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EMIR, f. m. ( hhfl. mod. ) titre Je dignité,
ou qualité chez les Turcs ou Sarrafins, qu’on
donne à ceux qui font parens ou defcendus du
grand prophète Mahomet.
Ce mot eft arabe, & dans cette langue il fignifie
prince ; il eft formé de amar, qui en originairement
hébreu , & qui dans les deux langues fignifie
dire & commander,
Les émirs font en grande vénération, & ont
feuls le droit de porter un turban verd. Il y a
fur les côtes de la Terre-fainte , des droits qui font
des princes fouverains, comme Vémir de Gaza-,
Vernir de Térabée, furTefquels le grand-feigneur
n’a que peu d’autorité.
Ce titre ne fe donnoit d’abord qu’aux califes.
On les appelloit auffi en Perfe émirs^adeh, fils du
prince ; & par abbréviation démir on fit mir9 &
démir %adeh mir^a. Dans la fuite, les califes ayant
pris lé’ titre de fultans, celui d'émir demeura à
leurs enfans , comme celui de céfar chez les
Romains. Ce titre d'émir, par fucceffion de temps,
a été donné à tous ceux qui font cenfés defcendre
de Mahomet par fa fille Fatima qui portent
le turban verd.
, Ces émirs étoient autrefois uniquement deftinés
au miniftère de la religion , & l’état leur payoit
une penfion annuelle ; aujourd’hui on les voit
» répandus dans tous les emplois de l’empire ; aucun
magiftrat, par refpeél pour le fane' de Mahomet,
n’oferoit les punir. Ce privilège eft réfervé à Vémir
bachi leur chef, qui a fous lui des officiers & des
fergens, avec pouvoir de vie & de mort fur ceux ,
qui lui font fournis ; mais, pour l’honneur du corps,
il ne fait jamais punir les coupables, ni exécuter les
criminels en public. Leur defcendance de la fille
de Mahomet eft une chofe fi incertaine, que la
plupart des Turcs même ne font pas fort crédules
fur cet article, & battent fouvent les vénérables
enfans du prophète, en prenant toutefois la précaution
de leur ôter le .turban v e rd , & de le
pofer à terre avant que de les frapper ; mais un
chrétien quj les àuroit maltraités'feroit brûlé vif.
Emir eft auffi un titre, qui, joint à quelque autre
m o t, défigne fouvent quelque charge ou emploi,
comme' émir al ornera , le commandant des commandons.
C ’étoit du temps des califes le chef de
leurs confeils & de leurs armées.
Les Turcs donnent auffi ce nom à tous les vifirs
ou bachas des provinces ajoutez à cela que Vémir
akhpr , vulgairement imrahor, .eft grand-écyyer du
du grand-feigneur.
L'émir alem , vulgairement miralem, porte- en-
feigne de i’empire , eft directeur de tous les inten-
dans, & fait porter devant lui une cornette mi-
partie de blanc & de verd.
Emir ha^ar, eft le prévôt qui a l’intendance fur
les marchés, qui règle le prix des denrées. ■
y émir hadsei prince pu conducteur des pèlerins
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de la Mecque, eft ordinairement bacha de Jéru-
falem.
Emir al mofiemin ou émir al moumenin, c ’eft-à-
dire le commandant des fidèles ou des croyans,
c’eft un titre qu’ont pris les Almoravides & les
Almohades qui ont régné en Afrique & en Efpagne.
Diftion. de Trév. & Chambers. (G . )
EMISSAIRE, f. m. (Hiß. mod. ) perfonne de
confiance , adroite & capable, qu’on envoie lourdement
pour fonder les fentimens ou les deffeins
d’autrui, ou lui faire quelque propofition ou ouverture,
ferner des bruits, épier les aélions & la
contenance d’un ennemi, d’un parti contraire,
pour tirer avantage de tout cela.
Ce mot eft formé du latin è fk mitto , qui fignifie
Renvoie dehors.
Les chefs de partis ont plufieurs émiffaires qui
s’emploient pour leurs intérêts, qui leur rapportent
tout ce qui fe paffe dans le monde, pour prendre
. là-deffus leurs mefures ; en conféquence , on dit
que le pape & le prétendant ont leurs émiffaires
en Angleterre. DiElionn. de Trév. & Chambers. (G)
EMPALEMENT, (Hiß.) fupplice affreux qui eft
d’ufage en Turquie. L’empalement s’exécute en fai-
i fant entrer une broche de bois par le fondement,
& la faifant fortir par-deffous l’aiffelle.
