
pour elle & efpéra de lui plaire. Obligé dé févenir
en France , il quitta l’Ecoffe avec le plus v if regret.
Lorfqu’il vit les guerres de religion s’allumer
dans fa patrie, ne voulant porter les armes, ni pour
la religion catholique, parce qu’il étoit proteftant,
ni contre cette religion , parce que c’étoit celle de
la reine qu’il aimoit, il prit le parti de retourner
en Ecoffe avec des lettres de recommandation de
Montmorenci,, La reine d’Ecoffe le revit avec plai-
fir. Chat dard fe méprit fur la nature de fes fuc-
cès ; il pouffa la témérité de fes eritreprifes jufqu’à
fe cacher fous le lit de la reine , il y fut découvert
au moment où la reine alloit fe coucher ;
elle eut la bonté de lui pardonner ; mais Chate-
lard eut le malheur de fe perfuader que quand une
reine pardonne de telles, infolences, elle les au-
torife ; il ofa récidiver : Marie perdit patience, 8c
crut devoir abandonner Chatelard à la rigueur de
la juflîce. Il étoit difficile qu’il y eût des loix po-
litives fur un pareil cas ; par conféquent la vie de
Chatelard auroit dû être en fûreté ; il fut cepen- •
dant condamné à être décapité. La reine eût dû
lui faire grâce , 8c. fe contenter de le chaffer de fes
états comme un fou incurrable ; mais elle craignit
le pédantifme de fa nation & l’interprétation odieufe
qu’on pourroit donner à fora indulgence fur un-
point fi délicat ; elle le laiffa périr. Chatelard monta
fur l’échafaut avec la réfigna'tion d’un chevalier
qui meurt pour fa dame ; il fe plaignit pourtant
de fa cruauté , mais en amant maltraité , plus qu’en
coupable condamné ; il eut les yeux fixés jufqu’à
la mort fur un lieu d’où il efpéroit que la reine
pourroit être curieufe de voir fon fupplice, puisque
c’étoit une curiofité du temps, mais la reine
avoir un jufte éloignement pour cet affreux ufage,
& cette exécution étoit précisément celle qu’il,
lui convenoit le moins de voir. Chatelard lut pour
fon éternelle confolation, dit Brantôme, « l’hymne
3> de la mort par Ronfard , ne s’aidant autrement
» d’autre livre fpirituel, ni de miniftre, ni de
3j confeffeur ».
CHATELET (Pa u l -H a y , feigneur d u ) (Hijl.
Vitt. mod. ) , gentilhomme breton , avocat général au
parlement de Rennes, puis maître des requêtes &
confeiller d’état, homme de mérite, plein d’audace
8c de courage, & tel que le cardinal de Richelieu
en laiffoit peu fubfifler. Il fut nommé un des
commiffaires du maréchal de Marillac. Le maréchal ]
le réeufa comme fon ennemi perfonnel, & comme l
auteur d’une fatyre latine, en profe rimée , contre j
lui 8c contre fon frère. On croit qu’il fit fuggérer I
lui-même cette réeufation au maréchal; en ce cas, I
il ne vouloit donc que fe débarraffer de cette affaire, I
& non pas fervir le maréchal, car il l’auroit mieux j
fervi en refiant au nombre des juges, & en opinant j
à l’abfôlution de l’accufé. Quoi qu’il en (bit, le car- I
dînai de Richelieu feupçonna que du Châtelet avoit J
conniyé à la réeufation, ou qu’il en étoit du moins j
bien aife, 8c pour ce grand crime, il le fit mettre 5
en prifon, Du Châtelet en fortit plus audacieux que J
jamais. Etant allé quelque temps après à Iameffe
du roi, 8c ayant cru remarquer que le roi détour-
noit la v u e , peut - être par laconfufiori de l’avoir
laiffé fi injuflement maltraiter; il s’approcha de Saint-
Simon, alors favori, & lui dit :je vous prie, mon-
fieur, de dire au roi que je lui pardonne, & que je
lui permets de me regarder. Le roi rit 8c l'accueillit*
Il brava de nouveau, 8c bien plus hautement le cardinal
, en allant avec Saint-Preuîl folliciter la grâce
du maréchal de Montmorenci. Il montroit tant de
zèle pour ce héros intéreffant, que Louis XIII lui
dit : vousjvoudrieç ,je penfe, avoir perdu un bras pour le
fauver. Je voudrois, Sire , répondit du Châtelet, les
avoir perdus tous deux, car ils font inutiles à votre
fervice , & en avoir fauve un qui vous a gagné des
batailles, & qui vous en gagnerait encore. Il compofi»
un mémoire très - hardi 8c auffi éloquent qu’il le
pouvoit en faveur de Montmorenci.; le cardinal
de Richelieu lui en fit un reproche, 8c lui dit : vous
condamnez donc la juffice du roi. — Non, je jujlifie
fa miféricorde, s’il a la bonté d'en ufer envers un des
plusvaillans hommes & des plus utiles de fon royaume i
C ’eft le mot d’A rgyre dans Tancrède.
