
de ^Lunden en Scanie, détenu prifonnier par
celui de Bremen. Le faint-père lui demandoit
cette grâce en reconnoiflance de ce qu’il lui
a voit conféré la couronne impériale qui était un
bénéfice du faint-ficge. L’empereur renvoya ces
légats, qui manquèrent d’être tués lur la place,
pour avoir fou tenu■ , conformément aux expref-
iions du pape , que l ’empereur étoit redevable de
fa couronne au faint-fiège. Adrien, fuivant la
politique de la cour de Rome , de céder lorfqu’e lie
rencontroit trop d’obfiacles, renvoya d’autres
lettres 8c d’autres légats, s’excufant fur ce que'
par le mot bénéfice, il avoit entendu un fimple
bienfait, dont on ne pouvoit tirer aucune confé-
quence : il reconnoifloit l’indépendance de l’Empire.
Frédéric reçut cette fatisfa&ion ; mais il
força le pape à fupprimer le .tableau injurieux
repréfentant le facre de Lothaire I I , & fit fes
préparatifs pour palier une fécondé fois en Italie,
afin d’y affermir de plus en plus fa domination.
Les Polonois menaçoient de brouiller : il leur
oppofa le duc de Bohême; & pour le l’attacher,
il lut donna le titre de roi, fans cependant ériger
la Bohême en royaume. La qualité de roi que
conféroient les empereurs étoit perfonnelle, &
se pafloit pas aux héritiers : c’efi de-là que l’on voit
dans'les c mmencemens, tantôt des ducs, tantôt
dès rois en Pologne, en Hongrie 8c en Bohême.
Arrivé en Lombardie , Frédéric fournit plufieurs
villes, comme Milan, qu’il avoit menacée dans
fon premier voyage , & s’appliqua à la recherche
de fie s revenus :.on prétend qu’ils montoient à
dix-huit millions d’Allemagne , font me prodi-
gieufe pour ces temps, où l’on taifoit beaucoup
avec peu d’argent. 11 fit de nouvelles loix, &
décerna des peines contre quiconque oferoit les
enfreindre ; une ville étoit condamnée à cent
marcs d’o r ; un marquis à cinquante; un comte
à quarante : cette progrelfion montre que le comte
étoit au-défions du. marquis. Frédéric changea la
formule du ferment, qui permettoit aux arrière-
.vafiaux de s’armer contre l’empereur, en faveur
des vafiaux dire&s. Les Pifans 8c les Génois,
maîtres de la Sardaigne & de la Corfe, furent
Contraints de lui payer mille marcs d’argent, par
forme d’amende. Tant de fermeté affeftoit fen fix e ment
Adrien : ce pape voyoit dans Frédéric plufieurs
Charlemagne 8c plufieurs Othon r il fongea à
mettre des bornes à cette excelfive puiflance qui
menaçoit d’engloutir la fienne. Le pontife fui vit
la route que plufieurs de fes prédéceffeurs lui
avoient traçée, & pour mieux réuflir dans le
temporel, il l’attaque fur le fpirituel. Il fe plaint
de çe qu’il exige le ferment de fidélité de la part
des évêques : l’empereur juftifia cet ufage par un
argument fans répliqué , 8c mit Milan au ban
impérial pour avoir pris le parti d’Adrien, qui
réclama aufîi-tôt les biens de la comtefie Mathilde.
Ce pape allait lancer les foudres de l’é-
gliifp, loifque la mort le furprit. Les cardinaux,
partagés, élurent deux papes ,, Alexandre III 8c
Viétor IV. Frédéric s’apprête à profiter de cette
double éleéhon qui divife fes ennemis : il protèg®
Vi&ofi contre Alexandre, qu’il favoit lui êt'r®
contraire. Il convoqua un concile, où ces deux
prétendans furent fommés de Je rendre. A lex an dre
, ayant refufé d’obéir, fut déclaré déchu du
pontificat ; & l’éledion de Viélor fut confirmé®
comme ayant été faite conformément aux canons»
Alexandre, rejetant l’autorité de ce concile,
excommunie Frédéric '8c Vi&or, bien sûr d’être
fécondé par tous les princes de la chrétienté,
qui voyoi nt avec inquiétude !es prétentions de
Frédéric qui afpiroit à la monarchie univerfelle.
