à 1ï conduite du duc de Bourgogne. Le roi, quoique
fort jeune, ne put fe difpenfer de faire cette
campagne, parce qu’en fa qualité de feigneur fu-
\zerain du comte de Flandres, il devoit fa protect
io n au comte , fon vaffal, contre des fujets rebelles.
.Une troupe de fcélérats, connus fous le nom de '
maïllotïns, le rappellèrenten France : ces hommes
féroces s’abandonnoient à tous les excès, & répan-
doient le défordre & la confufxon dans la capitale :
leurs chefs furent punis, & l’efprit de révolte &
de brigandage qui les animoit fut éteint dans leur
fang. Le fchifnie qui divifoit l’Eglife arma la
France contre l’Angleterre : une entreprife formée
contre cette puiffanee rivale échoua par la malignité
jaloufe du duc de Berry, qui, fous différens
prétextes, fe rendit trop tard à l’armée.
De nouveaux orages s’élevèrent du côté de la
Bretagne, où le duc retint prifonnier le connétable
de Cliffon : le roi fit les inftances les plus vives pour
obtenir la liberté de fon connétable, qui ne put
l’obtenir lui-même que par la cefîion de plufieurs
places : Cliffon fut affafîîné peu de temps après
par Pierre de Craon, qui trouva nn afyle à la cour
du duc de Bretagne. L’armée françoife réclama
l’affaflin , & fur le refus qu’en fit le duc , elle
menaça fon pays. Le roi avoit déjà éprouvé quelques
éclipfes de raifon : il tomba tout-à-çoup dans
un état de fureur & de démence, & le refie de
fa vie on ne vit plus en lui que quelques étincelles
de bon fens qui brillèrent par intervalle.
La néceflité de confier les rênes de l’état à un
prince qui pût les diriger , fut la fource des ani-
mofités qui éclatèrent entre les maifons de Bourgogne
& d’Orléans. Le duc d’Orléans , chargé
d’abord de l’adminiftration publique , fut pref-
qu’aufîi-tôt fupplanté, par fon rival , /qui non-
feulement confervà la régence, mais encore la
tranfmit à fon fils Jean-fans-peur. L’exclufion
donnée a la reine & au duc d’Orléans., qui furent
forcés' de fortir de la capitale, excitèrent de nouvelles
tempêtes ; une feinte réconciliation fembla
les calmer, & ne fit que les grofîir : le duc de
Bourgogne, trop ambitieux pour fouffrir un égal,
fit affafliner le duc d’Orléans, & cette aâion atroce
trouva un panégyrifte dans le doâeur Jean Petit. |
La veuve du prince affafliné mourut de douleur de |
voir ce crime impuni. Le duc de Bourgogne, dont
le crédit n’étoit plus balancé par fon rival, affeéla
tout le fafte de la royauté ; il en avoit tout le
pouvoir , & l’on peut bien dire qu’il ne lui en
manquoit que le titre. La faéfion des Orléanois,
autrement appellés les Arynagnacs , fe déchaîna
contre fon adminiflration: on voulut en vain forcer
les deux partis à confentir à la paix ; la haine qui
les divifoit étoit trop invétérée : ils la fignèrent
cependant, mais ils la rompirent prefqu’aufli-tôt.
Tous ceux qui montrèrent quelque inclination défavorable
au Duc de Bourgogne, furent forcés de
s’éloigner de Paris, où la fureur du peuple ? dont
le duc étoit l’idole , leur donnoit lieu de tout
craindre. Les fadions fe renouvelloient dans la
capitale & la déchiroient. Un nommé Caboche,
boucher de profeffion , en forma une qui porta fon
nom; ces fa dieux affonimoient, égorgeoient fans
pitié les plus vertueux citoyens., & par-tout dans
la capitale le fang des habitans étoit verfé comme
celui d’un vil bétail. Ces horreurs fe commettoient
au nom du roi, qui, dans les inftans où la raifon
l’éclairoit , gémiffoit fur ces excès affreux & tâ-
choit de les réparer. La guerre étrangère fe mêla
à la guerre civile, & les provinces furent en
proie aux mêmes maux qui défoloient la capitale.
Le duc d’Orléans, dont le reffentiment étoit encore
excité par le malheur, appelle les Anglois &
leur ouvre les barrières du royaume. Le roi arme
contre lui par le confeil du duc de Bourgogne.
