
fon prédéceffeur; cependant comme ce n’êtoîf pas
là un titre fuffifant, tous les grands d’Allemagne
s’aflémblèrent, & examinèrent s’il n’y en avoit
aucun parmi eux qui fut plus digne de régner.
Conrad le jeune, fon coufin , foutenu du crédit
d’Erneft, duc de Suabe , & de Frédéric, duc de
la Haute-Lorraine, balança long-temps les fuffra-
ges; mais enfin l’archevêque de Mayence ayant
nommé Conrad l’ancien, rut fuivi du" plus grand
nombre. Cette éleélion dura fix femaines, pendant
lefquelles l’impératrice Cunegonde, veuve
de Henri II., gouverna l’état comme régente,
fans cependant en avoir le titre. L’archevêque de
Mayence’ fit les cérémonies du facre, après quoi
toute l’Allemagne, repréfentéè par les fix ordres
de la noblefle , appellés les fix boucliers militaires,
& par les députés des villes, prêtèrent ferment
au nouveau monarque dans la plus folemnelle
affemblée qui fût jamais. Il eft incertain fi ces derniers
furent admis ; mais il eft confiant qu’il n’é-
toit point encore queftion des fept éleâeurs. Conrad
I I éprouva de la part des Italiens les mêmes
contradictions que fes prédéceffetirs. Les rois germains
firent une grande faute, après avoir tant
de fois fubjugué ces peuples, de leur laiffer leur
gouvernement & leurs loix, au lieu de les incorporer
avec leurs autres fujets, en déclarant
leur royaume province de l’empire. Cet affujettif-
fement d’aller prendre la couronne des Lombards
à Milan ou à Pavie, fembloit attacher le droit de
régner à cette cérémonie. Charlemagne avoit introduit
cet ufage dont il n’àvoit pas prévu les con-
féquences. Ses fuccefleurs, qui tant de fois^avoient
manqué d’en être la viélime, auroient dû le réformer.
Ce vice fubfifta jufqu’à Henri III. Ce
prince politique fit prendre à fon fils le titre de
roi dés R om a in sq u i fembloit aflurer fa domination
fur l’Italie. Les Italiens, après la mort de
Henri I I , s’étoient crus libres de tributs & d’hommages
envers les Allemands, ils s’arrogeoient
même le droit de difpofer de l’empire. Leurs dé-,
putés l’offrirent à Robert, roi de France,^qui fut
affez fege pour le rejetter ; il vit que ce titre ne
ferviroit qu’à l’engager dans une guerre funefte.
Guillaume, duc de Guienne, pair de France, fe
difpofoit à profiter de ce refus, & fongeoit à
prendre la couronne pour lui-même , lorfque
Jean X X & l ’archevêque de Milart, toujours fidèles
au fyftême d’avoir deux maîtres pour les
oppofer l’un à l ’autre , invitèrent Conrad à fe rendre
en Italie. Le roi faifcit fes préparatifs pour
aller juftifier fes droits; & comme le féjour d’Italie
avoit été funefte à p'ufieurs de fes prédéceffeurs
, il voulut aflurer la couronne à fon fils, qu’il
fit élire & proclamer roi avant fon départ. Il lui
fallut encore appaifer des troubles domeftiques excités
par Erneft, duc de Suabe, fon gendre, Conrad
fon coufin, Frédéric fon beau-frère , & Adal-
beron, marquis de Thuringe. Ce fut pour arrêter
ces défordres, que Conrad fit publier cette loi qui
met au ban de l’empire quiconque trouble la pais
publique. La peine d’être mis au ban étoit une
efpèce d’excommunication civile. Voici quelle en
étoit la formule. «Nous déclarons ta femme veuve,
» tes enfans orphelins, & nous t’envoyons au nom
” du diable aux quatre coins du monde ». Ce fut
après avoir fait publier cette loi, que l’empereur
fe rendit en Italie. Il étoit accompagné de Canut,
roi dé Danemarck, & de Rodolphe I I I , roi de
Bourgogne, qui tous deux afliftèrent à la cérémonie
de fon facre, à Rome, le 2.6 mars 1027.