Pour empaler un malheureux, on le couche
ventre à terre , les mains liées derrière le dos ;
on lui endoffe le bât d’un âne fur lequel s’affied
un valet de bourreau ^ afin de le bien affujettir|
tandis qu’un.autre lui tient le vifage contre terre,
avec les deux mains qu’il lui appuie fortement
-fur le col ; un troifième lui fend le derrière de
la culotte avec des cifeaux, Ôc lui enfonce un pal9
c’eft-à-dire une efpèce de pieu , dans le fondement;
ce pieu eft une broche de bois qu’il fait avancer
avec les mains autant qu’il peut ; enfuite (un
quatrième bourreau chaffe cette, broche avec un
maillet, jufqu’à ce qu’elle forte par .la poitrine,
ou fous l’aiffelle : enfin on plante la broche toute
droite.
C’eft ainfi qu’on traite les Caïns ou Grecs révob
tés qui ont commis quelque meurtre en Turquie ,
& qu’on prend fur le fait ; après le fupplice, fi
ces malheureux vivent encore, la populace les
infulte, bien loin de les exhorter à fe faire Muful-
mans. Les Turcs font fi perfuadés qu’un homme
qui a commis un grand crime, eft indigne d’être
Mufulman, que lôrfqu’un Mufulman eft condamné
à mourir, perfonne nel’affifte, parce qu’ils croient
que fon feuL crime l’a rendu jaour, ç’eft-à dire
infidèle & chrétien.
Voilà des fait? rapportés par M. deTournefort;
ils entraîneroient bien des réflexions fur un peuple
chez qui règne un fupplice auffi cruel que Vempar-
lement, & chez lequel il n’excite aucuns pitié ;
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findis que ce même peuple nourrît êîl favêuf
d’une fauffe religion , une idée fi noble & fi
grande, qu’il femble qu’il n’y auroit qu’une religion
divine qui dût l’infpirer à fes feélateurs.
A r t i c le d e M . le ch e v a lie r d e J a u c o u r t .
EMMIUS, (U b b o ) ( H i ß . l i t t , m o d . ) profef-
feur en hiftoire & en langue grecque à Gronin-
gue , auteur des ouvrages fuivans : V ê tu s g ra c ia
i llu ß r a ta ; Chrono logia rerum roma narum-, cum f e r ie
c o n fu lum . D é c a d e s rerum F r if ica rum . Il étoit né
dans la Frife en 1 547 ; il mourut à Groniflgue
en 1625.
EMPEDOCLE, ( H i f l . a n c . ) philofophe pythagoricien
, natif d’Agrigente en Sicile, étoit en même
temps poète, hiftorien, médecin, théologien inftruit
dans l’école des prêtres égyptiens : il étoit même
magicien, fi l’on veut. Diogène Laërce a écrit
fa vie parmi celles des philofophes ; une multitude
d’autres auteurs, tant anciens que modernes, en ont
parlé ; il eft célèbre, mais il eft peu connu : deux
grands poètes e n . ont jugé bien diverfement.
Lucrèce repréfente E m p éd o c le comme un fage
élevé en quelque forte au-deffus de l’humanité,
& qui faifoit plus d’honneur à la Sicile que
tout ce qu’elle renferme d’ailleurs d’admirable.
Quorum. A c ra g a n tin u s cum p r im is Empedocles eft ,
I r f u la quem T riq u e tris terrarum geftît in oris,
Tl décrit & la mer qui baigne de tous côtés
là Sicile, & le gouffre de Charybde & les feux
de l’Etna, & toutes les autres merveilles de cette
même Sicile, puis il ajoute-:-
Quce cum magna modis m u ltis m iran da videtur
Ge ntibus h umanis re g io , vifendaque fe i t u r ,
R ebu s op ima b o n is , m u ltâ m u n ita y irûm v i ,
N i l tarnen hoc habuijfe v iro p ra c la r iu s in fe
N e c fan c lum magis , & mirum carumque videtur.