Un traité de paix, figné à Auxerre, promet aux
François la fin de leurs maux. La guerre recommence
& détruit leur efpoir. Les Pârifiens cédant
aux inftigations du duc de Bourgogne, emprifonnent
Louis, dauphin , pour le punir de fes liaifons avec
le duc d’Orléans: le roi-fe joint pour cette fois au
duc d’Orléans Contre le Bourguignon. La perte de
la bataille d’Azincourt entraîna celle de la Normandie
, qui fubit le joug de l’Angleterre. Ifabelle de
Bavière , époufe infidelle & mère dénaturée,
trahit fon mari & fon fils en fe liguant avec leurs
ennemis : elle livra aux Anglois Paris &' Tours.
Le dauphin obligé de fuir à Poitiers, y transféra
le Parlement & prit le titre de tuteur du royaume^
Ce titre modefte convenoit à la foibleffe de l’état.
Le duc de Bourgogne profitant de fon éloignement,
rentre dans Paris, qu’il change en une fçène de
carnage. Villiers de rifle-Adam, infiniment de fes
vengeances, fembloit vouloir faire de la capitale
le tombeau de fes habitans. Le duc, naturellement
inquiet , s’effraie du progrès des Anglois , & la
terreur dont il eft frappé lui fait accepter un accommodement.
Le pont de Montereau fuf"indiqué
pour traiter des conditions ; mais il ne s’y frit pas
plutôt préfenté, qu’il fut poignardé par Tannegui
du Châtel, ferviteur zélé du duc d’Orléans , dont
il vengeoit la mort par le facrifice de fa gloire.
Philippe-le-B.on, fils de Jean-fans-peur, devint implacable
ennemi du dauphin, qui cependantn’avoit
point trempé dans cet aflaflinat. Ifabelle, née pour
être l’opprobre de fon fexe & le fléau delà France,
fe ligua avec lui pour fe fouflraire à fon reflenti-
ment. On conclut àTroyes.un traité aufli honteux
que funefle à la monarchie : il fut fiipulé que Catherine
de France épouferoit le roi d’Angleterre,
auquel', après la mort de Charles, la couronne devoit
appartenir. Henri V prit dès-lors le titre d’héritier
oc de régent du royaume. La bataille de
Beaugé, gagnée par je Maréchal de la Fayete fur
le duc de Clarence, lieutenant général de Normandie
pendant l’abfence de Henri V , fon frere, eft
le dernier événement mémorable de ce règne foible
& malheureux : on remarque encore un arrêt du
oarlement qui ordonna le duel entre Carouge &
le Gris. Charles VI mourut en 141 1: il étoit âgé
de s 4 ans ; il en avoit régné 42. Son exemple
jnontre combien les régences étoient orageules
pendant l’anarchie du règne.féodal. (M — r ) .
C h a r l e s VII (Oift. de Fr. ) , monta fur le trône
de France à l’âge de 20 ans. A fon avènement a
la couronne, prefqne toutes les provinces avoient
paffé fous la domination des Anglois, & avec le
titre faftueux de roi, il comptoir peu de fujets. Le
droit de fa naiffance lui donnoit un beau royaume ;
mais il falloir le conquérir à la pointe de l’épée. Le
furnom de Victorieux , qui lui fut défère, fait pre-
fomer qu’il avoit les inclinations belliqueufes, Q£
tous les talensqui-diftinguentles hommes de guerre.
L’expulfion des Anglois fut l’ouvrage de fes généraux
; & tandis qu’afloupi dans les voluptés, il s enivrait
d’amour dans les bras d’Agnès Sorel, Dunois,b
la Trémouille, Richemont & plufieurs autres guerriers
gagnoient des batailles, & lui acquéraient des
provinces. Tous les grands vaflaux de la France,
dans l’efpoir de s’en approprier quelques débris,
làvorifoientouvertement les Anglois, qui.cimentèrent
leur puiffanee ufurpée par deux viâoires, dont
l’une fut remportée a C rèvant, près d Auxerre, &
l’autre, près de Verneuil. La France entière eut
paffé feus le joug étranger, fi les ducs de Bourgogne
& de Bretagne, mécontens des Anglois, ne
fe fuffent apperçus qu’ils combattoient pour fe donner
un maître. Ils retirèrent leurs; troupes, & ref-
tèrent quelque temps fpeâateurs oififs de la querelle.
„
Les Anglois affaiblis pâr cette efpece de defertion,
n’en furent pas moifls ardens à pourfuivre leurs
conquêtes; ils mirent le fiège devant Orléans, que
le brave Dunois défendit avec un courage héroïque.
La divifion qui fe mit parmi les chefs de l’armée
Angloife ne tut pas le feul obftacle qui interrompit
le cours de leurs profpérités. Jeanne d’A r c , célèbre
fous le nom de la pucelle d’Orléans, fut l’inftrument
dont on fe fervit pour relever les courages abattus.
