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d'avoir aimé le bon v in , par les éloges qu’il lui
donne :
L a u d ib u s a rg u itu r v în t v in o fu s H om e r u s '•
Il ajoute comme un exemple encore plus fort :
E n n iu s ip fe p a t e r , n u n q u am n t f i p o t u s , a d a rm a
P r o f i lu .i t d ic e n d a .
Le mot de Virgile fur Ennius,
E n n l d e J le r co r e g em m a s .
Je tire des perles du fumier d*Ennius eft paffé en
proverbe; & en donnant une idée peu avantageufe
des vers d’Ennius, il prouve cependant que Virgile
ne dédaigna pas de l’embellir, ce qui fuppofe
quelque mérite dans l’auteur embelli. Horace paroît
même, malgré ce que nous venons d e v o ir , être
perfuadé que lq$ vers d’Ennius ont autant fervi à la gloire de Scipion , fon ami » que les exploits
même de ce grand homme, ce qui n’eft pas un
petit éloge du poëte:
N o n ce le re s fu g c e
R e je â c e q u e re tror sùm A n n i b a l i s m in c eM
N o n in c e n d ia C a r th a g in i s im p .c e ,
E j u s q u i d om itâ n om en a b A f r i c a
L u c r a tu s r e d i i t , c la r ià s in d ic a n t
L a u d e s , q u àm C alabr ce P ié r id e s .
C ’eft Quintilien qui a parlé le plus noblement
à1 Ennius; fa phrafe fur ce vieux poète eft fuperbe,
& renferme la plus belle comparaifon : «Adorons
Ennius y dit-il, comme ces bois que leur antiquité
« a rendus facrés, & où de grands & vieux chênes
»> maltraités par le temps , infpirent plutôt à l’ame
» un refped religieux, qu’ils n’offrent aux yeux
» un beau fpe&acle. »
Ennium ficut facros vetujlate lucos ado remus y in
quibusgrandia 6* antiqua robora jam non tantam habent
fv iem , quantum religionem.
Cicéron l’agrandit encore davantage à nos yeux,
lorfqu’il le repréfente portant non-feulement avec
confiance, mais avec gaieté, le double fardeau de la
vieilleffe & de la pauvreté, & paroiffant en jouir
comme de deux avantages:
Jta ferebat duo , quce maxima putantur onera, pau-
pertatem & JeneElutem , ut eis penè dele&ari videretur,
Ennius étoit né l’an <{iy de Rome ; il étoitde
la Calabre, & c’eft ce qu’indique le mot d’Horace,
quàm. Calabrcz Piérides. Sesprincipaux ouvrages dont
nous n’avons que desfragmens, font les annales
de Rome en vers héroïques, & le poème où il
célébroit les vidoires du premier Scipion, fi ce
poème ne faifoit point parti du premier ouvrage,
H i c y e ftrum p a n x i t m a x im a f a d a p a t r um ,
dit fon épitaphe, rapportée par Crcéron. Ceft
Ennius qui rapporte cette réponfe équivoque rendue
E n o
à Pyrrhus par l’oracle de Delphes, qu’il confultoit
fur fon expédition contre les Romains :
Aïo te y Æneida, Romanos vincere pojfe,
C ’efi lui qui a donné à Fabius Maximus cet
éloge mérité :
Unus homo nobis cunctando reftituit rem•
Il mourut au moins feptuagênaire ( l ’an 585 de
Rome. )
ENNODIUS , (M arcus ou Magnus Fé l ix )
{Hifl. Ijtt.mod.') évêque dePavie , François d’origine
, vivoit dans le cinquième & le fixiéme fiècles.
Le P. Sirmonda donné en 1612 une bonne édition
de fes oeuvres ; elles font moitié théologiques,
moitié poétiques & oratoires.
ENOCH (#//?. fie r .) ou Henoch : Il y en a
deux dans la Genèle, l’un fils de Caïn * & Caïn
bâtit une ville de fon nom , Gen. c 4 ; l’autre, fils
de Jared & père de Mathufalem ; cet Enoch
vécut fur la terre trois cents foixante - cinq ans«.
» I l marcha avec Dieu , & il ne parut plus , parce
y> que Dieu l*enleva n. Gen. ch. 5.
