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proteftans le féconder, avec d’autant plus d’ardeur,
qu’ils avoient à réparer té' tort d'avoir introduit
dans le royaume l’ennemi étranger.
Catherine de Médicis promettoit depuis longtemps
la lieutenance générale du royaume au prince
de Condè ; c’étoit au plus cher de les fils , le* duc
d’Anjou, Henri, qu’elle vouloît la procurer. Pour quoi
falloit-il un lieutenant général du royaume ?
C ’étoit fans doute pour fuppléer à ce que la foi:
bleffe de l’âge dans le roi Charles IX pouvoir
ôter à l’exercice de l’autorité ;1 c’étoit donc un contre
fens manifefte que de donner, fous un roi
prefque enfant, la lieutenance-générale duroyaume,
à fon frère puîné ; le duc d’Anjou eut à ce fujet
avec le prince de Condé un éciaircilTement , dans
lequel le premier oppofa aux refpefts du prince
de la hauteur & un ton menaçant : ce lâche abus;
des avantages que lui donnoient fa naiflance, fon'
rang , la foïbleflë même d’un âge tendre , fut pris'
à la cour pour le noble élan d’un jeune courage.
Cet entretien- alluma entre,,les. deux princes une
haine que la mort feule put éteindre. Le prince
de Condè courut à la vengeance , & ce fut un des.
principaux motifs du renouvellement de lq guerre,
Dans cette nouvelle guerre, il y eut un moment
dont le roi fe reflouviut ' toute' fa >vie , &
qui le rendit implacable à l’égard des prptëflans;
la cour étant à Monceaux, le prince de Condè y
vint pour traiter avec le roi les armes à la main ;
la cour, polir plus de fureté, fe retirant à Meaux,
puis à Paris , le prince l’y fuivit dans l’intention
d’enlever le roi fur la route. Le roi dut fon falut,
dans cette occafion , à la fière contenance des Suif--
fes qui lui fervoient d’efcorte ; le prince de Condè
voulut plufieurs fois les charger; chaque fois ces
hommes vaillans & fidèles, faifant au roi un rempart
de leurs corps & de leurs- piquas-, montrèrent
une réfolution inébranlable de mourir pour le.
défendre; on craignit leur défefpoir, ils ne. fitrent
point attaqués. Le prince fe contenta de pourfui-
vre le roi jufqu’à Paris, épiant toujours un moment
de défordre ou de négligence qu’il ne put
trouver. Le roi , humilié d’avoir fui devant fon
fu je t, ne pardonna jamais cet outrage. Le duc
d’Anjou fut plus implacable encore, il fentit que
c’étoit bien plus à lui qu’à la perfqnne du roi que
le prince de Condè avoit voulu faire infülte.
Ce fut après cette expédition de Meaux .que le
prince de Condè s’oublia, dit-on, au ^oint de faire
frapper une monnoie d’or ou d’argent, avec fon
image & cette inscription : Louis X I I I , premier
roi chrétien des François. Montmorenci indigné, en
porta, dit-on encore, une pièce au confeildu roi,
où elle excita un foulèvement général. La vérité
eft que cette monnoie fut frappée, mais les critiques
qui ont difcuté ce fait avec le plus de foin
fe-font partagés entre-Jçès deux opinions: l’une,
que cette monnoie étoit l’ouvrage de quelques
proteftans indifcrets, q u i, fans la participation du
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I prince ÿ avolenf imaginé ce moyen -de l’engage*
j plus loin qu’ils ne voûtaient; la fécondé, qu’èllê
I était l’ouvrage des enne vis du prince dé Condè,
| qui voulôient le rendre odieux ; 8c-, quand on
fonge que ces ennemis étoient Catherine de Médicis
, fes .fils & les Guifes, la conjeâure devient
bien vraifemblable ; auffi eft-elle adoptée par tous
les auteurs pro.reftans, 8c par le plus grand nombre
.- des auteurs catholiques les plus fenfés. ,
Mais enfin on peut choifir entre les deux opt-
î nions ; l’une & Pautre difoulpe également, fur lé
J lait de la monnoie, ce prince aimable & vertueux ,
auquel on ne petit reprocher que de s’être déterminé
à la guerre civile, dans ces temps orageux,
quand il étoit pouffé à bout par fes ennemis. L’union
confiante d’intérêt & d’amitié du prince dé
Condè avec la reine de Navarre, Jeanne d’Àlbfet, fa
beile-foeur, 6c avec le prince de Navarre, fon
neveu , exclut toute idée de connivence de fa part
avec les fabricateurs de là monnoie ; car comment
1 cette union autoit-elle pu durer, fi le prince de
; Condè avoit fi hautement ufurpé d’avance, avec les
droits des Valois , les droits de la branche aînée dés
Bourbons Il-eft bien plus vraifemblable q u e c ’ê-
toit un artifice de leurs ennemis pour altérer cétt©
union , & détacher le roi de Navarre du prince
qui lui forvoit de père :
' Condè q u i.v it .en moi fe feul filsde fon frère ,
M’adopta , me f e r vit & de maîtreSc de père ;
. Son camp fut mon b e r c e a u .