Cette fille extraordinaire, qui avoit rampé dans les
plus vils détails de la campagne, crut être h verge
dont Dieu vouloit fe fervir pour humilier l ’orgueil
des ennemis de la France : elle fe rendit à Chinon,
auprès de Charles VII. Je viens, lui dit-elle, chargée
par un ordre du ciel de la double million de
faire lever le fiège d’Orléans, & de vous faire facrer à
Reims. Son ton, fa confiance étoient bien propres'
à en impofer dans ce fiècle. Le roi & les grands
crurent ou affe&èrent de croire que fa miffion étoit
divine. Elle fe jetta dans Orléans, où-elle fut reçue
comme une divinité tutélaire. Les foldats, en la
voyant marcher à leur tête, fe crurent invincibles.
Le carnage qu’on fit des Anglois dans plufieurs
forties, l'es obligea de renoncer à leur entreprife,
après fept mois d’un fiège dont chaque jour avoit
été marqué par des fcènes meurtrières.
Cette .fille guerrière favoit prendre les villes
comme elle fayùit les défendre; Auxerre, Troy es,
Soiffons & Reims, fub juguées par fes armes, furent
enlevées aux Anglois. Les affaires de Charles parurent
rétablies, & il fut facré à Reims le 17 juillet
1429. La pucelle, après avoir rempli fa miffion,
voulut fe retirer; mais fur la nouvelle que les
Anglois formoient le fiège de Compiegne, place
qu’elle leur avoit enlevée, elle fe chargea de la
défendre, peur mettre le comble à fa gloire. Son
courage audacieux la trahit; elle fut faite prifon-
nière dans une fortie. L’ennemi qui devoit refpeâer
fa valeur, la traita en criminelle: on la conduifit
à Rouen, où elle fut condamnée à être brûlée dans
la place publique le 14 juin 1431. Son arrêt fut
motivé pour crime de fortilège : c’étoit un moyen
viéforieux pour rendre fa mémoire odieufe dans ce
fiècle de licence & de crédulité.
Les meurtres & les affaflinats fe multiplioient :
on facrifioit lps citoyens les plus vertueux à la
haine de ceux qu’on vouloit attirer dans fon parti.
La réconciliation du roi avec le Bourguignon fut
fcellée du fang du préfident Louvet, accufé fans
preuve d’avoir eu part au meurtre du duc de Bourgogne.
Le feigneur de Giac eut la même deftinée que
Louvet, auquel il avoit fuccédé; le connétable de
Richemont lui fit trancher la tête fans daigner înf-
truire fon procès. Çes exécutions.militaires , dont
on voyoit de fréquens exemples, répandoient l’effroi
dans le coeur du citoyen.
(L’auteur fe trompe, le préfident Louvet ne fut
qu’éloigné de la Cour, & ne fut point mis à mort.)
La mort dé la pucelle confterna les François,
fans abattre leur courage: la guerre fé fit pendant
quatre ans avec un mélange de profpérités & de
. revers. Paris rentré dans i’obéiffance, donna un
exemple qui fut fuivi par plufieurs autres villes dit
royaume. La réconciliation du duc de Bourgogne
fit prendre aux affaires une face nouvelle; ce prince
preferivit en vainqueur des conditions que fon
maître fut heureux d’accepter ; & après avoir été
le plus zélé défenfeur des Anglois, il en devint le
plus implacable ennemi.
Charles VII avoit à peine repris la fupériorité ,'
que fes profpérités furent empoifonnéès par des chagrins
domefiiques. Le dauphin , fon fils, s’abandonnant
à la malignité des confeils du duc d’Alençon &
de Bourbon, déploya l’étendart de la révolte. Son
I parti, nommé la praguerie, fut bientôt dilîipé. Son
père, indulgent jufqu’à la foibleffe, daigna leur pardonner.
La guerre fut continuée dans le Poitou,
l’Angoumois & la Gafcogne, où les Anglois virent
chaque jour leur puiffanee décliner Ils obtinrent
une trêve de huit mois, qui fut à peine expirée,
que les hoftilités recommencèrent avec plus de
fureur. Les François prodiguoient leur fang pour
un roi noyé dans les délices, & qui paroiffoit plus
jaloux de régner fur le coeur de fa maîtreffe que
fur une nation guerrière. Ses généraux, qui n’a-
voient d’autres amufemensqueles jeuxde la guerre,
reprirent la Guyenne, défendue par le valeureux
Talbot, Ce héros de l’Angleterre fut défait & tué à