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. C’eft fur-tout dans les guerres de. 1741 & de
1756 que M. de Chevert s’eft illuftré, parce qu’il
étoit déjà dans des grades qui mettent en vue.
Les commencemens de fa gloire échappent, parce
que les exploits d’un foldat & d’un bas-officier
percent rarement dans le public. Lorfque M. le
maréchal de Belle-Ifle fit avec gloire cette néceflaire
& défaftreufe retraite de Prague, que l ’éloquence
plutôt que l’hiftoire a comparée à la retraite des
dix mille, M. de Chevert, refté dans la ville avec
dix-huit cents hommes, affiégé par une armée nom-
breufe, preffé par les hafeitans de fe rendre , plus
preffé encore par la famine, refufoit pourtant de
capituler, & différoit du moins: il prend des otages
de la ville, il les enferme dans fa maifon, remplit
les caves de barils de poudre, & jure de fe faire
fauter en l’air avec les ôtages, fi les habitans lui
font la moindre violence. Cette réfolution défef-
pérée produifit fon effet ; il obtint tout ce qu’il
pouvoit, tout ce qu’il ne pouvoit pas même ef-
pérer,.les honneurs de la guerre. Le prince de
Lobkowitz, qui faifoit le liège, lui permit d’emporter
deux pièces de canon. C ’etoit affurément
une conquête dans la conjoncture, & Lobkowitz
pouvoit dire comme Charles XII du général
Schulembourg. Aujourd'hui Schulembourg nous a
vaincus.
On a retenu, on retiendra éternellement cet
ordre fingulier donné par Chevert à un grenadier:
« Vas droit à ce fort fans t’arrêter. On te dira
» qui va la ? tu ne répondras rien; on te le dira
« encore, tu avanceras toujours fans rien répon-
» dre: à la troifième fois on tirera fur toi, on te
» manquera, tu fondras fur la garde, & je fuis
» là pour te foutenir ». Le grenadier obéitj, & tout
arriva comme Chevert l’a voit prédit. Nous n’avons
pas befoin d’obferver que le grenadier qui part
fur la foi de ce mot, on te manquera-, mérite d’être
affocié à la gloire de M. de Chevert : mais pourquoi
ne fait-on pas fon nom ? C’eft le tort ordinaire de
l’hiftoire, quand il s’agit d’un fubalterne, & c’eft
un tort dont il faut que la pbilofophie la corrige
déformais.
M. de Chevert mettoit fouvent dans fes ordres
& dans fes exhortations cet enthoufiafme qui lui
avoit fi bien réufli avec le grenadier. « Jurez-moi,
difoit-il au marquis de Brehant, à la bataille d’Haf-
tembecke, » jurez-moi, foi de chevalier, que
» vous & votre régiment vous vous ferez tuer
sr jufqu’au dernier, plutôt que de reculer.
Ce vrai chevalier, ce héros Plébéien, mourut le
24 janvier 1769. Il eft enterré à Paris, à Saint-Euf-
tache. Des chevaliers patriciens l’accufoient d’orgueil
; on en a eu à moins, & ceux dont l’orgueil eft
le plus combattu, font toujours ceux qui en montrent
le plus.
CHEVILLÏER ( A n d r é ) ( Hift.litt. mod. ) ,
bibliothécaire de Sorbonne, mort en 1700 , eft
auteur d’une diftertation hiftorique & critique fur
l’origine de l’Imprimerie à Paris, 6c de quelques ,
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écrits théologiques. Il étoit charitable au point de
vendre fes livres, non pas fans doute ceux de la
Sorbonne, pour affilier les pauvres.
CHEVREAU ( U r b a in ) {Hiß. litt, mod.), fa.
vant, pieux & zélé catholique, fecrétaire de la reine
Chriftine de Suède, puis confeiller de l’éle&eur
Palatin, fe fervit, dit-on, de ce dernier emploi
pour convertir à la religion catholique la prin-
ceffe électorale Palatine, depuis fécondé femme
de M. le duc d’Orléans. Il fut dans la fuite précepteur
du duc du Maine. Il eft particuliérement
connu par une hiftoire du monde, plufieurs fois
imprimée, & dont la meilleure édition eft celle de
Paris, 17 17 , huit volumes in-i2é avec des additions
confidérables d’un autre auteur nommé
Bourgeois de Chaftenel. On a encore de Chevreau
un roman intitulé : Tableaux ou effets de Infortuné,
& des oeuvre's mêlées. Il y a auffi un Chevreana.
Chevreau alla mourir en 1701 à Loudün , où il
étoit né en 1613. Sa carrière fut longue,paifible
& honorable fans éclat.