Dans une diète tenue à Boulogne , il avoit fait
décider par quatre do£leurs-que les droits de fa
couronne s’érendoient fur toutes les nations de la
terre. L’empereur g rec, les rois de Sicile, de
France, d’Angleterre, la république de Venife,
fe déclarèrent contre l’éleâion de Viâor-r alors
Alexandre III fort de fa retraite ; il fouffle l’efprit
de révolte dans toiuès les villes d’Italie, toujours
difpofées à fecouer le joug, & pafle à la cour de
France. L’empereur, pour conjurer l’orage, entre
auflï -toc en Lombardie, où rien ne lui réfifie:
dans deux campagnes il prend Milan., qu’il détruit
de fond en comble, 8c en difperfe les habita
ns , auxquels par grâce il accorde la vie ; Breffe
& Plaifai tee furent démantelées :les autres villes,
épouvantées par ces exemples, donnent des otages
pour gage de leur foumiffion : Rome eft forcée de
recevoir Pafcal I I I , qu’il nomme pour fuccéder
à Viftor IV. Mais une pefte, qui fit périr fon
armée, arrêta le cours de fes fuccès, & l’expofa
à la merci des Italiens qui cefsèrent d’être obéifi*
fans dès qu’il cefla d’être redoutable. Une défaite
ajouta à cette calamité. Les pratiques feçrètes
de Henri-le-Lion, 8c, fuivant Heiff, la captivité
d’Othon fon fils , que les Vénitiens retenoient
prifonnier, après l’avoir défait dans un combat
naval, lui infpirèrent des fendra eus pacifiques.
Mais trop fier pour conclure dans un temps ou
fes ennemis pouvoient fe prévaloir de fon état ,
il raffembla toutes fes forces, & offrit à fes en-,
nemis la paix f lt s lauriers à la main. Alexandre
qu’il confentpjt à reconnoître pour pape, travailla
de tout fon pouvoir à rétablir le calme dans
l’Eglife 8c dans l’Empire. Venife fut choifie pour
tenir le congrès Frédéric & Alexandre s’y rendirent.
Les hifioriens* varient fpr les particularités
de leur entrevue : les uns prétendent qu’ils
fe dirent des injures refpeélives ; mais d’stitres
que nous fuivonsi d’après les meilleurs critiques,
ne font nullement mention que les bienféances
aient été violées. L’empereur rendit au pape tous
les honneurs qu’il avoit rendus à Adrien IV : il
lui baifa les pieds, lui tint l’étrier, fuivant l’ufage
introduit par Lothaire IL Ces cérémonies étoient
humiliantes, à la vérité ; mais la fuperftition du
peuple les faifoit regarder copifne indifpepfgbies*
La paix fut jurée fur l’évangile, 8c Frédéric promit
de n’attaquer de fix ans aucune ville d’Italie.
Il tint parole : la trêve expirée, il leur accorda
une paix perpétuelle, dans une diète tenue à
Confiance. Ses droits y furent réglés : 8c chaque
ville confentit à être gouvernée par des vicaires
ou des comtes, à la nomination de la cour.
L’empereur leur accorda le droit d’entretenir
des troupes, des fortifications, & des tribunaux
pour juger en dernier refîort, jufqw’à la concurrence
de cinquante marcs d’argent. Des députés
de Venife fignèrent ce traité; mais on ne fait
fi c’étoit pour elle-même ou pour les terres
qu’elle avoit dans le continent; peut-être aufïi
étoit-ce comme médiatrice entre le pape 8c l’empereur
; fa puiflance 8c fa fagefle auîorifent ce
doute. Frédéric profita de cette paix pour aflùrer
la couronne à Henri, fon fils aîné : il lui donna
le titre de roi des Romains, qui fe donnoit aux
fùccefleurs défignés, 8c le conduifit à Rome pour
le faire facrer. Lucé III fe refufa à cette cérémonie
, exigeant de l’empereur qu’il rétablît dans
tous fes droits Henri-le-Lion, auquel on n’avoit
laiffé de fes biens immenfes que les villes de
Brunfwick 8c de Lunebourg. Luce III réclamoit
encore la fucceffion de Mathilde, 8c vouloit que
l’empereur renonçât au droit de main-morte ;
que l’on refiituât à l’églife les dîmes inféodées;
& qu’enfin on exemptât le clergé de toute charge
féodale. Le pape fe difpofoit à l’excommunier 8c
à délier fes fujets du ferment de fidélité, lorfque
la mort le furprit. Urbain III s’apprêtoit à fuivre
le chemin qu’il lui avoit tracé ; mais la perte de
Jérufalem , que Saladin , le héros de fon â g e ,
venoit d’enlever aux chrétiens, changea les fenti-
mens. La nouvelle de cette perte tourna toutes