L’emportement des moines en chaire contre le-
prince de Condè, fur ce. fait de la monnoie qu’ils ne
manquent pas de lui attribuer, eft vraiment-une
chofe curieufe,8c qui me litre à quel degré de licence
8c d’infolençe entraînent les fureurs de parti & les
, guerres de religion. Profper Marchand, dans fon
diélionnaire hiftorique, à l’article Louis DE Bo u r b
o n , prince de Condè, donne,l’extrait de deux fer-,
mons prêches dans le couvent des francifcains de
Bruges, le i 8c le 2. de novembre 1.567 , par le
1' frère Cornelis Adrianfen de Dordrecht, un de ces
francifcains : jamais il n’appelle le prince de Condé
que ce Condé, ce maudit Condè, ce bandit., cet enragé
de Condè’, il l’appelle même infâme coquin &
doublé fcélèrat ; il regrette et que monfelgneur de
» Guifs-, ce faintmartyr debieriheureufe mémoire,
» ne l’ait pas fait accrocher à un gibet quand il
». le tenoit en fa puifiance : . . . . . mais les grands
jj diables d’enfer lui farciront le c u l, de foufre 8c
» de poix ardente.. . . . 8c ce Condé & les hugue-
» nôts ont au moins chacun cent mille diables dans
v le ventre.
Les ennemis du prince de Condè publièrent auffi
dans les pays étrangers , &en France, dans les provinces
éloignées , qu’au mois d’oétabre 1 567 ( ils
n’alloient pas jufqu’à nommer le jour) le prince
s’étoit fait couronner à Saint-Denis, lur quoi «1»
poète
poète du temps fit des ftances, d-ont on peut ju ger
par ce titre : La grande- trahifon & volerie du
roi Guillot, prince 6* feigneur de tous Us larrons ,
bandoliers ,/acr'dèges, voleurs & brigands du royaume
de France.
Cette même année 1567-, le prince de Condé
perdit la bataille de Saint-Denis, 011 l’armée royale
perdit le connétable de Montmorenci, fon général;
le 13 mai 1369 , il perdit celle de Jarnac. Il
avoit un bras en écharpe, & de plus, lorfqu’il mar-
•choit aux ennemis , 1e cheval du comte de la Roche-
«foucauld, fon beau-frère, lui donna un coup de pied
qui lui fit à la jambe une biefliire confidérable ;
il fe contenta de dire avec douceur 8c fans fe plaindre
, en s’adreiTant aux gentilshommes qui le fui-
voient : vous voyer, meffieurs , que les chevaux foufueux
nuifent plus qu'ils ne fervent dans une armée.
1 n’en combattit pas moins vaillamment. Sa harangue
à fes foldats, fut-; le prince de Condé'ne craint
point de donner la bataille, puifque vous le fuive\.
Son cheval fut tué fous lui, 8c fe trouvant em-
barraffé fous le corps de cet animal, il eut le
malheur d’être pris une fécondé fois : on fait qu’a-
près la bataille, Montefqüioti, capitaine des gardes
du duc d’Anjou, trouvant Condé affis auprès
d’un buifton avec ceux qui l’avoient pris, demanda
quel étoit ce prifonnier , & que l’ayant reconnu,
ou bien ayant appris que c’étoit le prince de Condé,
il s’écria : tue%, tue^ , morbleu, & lui cafta la tête
d ’un coup de piftolet. On ignore quel motif excita
la fureur de Montefquiou contre-le prince de
Condé ; l’hiftoire ne parle d’aucune querelle per-.
fonnelle entr’eux qui puifte rendre raifon1 d’une
telle violence ; Montefquiou étoit capitaine des
gardes du duc d’Anjou , & fortoit d’auprès de lu i,
lo.rfqu’il commit ce meurtre', ce qui a fait croire
qu’il avoit un ordre fecret du duc, & d’après ces
circonftances & la haine connue du duc d’Anjou
pour le prince de Condè, cette conje&ure eft très-,
vraifemblable.