CHEVREMONT ( J ean-Baptiste de) {Hiß.
litt. mod. ). L ’abbé de Chevremont, fecrétaire du duc
de Lorraine, Charles V , eft auteur de plufieurs
ouvrages médiocres , entre autrés du teftament politique
du duc de Lorraine, né Lorrain, mort à
Paris en 1702.
CHE VR E y f E ( Hiß. mod. ). Une femme a
rendu ce nom très-célèbre, c’eft Marie de Rohan-
Montbazon, ducheffe de Chevreufe-, femme deftinée
a une grande faveur, & par fon premier mari le
connétable de Luynes, & par elle-même. Le connétable
étoit favori de Louis XIII ; elle fut favorite
de la reine Anne d’Autriche. Louis XIII r
qui n’avoit de l ’amour que la jaloufie, crut quelques
momens être amoureux de la connétable de
Luynes, & n’ayant pas trop bien réuffi auprès
d’e lle, quoique roi, il s’en vengea, en avertiffant
le connétable de prendre garde au duc de Chevreufe,
de la maifon de Lorraine, qui étoit amoureux
d’elle. Baffompierre fit rougir le roi de cette baffeffe.
(V o ir l’article A lbert. Charles d’ ). La connétable,
après la mort de fon mari, époufa le duc
de Chevreufe , & c ’eft fous ce nom qu’elle eft
principalement devenue célèbre. C’eft par elle &
par des arrangemens relatifs à fes droits matrimoniaux
que le duché de Chevreufe paffa dans la
maifon d’Albert, & vint à fes enfans du premier
lit. Elle aima, elle fut aimée, elle le fut de tous,
les hommes de la cour: ceux qu’elle aima l’entraînèrent
dans les intrigues & dans les affaires;
elle y entraîna tous, ceux qui l’aimèrent. Elle cfa
faire la guerre aux deux grandes puiflances de
fon temps, le cardinal de Richelieu & le cardinal
Mazarin. Sous Louis XIII, elle fut le confeil &
la confolatrice de la reine dans les perfécutions
que lui fufcitèrent l ’amour & la haine du cardinal
de Richelieu. Elle fut aimée auffi de cet homme
terrible, qu’on n’aimoit point, mais qu’on craignoit,
6c qu’il falloit toujours ménager; elle ne le mé-
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nagea point, 6c il la perfécuta doublement, &
comme une femme infenfible à fon amour, &
comme l’amie de la reine. Cet amant féroce lui
eût fait trancher la tête comme au jeune Chalais ,
qu’il croyoit mieux traité d’elle que lui, fi elle
ne fe fut enfuie à Bruxelles, d’où fes lettres con-
tinuoient de confoler & de fortifier la reine dans
fes chagrins. Après la mort de Louis XIII 6c de Richelieu,
elle revint triomphante auprès de la reine
toute puiffante, elle vint recueillir les fruits de
la reconnoifl’ance & de l’amitié. Le crédit du
cardinal Mazarin lui parut exceffif; par cette raifon
même, elle eût dû le refpeéter; elle crut pouvoir
l ’attaquer, elle fut exilée: elle croyoit, dit le
préfident Hénault, connoître la cour, parce qu'elle
l'avoit connue autrefois. Connoître la cour, étoit
autrefois un grand mot, c’eft un de ceux auxquels
la philofophie a ôté une partie de leur importance.
Nous ignorons fi elle connoiffoit encore la cour,
mais elle connut bien, les moyens de la troubler ;
elle ie mit à la tête des frondeurs, elle fouleva
contre Mazarin le duc de Beaufort, un de fes
amans, elle fit redonner pour un temps les fceaux
à Châteauneuf, un autre de fes amans, elle fut
en intrigue ouverte & toujours changeante avec
le cardinal de Retz', auquel elle procura le chapeau.