les psnfées du pape vers l’Afie , 8c le força
de ménager l’empereur : il lui perfuada qu’il ne
pouvoit employer plus glorieufement la fin de
ion règne qu’à reprendre la ville fainte. On le
regardoit comme le plus capable de tous les
princes de la chétienté, d’arrêter les progrès de
Saladin qui , après avoir conquis A c re , Damas ,
Alep 8c Jérufalem, deftinoit à fon triomphe le
roi Lufignan, Ion captif. Frédéric, ayant reçu la
croix des mains des légats, fit publier une paix
générale dans l’Empire, 8c mit au ban quiconque
oferoit la troubler. Il partit pour l’Afie avec line
armée de cent cinquante mille hommes: comme il
doutoit de fon retour, il partagea fa fucceffion entre
fes enfans, réfervant l’Empire à Henri fon aîné,
déjà roi des Romains. Frédéric dirigea fa route
vers l’orient, 8c furmonta tous les obftacles que
lui oppofa l’empereur grec (jlfaac l’Ange ) , qui le
regardoit comme un prince armé pour lui ravir
fon trône. Arrivé fur les bords de l’Hellefpont,
il chafle les Turcs qui prétendent lui en difputer
le pafï'age ; bat fous les murs d’Icone le plus
puiflant foudan du pays , 8c entre dans la Cilicie, 1
où il meurt pour s’être baigné dans le Cidnus, de [
la maladie qui, quinze fiècles auparavant, avoit
prefque coûté, la vie à Alexandre, prince qui,
avec une foible partie de la Grèce , avoit conquis
le plus grand empire du monde, dans un
pays où l’Europe conjurée ne put conferver une
feule provincer
Frédéric eut deux femmes, Adèle ou Adélaïde
de Volbourg, qu’il répudia comme étant fa parente,
quoiqu’il ne l’eût époufée qu'avec difpenfe;
Béatrix de Bourgogne, qu’il époufa du vivant
de cette princefle, eut cinq fils 8c deux filles,
favoir , Henri V I qui régna ; Frédéric qui fut duc
de Suabe, accompagna fon père dans la croifade,
8c mourut à Acre ou Ptoléraaïde; Conrad qui
fut duc de Franconie 8c de Suabe, après la mort
de fon frère Frédéric; Othon, le quatrième, eut
le comté de Bourgogne; Philippe, le cinquième,
n’eut aucun apanage, c’eft le même qui fut élu
pour fuccéder à Henri V I ; Sophie, l’aînée/des
deux princefles , époufa Conrad, marquis de
Mifnie ; Béatrix, la cadette, fut abbefie de Qui*
tesbourg. Les Allemands , naturellement jaloux
d’une haute taille, fe livrèrent dans les comnien-
cemens a des fatyres offenfantes contre ce prince.
Un jour le voyant auprès de Waldemar , le
danois, qui le furpaffoit de toute la tête , ils
s’oublièrent jufqu’à-dire, petite taille, petit homme ;
ils connurent pas les événemens de fon règne,
combien ce proverbe étoit peu- judicieux. (Af—r .)
F r é d é r i c I I , de la famille de Suabe, ( Hifia
d? Allemagne ) roi de Sicile, de Naples 8c de Jérufalem,
feizième roi ou empereur de Germanie de^
puis Conrad I , vingt-unième empereur d’Occident
depuis Charlemagne , né en 1193 , de Henri VI
& de Confiance de Sicile , élu empereur en
1212 , mort en 1250.
Frédéric avoit àpeine quatre ans, lorfqu’il perdît
Henri V I fon père, qui, pour lui préparer une voie
à l’empire , l’avoit fait reconnoître roi des Romains
( e n 1196 ) ; mais ce titre ne lui fut d'aucun fe-
cours, Les états, ne voulant pas d’un enfant pour
empereur, avoient forcé Philippe , fon oncle 8c
fon tuteur, de recevoir la couronne pour lui-
même. Ce jeune prince, ainfi exclu du trône, fe
retira en Sicile, qu’il gouverna comme roi feuda-
taire du faint-fiége, fous la tutèle 8c la régence
de l’impératrice Confiance fa mère. Cette priri-
ceffe infpira à fon pupille l’amo- r des vertus , 8c
lui fit fentir de bonne heure qu’il étoit defiiné aux
grandes chofes. Le jeune Frédéric étoit doué des
plus heureufes qualités: il joignoit à ne mémoire
prodigieufe, la paffion de tout favoir. A .eine forti
de l’enfance , il pofledoit la plupart des langues
anciennes 8c modernes: il parloir avec une extrême
facilité le grec, le latin ,1e turc, le franço'r ; c’efi-à-
dire, le romain, l’italien 8c le tudefque Tant qu’il
fut incapable de rien exécuter par lui-même , l’impératrice
fa mère le retint loin des orages ; 8c
Philippe 9 qu’elle eût pu traiter d’ufurpateur 9