C a rm in a q u in e tiam d iv in i pectoris-ejus
V o c ife ra n tu r , & e xponunt p rceclara reperta ,
U t v ix humanâ y ide a tu r ftirp e creatus.
Horace peint au contraire Empédocle comme
un fon, qui, afin de paffer pour un-dieu, en
difparoiffant aux regards des hommes, fe précipite
dans les flammes de l’Etna.
- D ic a m j ficu liq u e pactes
N a rra b o interitum : D e u s im m o rta lis haberi
D um cu p it Empedocles , ardentem fr ig id u s Æ tn am
in f i iu it
Mais il fut trahi, dit-on, par fon foutierque l’Etna
revomit & qui fut trouvé près d’une des ouvertures
de ce volcan ; ce foulier étoit d’airain. Cette
hiftoire ou .cette fable de la mort d’Empédocle
confumé dans l’Etna, eft fort révoquée en doute.
Timée affure qu’Empédocle mourut de fa mort
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' naturelle dans le Péloponèfe. Néanthes de Cyzique
rapporte qu’Empédocle étant en voyage tomba
de fon chariot, fe caffa la cuiffe & en mourut;
d’autres difent qu’il tomba dans la mer & fe n o y a ,
d’autres enfin qu’il fe pendit. A la vérité, le plus
grand nombre des auteurs répète l’aventure de
l’Etna qu’Horace a cru devoir adopter; mais il eft
. remarquable que Lucrèce , qui d’un côté fait l’éloge
d'Empédocle, Jèc qui de l’autre s’arrête à décrire
l’Etna comme une des merveilles de la Sicile, ne
. dife rien de cette aventure de l’E tna, ni pour
l’adopter, ni pour la rejeter.
M. Bonamy, de l’académie des inferiptions &
belles-lettres, qui, dans des recherches fur la vie
d’Empédocle, inférées dans le dixième volutfie des
mémoires de littérature , pages 54 & fuivantes, a
raffemblé & difeuté tout ce qui, a été dit fur
Empédocle, convient que s'il faîloit juger de la
réalité ou de la fauffeté de l’aventure de l’E tna,
par le nombre des auteurs qui l’ont rapportée , on
ne pourroit fe difpenfer de l’adopter ; il convient
encore que le motif d’orgueil qu’on donne à cette
aélion étoit affez dans le caractère d'Empédocle, de
l’aveu même de ceux qui n’adoptent point ce récit:
il ne l’adopte pas non plus , parce que, toute dif-
euffion faite, il le trouve fan? vraisemblance, &
fur-tout fans certitude, même fans analogie avec
les moeurs générales des Pythagoriciens & les
moeurs particulières d’Empédocle ; car l’orgueil, tel
qu’il entre dans l’ame d’un philofophe, nefuffitpas
pour rendre raifon d’une telle folie.
M. Bonamy réduit auffi à fa jufte valeur la
prétendue magie d’Empédocle & les preuves qu’on
en rapporte ; voici les principales :
Les vents étéfiens foufflant avec violence &
nuifant aux biens de la terre, Empédocle commanda
aux vents, & les fit ceffer en les enfermant dans
des outres; il en eut même un furnom quiexpri-
moit cet empire qu’il avoit exercé fur le vent ;
c’eft à peu près ce que rapportent l’hiftorien Timée
& Diogène Laërce ; mais Plutarque, Clément
d’Alexandrie & Suidas expliquent la chofe plus
fimplement, en difant qu’il fit boucher des crevaffes
qui s’étoient faites à une montagne & d’oû s’exha-
loient des vapeurs infeâes que le vent du Midi
pouffoit vers le territoire d’Agrigente ; ces ouvertures
fermées, l’inconvénient ceffa..
Il avoit délivré Sélinunte de la pefte qui faifoit
mourir les Sélinuntiens, & qui empêchoit leurs
femmes d’acçoucher.
Cette pefte étoit caufée par la puanteur des eaux
d’un fleuve qui avoit trop pende pente & d’écoulement.
Empédocle introduifit à fes frais dans ce
fleuve deux petites rivières plus rapides qui en
entraînèrent & en purifièrent les eaux, & la pefte
ceffa ; mais le peuple craint ceux qui le fervent,
& il accufe de magie tous ceux que leurs lumières
J mettent en état de faire du bien ; car il leur
1 fuppofe la même puiffance de faire du mal, &