On n’entendit ni le r o i , ni -le duc d’Anjou , ni la
reine mère approuver ni blâmer Pa&ion de Montefquiou.
Le corps du prince de Condè fut porté
à Jarnac fur une âne,fie'. Fut-ce par dérifion ? fut-ce
par hafard ? Le duc d’Anjou le fouffrit, c’eft tout
ce qu’on fait.
On fit au prince de Condè cette efpece d’épitaphe
, qui ne paroît êtrenid’un ami, ni d’un ennemi,
çhofe étonnante, dans ce tem.ps-là.
L’an mil cinq cent foixante-neuf,
Entre Jarnac & Château-Neuf,
Fut porté defluy une ânefle
Cil qui vouloir ôter la meiïe. . ,
Les mémoires de Condé font un recueil précieux
de pièces concernant les àft aires où ce prince'à eu
part.
Hifoire. Tome I /. Première paru
Le fécond prince de Condé, Henri I , fuccédoit
à fon père fous la direéHqn de l’amiral de Coligny.
La perfide paix de Saitit-Germain-ên-Laye , que
Charles IX appelloit fa paix , & qu’on appelloit
dans le public la paix boiteufe & mal-ajjife, parce
qu’elle, avoit été négociée de la part du roi* par
Biron, quiétoitboiteux, 6c par de Mêmes,qui étok
feigneur de Malafiîfe, attira le prince de Condé 6c
le jeune roi de 'Navarre à la cour. Ils y étoient
dans le temps de la Saint-Barthelemi. Charles IX
exigea qu’ils abjuraftent : lés trots mots auxquels il
réduifit fes ordres 6c fes menaces furent : rneffe,
mort ou. bajlilie. La réponfe du prince de Condé
fut : j'exclus la meffe, choijîffeç vous-même des deux
autres. ,
En 1573, le duc d’Anjou mena le roi de Navarre
8c le pçince de Condè au fiège de la Rochelle ,
boulevard de la réforme 6c berceau de ces princes
: on les obfervoit de près , 8c leur valeur étoit
connue ; il fallut même qu’ils fe furpaftaffent pour
affoiblir les foupçons.
Eh 1574, le prince de Condé s’enfuit en Allemagne
, 8c va demander du fecours pour fon parti
aux princes proteftans. Il ramène de ce pays une
armée' de vingt mille hommes, qui obtient de grands
avantages pour les réformés de France ; mais de
ces avantages même naquit la ligue.
Dans toutes les guerres civiles qui fuivirent
! le prince de Condé fignala toujours le même zèle
pour la caufe proteftante, 8c procura toujours à
fon parti des fécours étrangers qu’il alloit chercher
lui-même en Angleterre, dans les Pays-Bas , en
Allemagne , en Suifle, à Genève; & comme il
alloit fans fuite 8c déguifé, il fut dépouillé par.des
voleurs, au paftage' des montagnes ; niais il rèuffit.
Il infefta la France de troupes étrangères, fur-tout
de- ceite redoutable- càyalèrie des Reîtres, que le
duc de Guife eut la gloire de vaincre, 8c dont le
nom , qui eft celui de l’expérience 8c de l’habileté, 1 eft refté parmi nous'comme un monument delà
* terreur qu’ils infpiroient à- nos ancêtres, 8c du
mal qu’ils ont'fait en France.. .
Le prince de Condé eft toujours, uni au roi de
Navarre Henri dans toutes leurs expéditions militaires
contre^la ligue, dans les opérations de la
ligue contre eux , dans les négociations refpeâi-
ves , dans la fameufe bulle d’excommunication
lancée par Sixte-Quint, où ces deux princes font
appellés génération bâtarde & dite (labié de L’ illtiftre
tnaifon de Bourbon , 8c comme hérétiques 8c relaps,
font' privés de tout droit 8c fucceftion à la couronne
de France, 8c à toute autre. Un démenti
avec un appel au futur concile, affiché aux portes
du Vatican, fut la réponfe des princes à cette in-
folence. Sixte, qui avoit l’ame éle vé e , eftima
cette hardielfe , 8c conçut dès-lors une haute opinion
des princes.
En 158 8 , le parti huguenot perdit un folide
appui par la mort du prince de Condé, entre Us
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