ENOS ( Hift.facr. 8j fils de Seth, père de Caïnan,
vécut neuf cents cinq ans, Gen. chap. 5.
ENÏRAGUES. ( d’ ) Voyei Balsac & Bas.-
SOMPIERRE.
ENTREE, {Hifi. mod.) réception folemnelle
qu’on fait aux rois & aux reines lorfqu’ils entrent
la première fois dans les villes, ou qu’ils viennent
triomphans de quelque grande expédition.
Ces fortes de cérémonies varient fuivant le
temps, les lieux & les nations ; mais elles font
toujours un monument des ufages des différens
peuples » & de la diverfité de ces ufages dans
une même nation, lefquels font communément
un excellent tableau de eara&ère : c’étoir,. par
exemple, un fpe&acle fingulier que l’appareil de
décorations profanes & de mafearades de dévotion,
qui fe voyoit en France aux entrées des rois &
des reines, dans le X V e fiècle. L’auteur des
EJfais fur Paris en donne une efquiffe tirée d’après
l’hifioire , qu’il fufiîra de rapporter pour exemple :
il feroit trop long de tranferire ici , même par
extrait, ce que j’ai recueilli fur cette matière avant
& depuis Charles V IL
Comme les rois & les reines ( dit l’auteur dont
je viens de parler ) faifoient leurs entrées par la
porte Saint-Denis, on tapiffoit toutes les rues fur
leur paffage, & on les couvroit eh haut avec des
étoffes de foie & des draps camelotés ; des jets-
d’eaux de fenteur parfosnoient l’l i r , le lait &. le
vin couloient de plufieurs fontaines. Les députés
des fix corpj de marchands portoient le dais. Les
« E N T
corps de métiers fuivoient à cheval, repréfentant j
en habits de caraftère les fept péchés mortels, les
fept vertus, fo i, efpérance , charité, juftice,
prudence, force & tempérance , la mort , le
purgatoire, l’enfer | & le paradis.
Il y avoit de diftance en difiance des théâtres
où des adeurs pantomimes, mêlés avec des choeurs
de mufique, repréfentoient des hiftoires de l’ancien
& du nouveau Teftatnent, le facrifice d’Abraham,
le combat de David contre Goliath, l’aneffe de
Balaam prenant la parole pour la porter à ce
prophète, des bergers avec leurs troupeaux dans
lin bocage , à qui l’ange annonçoit la naiffance
de Notre-Seigneur , & qui chantoient \z G lo r ia in
e x c e lf i s D e o , &c. & pour lors le cri de joie étoit
N o ë l y N o ë l.
A Ventrée de Louis XI , en 14 6 1, on imagina
un nouveau fpe&acle : d e v a n t l a fo n ta in e d u P o n c e a u ,
dit Malingre,p a g . 2 7 8 d e f e s A n t iq u i t é s & a n n a le s
d e P a r i s , (ouvrage plus paffable que ceux qu’il a
publiés depuis ) é to ien t p lu f ie u r s b e lle s f i l l e s en J y rênes
to u te s n u e s , le jq u e lle s en f i i f a n i v o i r leu r b ea u f e i n ,
ch a n to ie n t d e s p e t it s motets de b e rg e r e tte s , f o r t d o u x
6* cha rm an s.
Il paroît qu’à Ventrée de la reine Anne de Bretagne
, on pouffa l’attention jufqu’à placer, de
diftance en diftance, de petites troupes de dix ou
douze perfonnes , avec des pots de chambre pour
les dames & demoifelles du cortège qui en auroient
befoin.
Ajoutez fur-tout à ces détails la defeription
curieufe que le P. Daniel a donnée, dans fon
Hiftoire de France, de Ventrée de Charles V I I , &
vous conviendrez, en raffemblant tous les faits,
que quoique ces fortes de rèjouiffances ne foient
plus du goût , de la politeffe, & des moeurs de
notre fiècle*, cependant elles nous prouvent en
général deux chofes qui fubfiftent toujours les
mêmes 5 je veux dire i° . la pafiion du peuple
François pour les fpeâacles quels qu’ils foient;
2°. fon amour & fon attachement inviolables pour
nos rois & pour nos reines.