De retour en Germanie, Conrad convoqua une
diète folemnelle où les rebelles furent jugés. Tous
étoient fes parens ou fes alliés; aufli eurent-ils
part à fon indulgence. Frédéric & ConraTvbtm-
rent leur pardon , & furent traités avec beaucoup
de douceur. Adalberon & Erneft, comme les plus
coupables, furent punis, l’un par l’éxil & l’autre
par là captivité. L’empereur pardonna à Erneft
peu de temps après ; mais l’ingrat n’en profita
que pour exciter une guerre civile dans laquelle
il périt , non fans donner des marques d’une
grande valeur & d’une grande capacité. La mort
du rebelle ayant rétabli le calme en Germanie,
l’empereur prit la défenfe d’un prince voifia in-
juftement dépouillé; c’étoit Othon que Mieflau fon
frère, roi de Pologne, avoit contraint de fe réfugier
en Allemagne. L’empereur lui fournit des fe-
cours dont ce prince fut profiter. Othon prefla fon
frère avec tant de vigueur, qu’il le força de fe
retirer auprès d’Udalric, duc de Bohème. Ce duc,
au mépris des droits de l’hofpitalité , écrivit à l’empereur
, lui offrant de lui livrèr le roi vaincu. Le
généreux Conrad l l eut horreur de cette trahifon :
il envoya fur-le-ch amp la lettre du perfide à Mieflau
lui - même, lui confeiliant de chercher un autre
afyle. Le Polonois, fenfiblè à cette générofité, fe
rendit auprès de l’empereur, qui le rétablit, après
l’avoir réconcilié àvêc fon frère. Cet événement
fait fans doute honneur au règne de Conrad 11 ;
mais je dois obferver qu’on ne trouve rien desfem?
blable dans les hiftoires de Pologne , écrites par des
auteurs accrédités.
La guerre de Hongrie fuivit celle de Pologne :
la fuccefîîon du duché de Bavière, ouverte par la
mort de Henri, en étoit le motif. Le roi de Hongrie
(E tien n e ), parent par fa mère, la réclamoit
au préjudice d’un fils du duc Henri ; mais ce fut
en vain qu’il voulut fuppléer par la force au vice
de fes titres. Le fils obtint la préférence, & l’empereur
, après la mort du roi Etienne, eut affez
de crédit pour faire mettre fur le trône de Hongrie
le prince Pierre, qui confentit à être fon vaf-
lal & fon tributaire.
La Bourgogne entièrement réunie à l’Allemagne
, eft une des époques les plus heureufes du
règne de Conrad IL Rodolphe III en avoit dif-
pofé par teftainent, en 1016 , en faveur de l’empereur
Henri II. L’impératrice Gifelle, fa nièce ,
Le fervit de l’afcendant qu’elle avoit fur fon efprit,
&
%. l’engagea à faire la même difpofition en faveur |
•de Conrad 11 fon mari. On ne fait fi ce royaume j
fut réuni à la çouronrîe d’Allemagne, ou s’il fut J
poffédé par Conrad St par fes fuccefTeurs, comme
uu royaume particulier & héréditaire dans leur
famille. Quoi qu’il en foit, ce prince fe fit couronner
à Pazerne , malgré la réclamation d’Odon
ou d’Eudes , comte de Champagne , qui pré-
tendoit avoir des titres pour l’en exclure. Ge comte
perdit la vie dans une bataille.
L’Italie en proie à de nouvelles guerres, exigea
une fécondé fois la préfence de l’empereur,
i l paffa l’hiver à Parme ( 1037 ) , après avoir puni
plufieurs villes de Lombardie : il fe rendit enfuite
à Rome , d’où il alla à Benevent, délivra Capoue
de la tyrannie de Pandolfe , s’afîùra de i’obéiffance
des habitans de la Pouille & de la Calabre , &
revint en Allemagne couvert de gloire, mais accablé
de fatigues & d’années. Il travailloit à un
projet de pacification de toute l’Europe , lorfque
la mort le furprit à Utrecht, le 4 juin 1039. Son
•corps fut tranfporté dans Féglife cathrédrale de
Spire, qu’il avoit fondée pour être la fépulture des.
empereurs. La religion vante fa piété, St l’état
fa générofité St fa valeur. La fplendeur de fon
règne furprit d’autant plus , que fon enfance avoit
été très-obfcure. Burchard , évêque de Wormes ,
l ’avoit retiré dans fon palais pour le fouftraire aux
railleries que fa fimplicité lui attiroit à la cour
du duc fon père. L’hérédité des fiefs, introduite
par l’ufurpatiôn des grands, maintenue par l’ufa-
g e , fut confirmée par une loi de ce prince. L’Allemagne
perdit fous fon règne le duché de Slefvik,
~ conquis fur les Danois par Henri 1er. Il eut
de fon mariage avec Gifelle, nièce de Rodolphe III,
dernier roi de Bourgogne , Henri III, furnommé,
le Noir, qui fut fon fuccpffeur à l’empire, & la
princeffe Mathilde, qui fut fiancée à Henri 1er 5 roi
de France, St mourut avant la confommation du
n^riage.