De concert avec la ducheffe de Longueville,
autre intrigante, illuftre héroïne & aventurière
d’un grand parti, elle donna pour général aux
parlementaires, dans la guerre de Paris, le prince
de Conti, que mademoifelle de Chevreufe fa fille
devoir époufer : elle oppofa quelquefois le lnxem-
bourg même au palais royal ; elle parvint à inf-
pirer des momens de réfolution à ce Gafton le
plus irréfolu des hommes ; c’étoit mademoifelle
de Chevreufe, auffi intrigante avec peu d’efprit,
mais fèche & hautaine, qui fe chargeoit- de le
gouverner comme il avoir befoin d’être gouverné,
c’eft-à dire par la crainte. Si Gafton crioit devant
elle en tremblant : qu’on ne me mette point mal avec
le parlement; je vous défie, répondoit-elle , d’être
jamais auffi mal avec le parlement que vous
l’êtes avec moi. La princefle Palatine, autre intrigante
de cour, avec plus de grandeur & de
dignité, entroit-auffi dans ces cabales, entraînée
par l’a&ivité de la ducheffe de Chevreufe. Celle-
ci furvécut à fa fille, qui n’époufa point le prince
de Conti, & mourut de la petite vérole au milieu
de tous ces troubles. Elle furvécut au cardinal
Mazarin, 6c conferva toujours les reftes d’un
vieil afcendànt fur l’efprit de la reine. Ce fut
d’elle qu’on fe fervit pour déterminer la rèine
mère à facrifier le furintendant Fouquet ,
quand on voulut le perdre. Elle mourut en 1679:
elle étoit née en 1600, d’Hercule de Rohan, duc
de Montbazon. Cette femme qui, jufqu’à près de
quatre-vingts ans, fit jouer tant de refforts, anima
tant d’intrigues, conduifit tant d’affaires, étoit-
elle une femme d’efprit & de tête? Voici ce
qu’en dit le cardinal de Retz, qui avoit tant vécu,
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tant cabalé avec elle, qui d’ailleurs favoit fi bieû
peindre.
« Je n’ai jamais vu qu’elle en qui la vivacité
» fuppléât au jugement. Elle avoit des faillies fi
» brillantes,qu’elles paroiffoientcomme des éclairs ,
» & fi fages, qu’elles n’auroient pas été défavouées
» par les efprits les plus judicieux de fon fiècle».
CHEVRIER ( F r a n ç o is A n to in e ) ( Hff?. litt.
mod.). Peut-être eft-il néceflaire de prononcer ce
nom pour avoir une occafion de dire que tant
de libelles de ce mauvais & méchant auteur né
méritent pas plus de confiance qu’ils n’ont obtenu
d’eftime. Nous n’en rappellerons pas même les
titres déjà oubliés ; il y a auffi de lui quelques
écrits innocens, & quelques comédies infipides,
dont on pourroit dire les titres fans les rappeller
à perfonne : en tout, c’eft une mémoire qu’il ne
faut pas empêcher de périr. Chevrier eft mort en
1762.
CHEYNE ( G e o r g e ) ( Hift. litt. mod. ) , médecin
célèbre en Angleterre, & membre de la
fociété royale de Londres, mort vers 1748.
On a de lui deux ouvrages célèbres; l’un eft unt
traité de la goûte, où il donne l’ufage abfolu &
continuel du lait comme le remède fpécifique pour
ce mal. L’autre eft intitulé : de ïnfrmorum fanitate
tuendâ vitâque producendâ. Il a paru traduit en
françois, par M. l’abbé de la Chapelle, fous ce
titre : Règles fur la fanté & les moyens de prolonger
fa vie, ou méthode naturelle de guérir les maladies
du corps & celles de Vefprit qui en dépendent. 2 vol,
in 8". Paris, 1749.
CHIABRERA ( G a b r ie l ) {Hift. litt. mod.) ;
poète italien, regardé comme le pindare de l’Italie.
Il a laiffé des poéfies de divers genres. Les lyriques
font les plus eftimées. Né à Savonne en 1552, mort
au même lieu en 1638.
CHICOT {Hift. de Fr.), fou du roi Henri IV ,'
fitprifonnieren 159 1, au liège de Rouen, le comte
de Chaligny, de la maifon de Lorraine; il le pré-
fenta au roi en lui difant : tiens, voilà ce que je te
donne. Le comte indigné d’avoir été pris par un
tel homme, lui donna fur la tête un coup d’épée
dont il mourut quinze jours après. Ce Chicot difoit
à Henri I V , qu’il appelloit toujours monfieur, mon
ami u tout ce que tu fais ne te fervira de rien;
» fi tu ne te fais ou contrefais catholique ». Il lui
difoit encore quelquefois : « garde^-toi de tomber
» entre les mains des feigneurs, il y en a tel qui
» te pendroit comme une andouille, & feroit écrire
» fur la potence : à Vécu de France & de Navarre,
bon logis pour y refter. »
CHICOYNEAÜ ( Hift. litt. mod. ). Ce nom eft
célèbre dans la médecine, fur-tout à Montpellier,
où cinq perfonnages de ce nom & de cette famille
ont été chanceliers de l’univerfité; celui qu’on a
connu à Paris & à la cour étoit gendre du fameux
Chirac, qu’il remplaça dans l’emploi de premier
médecin du roi. On a de lui un ou-#âge où il fou-
tient contre l’opinion commune, que la pefte n’eft