Je ne parle pas ici des cérémonies d'entrées de
princes étrangers, légats, ambaffadeurs, miniftres,
& c . ce n’eft qu’une vaine étiquette de cérémonial
dont toutes les cours paroiffent laffes, & qui
finira quand la principale de l’Europe jugera de
fon intérêt de montrer l’exemple. A r t i c le d e M . le
c h e v a lie r d e J a v c q u r t .
ENTRE-METS, f. m. ( H i f i . m o d . ) L e mot
en tr e -m e ts s’eft dit pendant long-temps au lieu de
celui’ & intermède y dans nos pièces de théâtre ;
entre-m ets de la tragédie de Sophonisbe dans les
oeuvres de Baïf ; il fignifioit une efpèce de fpec-
tacle inue't, accompagné de machines ; une repré-
fentation comme théâtrale , où l’on voyoit des hom-
. mes & des bêtes exprimer une aétion ; quelquefois
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des bateleurs & autres gens de cette efpèce y faifoient
leurs tours.
Ces divertiffemens avoient été imaginés pour
occuper les convives dans l’intervalle des fervices
d’un grand feftin, dans l’entre-deux d’un mets ou
fervice à un autre mets ; d’où le mot entre-mets
a paffé dans nos tables pour défigner Amplement
le fervice particulier qui eft entre le rôti & le
fru it, & les divertiffemens fe font évanouis.
m Ces divertiffemens anciens, qui méritoient bien
mieux le nom d'en tr e-m ets que le fervice de nos
tables honoré aujourd’hui de cette qualification,
étoient des fpeâacles fort finguliers qu’tti donnoit
du temps dé î’ancienne chevalerie, le jour d’un
banquet, pour rendre la fête plus magnifique &
plus folemnelle. Il faut lire tout ce qui concerne
ces fêtes dans V h ifio ir e d e la c h e v a le r ie de M. de
Sainte-Palaye ; il en parle avec autant de connoif-
fances que s’il eût vécu dans ces temps là , & qu’il
eût écrit fpn ouvrage en afliftant aux banquets des
preux-chevaliers.
On voyoit paroître dans la falle diverfes décorations,
des machines, des figures d’hommes &
d’animaux extraordinaires , des arbres, des montagnes
, des rivières, une mer,, des vaiffeaux ;
tous ces objets entre-mêlés de perfonnages,
d’oifeaux, & d’autres animaux vivans , étoient
en mouvement dans la falle ou fur la table, &
repréfentoient des aâions relatives à des entreprises
de guerre & de chevalerie, fur-tout à celles
des croifàdes.
Il eft vraifemblable que l’ufage des en tr e -m e ts
dans les banquets s’étoit introduit avant le règne
de faint Louis : aufli furent-ils employés aux noces
de fon frère Robert comte d’Artois à Compïègne
en 1237. Une chronique manuferitede S. Germain
fait une ample defeription des en tr e -m e ts qui fè
virent au feftin que Charles V donna , en 1378,
au roi des Romains, fils de l’empereur Charles
de Luxembourg, que fesindifpofitionsempêchèrent
de s’y trouver. Mais rien n’eft plus curieux que
le détail que Matthieu de Couci & Olivier de
la Marche nous ont laiffé de la fête donnée à
Lille en 1453 ,par Philippe-le-bon, duc de Bourgogne,
à toute fa cour & à toute la nobleffe de
fes états, pour la croifade contre les Turcs qui
venoîent d’achever la conquête de l’empire d’Orient
par la prife de Conftantinople. Je pourrois citer un
grand nombre d’autres représentations femblables^
qui furent long-temps à la mode dan« nos cours j
mais ces citations {croient inutiles après les exemples
que nous venons de rapporter*
On vit encore les reftes de cette ancienne magnificence
au mariage du prince de Navarre, en i%72 *
avec l'a foeur du roi ; de même qu’à la fuite d’un
autre feftin, que la reine donna J’année fuivante
au duc d’A njou,roi de Pologne. Le goût de ces
plaifirs s’eft confervé à Florence jufqu’en ifiooj.
fuiyant la defeription du banquet donné dans cettç