Des écrivains ont prétendu que ce fut fous le
règne de ce prince que les fept éleâeurs furent
inftitués; mais les meilleurs critiques placent leur
origine à des temps poftérieurs. On commença à
connoître des fouverains de Siléfie indépendans
de la Bohème & de la Pologne : ce dernier royaume
vouloir fe détacher de l’empire, mais il en refta
tributaire pendant très-long-temps encore (
C o n r a d III , duc de Franconie ( Hiftoire
d3Allemagne) , treizième roi ou empereur de Germanie
, fuccefleur de Lothaire I I , élu à Coblentz
en 1 13 8 , naquit l’an 1090 , d’Agnès , fceur de
l’ernpereur Henri V , & dé Frédéric de Hohenf-
tauften, de la famille des ducs de Suabe. L’autorité
royale reprenoit quelque vigueur en France :
Hu gués Capet avoit relevé le trône qui, s’étoit
affaiffé fous les derniers defcendans de Pépin. Louis-
le-Gros, quatrième fuccefleur de ce prince fameux,
mettoit toute fa politique à divifer les Allemands,
jfçj voifins les plus redoutables. Il avoit envoyé
H\fioirex Tome JJ, Première part,
lé célèbre Suger, abbé de Saint-Denis , aux états
d’Allemagne , sffeinblés pour donner un fuccef-
feur à Henri V. Cet habile négociateur avoit eu
affez de crédit pour faire exclure Frédéric , duc
de Suabe , dont Louis-le-Gros redoutoit les talens ;
St lorfque Lothaire II fut élu , il n’oinit rien pour
traverfer fon règne. Conrad I I I avoit profité des
troubles excités par la cour de France , & s’étoit
fait couronner à Spire : mais fon parti l’ayant
abandonné, il s’étoit reconcilié avec Lothaire en
1135 , St l’avoit reconnu pour fon fouverain. A
la mort de ce prince, il réunit tous les fuffrages,
& fut couronné à Aix-la Chapelle. Henri de Bavière
, furnommé le fuperbe, le plus puiffant des
dues d’Allemagne , fut mis au ban impérial, pour
s’être obftiné à retenir les ornemens royaux que
Lothaire II lui avoit confiés en mourant, peut-
être pour marque qu’il le défignoit fon fuccefleur.
Ce duc fubit fa fentence , St ne put furvivre à la
perte de fes états. Il pofledoit la Sax e, la Mifnie,
la Thuringe ; en Italie , Vérone, Spoléte , &
prefque tous les biens de la^ comteffe Mathilde :
ce trait d’autorité donne une haute idée de la fermeté
de Conrad I I I St de les talens. La Saxe fut
donnée à Albert d’Anhalt, furnommé Cours 9
marquis de Brandebourg, St la Bavière à Léopold,
marquis d’Autriche : mais Henri avoit laiffé
un fils au berceau ( Henri-le-Lion ) , & ce jeune
! prince trouva dans Welf ou Guelfe , fon oncle,
un puiflant vengeur de fes droits. Guelfe , pour
foutenir fa révolte, fit alliance avec Roger, roi
de Sicile , qui lui fit paffer des fournies immen-
ies. Roger Si les autres princes normands ne laif-
foient échapper aucune occafion de mortifier les
empereurs , & de les tenir loin de 1 Italie, dont
ils avoient envie de les dépouiller. Guelfe, après
une guerre opiniâtre , demanda la paix , qui lui
fut accordée ; on remit à la diète fuivante à fta-
1 tuer fur les conditions. La Saxe fut rendue à
Henri-le-Lion, fon neveu; mais la Bavière refta
dans la famille du marquis d’Autriche , mort dans
cette guerre. Guelfe peu fatisfait de ce traité ,
reprit fes premiers projets, St toujours fecouru de
R o g e r i l foutint line guerre de dix ans contre
le duc d’Autriche , St même contre l’empereur.
C ’eft à cette guerre que l’on rapporte l’origine des
Guelfes &des Gibelins,iaétions puisantes qui parta
gèrent fi long-temps le façerdoce St l’empire. Cette
guerre étoit d’autant plus contraire aux intérêts
de l’empire , que les conjonâuresétoient favorables
pour plier les pontifes romains fous le joug dont
ils s’étoient affranchis fous le règne précédent.
Arnaud de Brefle, difciple du fameux Abélard ,
déclamoit avec véhémence contre les défordres
du clergé^, plongé dans la moÜefl’e & la licence.
Les iromenfes -richefles des papes St des évêques
échauffoiënt la bile de l’orateur , dont Taulière
doârine trouva de nombreux partifans , même
parmi les Romains, mécontens du fafte des pontifes.
Arnaud prétendoit que le clergé ne devoir