
(L a févérité de M. l’abbé Ve lly à l’égard de
Clotaire I I , tient à l’opinion qu’il a cru devoir
adopter fur Brunehaut, d’après une idée de Bocace.
Voye% l'article B O C A C E , où ces jugemens font dif-
cutés. )
C lo t a ir e I I I , treizième roi de France, fils &
iucceffeur de Clovis I I , fut couronné en 65 5 : il
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étoit âgé de cinq ans ou environ. Il vécut fous la
tutèle & fous l’empire de Batilde, fa mère, &
d’Erchinoalde ou Archambault, maire du palais;
quoiqu’il eût deux frères, Childebert II & Thierri
I I , q ui, fuivant l’ufage , dévoient être admis au
partage de la monarchie, il la pofleda toute entière ;
‘ il régna feul, ou plutôt il fut feul fur le trône
jufqu’en 660 : ce fut à cette époque qu’il remit à
Childéric I I , fon frère, le fceptre d’Auftrafie ; il fe
contenta de celui de Neuftrie & de Bourgogne,
qu’il conferva jufqü’a fa mort, qui fe rapporte à
l’an 668. Il reçut les honneurs funèbres au monaf-
tère de Chelles, où la reine Batilde s’étoit confa-
crée : fon règne n’eft marqué par aucun événement
mémorable, & l’hiftoire ne nous a point révélé
quelle fut fa vie privée. Il avoit dix-neuf à vingt
ans lorfqu’il mourut, & ce n’eft pas à cet âge que
l’on peut avoir fait de grandes chofes. D’ailleurs
les rois de la première race, depuis Dagobert I , ne
furent point deftinés à jouer un rôle bien intéref-
fant. Thierri I I , fon frère, qui jufqu’alors avoit
vécu obfcur, lui fuccéda, par les foins d’Ebroin ;
mais la haine qu’ori portoit à ce miniftre réjaillit
fur lu i, & le roi en fut la viélime ; on le confina
dans l’abbaye de Saint-Denis, d’où il ne fortit que
long-temps après. ( M — Y .)
CLOTILDE {Hijlde Fr.). Gondioche, roi des
Bourguignons, avoit laiffé quatre fils, Gondebaud ,
Gondegifile , Chilpéric, Gondemar : ils avoient
partagé le royaume de Bourgogne , comme les
petits-fils de Clovis partagèrent depuis le royaume
de France. Les deux aînés firent une ligue pour
dépouiller les deux autres : Gondebaud afliégea dans
Vienne Chilpéric, & Gondemar brûla ce dernier
dans une tour où il fe défendoit , fit maffacrer
Chilpéric & fes deux fils , qui étoient tombés
entre fes mains , &jetter fa femme dans la rivière,
une pierre au cou.
| Chilpéric laiflbit deux filles; une fe fit religieufe,
l’autre époufa Clovis ; ce fut la célèbre reine Clotilde :
elle eut la confolation de convertir le roi'fon mari
au chriftianifme. Vo yez pour le refte de fon hiftoire,
les articles Clodoald & Clodomir. Gondebaud, oncle
de Clotilde, & qui l’avoit mariée avec Clovis, s’étoit
défait de fon troifième frère Gondegifile, & avoit
réuni toute la monarchie des Bourguignons. Il laifla
deux fils, Sigifmond & Gondemar, auxquels les
fils de Clotilde redemandoient le bien de leur mère.
( Voye{ C lodomir. )
C L O V I S -le-Grand, cinquième roi de France,
{ Hiftoire de France ) , naquit vers l’an 568, de
Childéric fon prédécefleur, & de la reine de Thuringe,
qui, n’ayant pu vaincre fa paflion,avoit
quitté le roi Bazin fon mari, & étoit venue trouver
ce prince en France. Si l’on en croit Fredegaire,
Childéric eut un fonge qui préfageoit la grandeur
de ce fils, & le s malheurs de fa poftérité. Les cinq
premières années du règne de Clovis furent employées
à des éxercices conformes à fon inclination :
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il fomentoît le courage de fes foldats, les accoutu-
moît à la fatigue , & s’y endnrcifloit lui-même : il
donnoit fréquemment des jeux publics, & c’étoient
des courfes de chevaux , des combats d’homme à
homme , & contre des bêtes féroces : il leur mon-
troit fans cefle l ’image de la guerre, à laquelle il
avoit confacré fon règne. Ses états étoient trop
bornés pour un coeur auflï ambitieux que le fien ;
il ne vouloit fouffrir dans les Gaules aucune puif*
fance rivale, de la fienne , 6c il afpiroit à en chafler
ou à fubjuguer les Romains , les yifigoths & les
Bourguignons qui en partagoient l’empire avec lui*
Sepremiers regards fe tournèrent vers lesRomairis,
foit que fa fierté fût flattée de fe mefurer avec les
anciens rois du monde ,■ foit que fa politique fût
intéreflee à les chafler ;"plein de" confiance dans fes
talens, dans la valeur & l’intrépidité de fon armée,
il envoya fommer Siagrius,lieutenant de l’empire
romain dans les Gaules , de convenir du jour &
du lieu d’une bataille. Les François furent longtemps
fidèles à cet ufage, qu’ils apportèrent de la
Germanie, qui fut le berceau de leur nation : ils
dédaignoient toutes les rufes de guerre , & n’efti-
moient que les viâoires où la valeur avoit préfidé.
Vainqueur de Siagrius, qui accepta le défi , Clovis
pourfuivit ce général ; & n’ayant pu l’atteindre, il
envoya des ambaffadeurs à Touloufe, fommer
Alaric, roi des Vifigoths , auprès de qui il s’étoit
réfugié, de le lui livrer , & lui déclarer la guerre
en cas de refus. Alaric ne voulant point s’expofer
à fon reflentiment, lui envoya le général vaincu,
malgré les droits de l’hofpitalité qui rendoient f î
perfonne facrée. Siagrius avoit pour père ce.Giloii
qui avoit occupé le trône de France pendant l’éxil
de Chilpéric ; Clovis lui fit trancher la tête , 6c
l’immola ainfi à fa fûreté & à fon reflentiment. Cependant
ce qui prouve que cette rigueur étoit autant
dans fa politique que dans fon humeur, ce fut
fa clémence envers les Gaulois & les Romains qui
avoient obéi à Siagrius ; il leur laifla leur religion,
leur pays, leurs coutumes, leurs lo ix , & ne voulut
d’autre prix de fa viâoire que la gloire de leur
commander. Cette douceur affe&ée attacha ces peuples
à fa domination : 6c il n’eut pas befoin d’une
autre magie pour les maintenir fous fa puiffance.
Les Romains avoient trop d’embarras en Italie, pour
fonger à reconquérir ce qu’ils avoient perdu dans
les Gaules. L’entière foumiflion du Soiflonnois,
fruit de la vi&oire des François fur Siagrius , fut
fuivie de la guerre de Thuringe ; une invafion,
vraie ou fuppofée, fur les terres des Francs au-delà
du Rhin, en fut la caufe ou le prétexte. Clovis
accufoitlesThuringiens d’avoir éxercé fur fes^fu-
jets les plus monftrueufes cruautés : fes armes fem-
blèrent juftifiées par le fuccès; tout fut mis à feu
& à fang dans la Thuringe, & ce royaume alloit
être réduit en province Sujette, lorlque l’illuftre
Théodoric, roi des Oftrogoths en Italie, défarma I Clovis, & l’engagea à fe contenter d’un tribut an-,
t nuel. Une paix de plufieurs années fuccéda au traité ;
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