. Blâmez-vous le Sénat ? — Non ; je hais la rigueur*
■ s’il a la bonté d’en ufer ! du Châtelet pouvoit dire j
; s’il a la juflice d'en ufer. En effet, Vittorio Siri a
parfaitement dit, en parlant du maréchal de Montmorenci
: I l rfy avoit point de juge qui ne l’eût condamné',
il rfy avoit point de roi qui ne lui eût fait
grâce. Les juges font obligés de fuivre la loi dans
toute fa rigueur, 8c de ferenfermer dans l’objet
fournis à leur décifion ; ils déclarent que la loi
inflige telle peine pour tel crime, Sc que l’accufé
eff dans le cas de la loi. La loi eft infléxible ; elle
n’a égard ni aux circonfiances étrangères, ni aux
confidérations perfonnelles, le crime efl commis,
il fuffit, la loi punit, 8c le juge efl l’organe de la
loi. La juflice du prince n’efl point ainfi bornée,
elle embraffetous les temps, évalue toutes les eir-
conflances, tient compte des fervices , 8c fait toutes
les compenfations convenables. C’efl pour exercer
cette juflice dans toute fon étendue, que le prince
a le privilège de faire grâce. Cette noble, cette heu-
reufe prérogative du trône ne doit point être exercée
au hafard ; toute grâce du fouverain doit être
une juflice. Quand le fouverain pardonne à un coupable
convaincu, il déclare que le crime de cet
homme étoit ou affoibli par les circonfiances, ou
réparé d’avance par fes fervices, ou racheté par
fes vertus. A tous ces titres, le maréchal de Montmorenci
8c M. de Thon, fi l’on veut que ce dernier
fût coupable, auroient dû obtenir leur grâce
de Louis-le-Jufte.
Monfeigneur, difoit un magiflrat févère au duc
de Bourbon, Louis I I , vous verre^ ici bien des coupables,
voici le regiflre de leurs crimes. --- Chauveau,
répondit le duc, en jetant le regiflre au feu , aveç-
vous auffi tenu regiflre des fervices’qu ils m'ont rendus ^
Ce mot tendre 8c fublime nous montfe la 8îf-
fèrence de la juffice du prince 8c de celle du juge.
La première tient regiflre des fervices rendus, la fécondé
eft néceffairement incomplette parce qu’elle
fe renferme dans un temps , dans un fait 8c
dans un cas particulier. Car , fuppofons un
homme dont la vie entière aura été une fuite
continuelle d’aâions vertueufes; fuppofons que
cet homme, entraîné par des conjonctures mal-
heureufes, fe foit oublié une fois 8c fe foit laiffé
emporter à une de ces aftions pour lefquelles
la lo i, qui ne peut prévoir tous les cas particuliers
, a prononcé généralement une peine capitale;
de bonne foi, eft-ce rendre une juffice complexe
à un tel homme que de le traîner au fupplice
comme un malfaiteur de profeffion , accoutumé
à troubler la fociété par des .crimes ? D’un
autre côté, un fcélérat avéré, qui n’a pour lui
que l ’intrigue 8c la faveur, doit-il être confervé
dans la fociété qu’il trouble 8c qu’il infe&e ? Les
rois peuvent donc pécher doublement, 8c être in-
juftes de deux manières dans l’exercice de ee beau
droit de faire grâce, l;une en accordant la grâce
à celui qui ne la mérite pas , l’autre en la refu-
fant à celui qui la mérite. De ces deux manières
d’être injufte, la première a du moins un prétexte
d’humanité 8c de pitié, la fécondé eft odieufe
& inhumaine ; c’eft celle que Louis XIII, c’eft-
à-dire le cardinal de Richelieu, s’efl fi fbuvent
permife, 8c contre laquelle du Châtelet a eu le
courage 8c la juflice de s’élever.
Quant aux juges , on n’a rien à leur reprocher,
ils fuiyent la loi, ils font leur devoir ; ceux du
maréchal de Montmorenci l’avoient fait, mais ceux
du maréchal de Marillac, d’Urbain Grandier 8c
de plufieurs autres l’avoient-ils fait ?
C’efl donc principalement comme magiflrat que
du Châtelet mérite d’être confidéré ; c’eft cependant
comme auteur qu’il efl le plus! connu. Son hiftoire
du connétable du Guefclin eft célèbre, quoique
difficile à lire aujourd’hui. On a de lui auffi des
Obfervations. fur la vie 6* la condamnation du maréchal
de Marillac , un Recueil de pièces pour fervir
à l’hijloire, 8c quelques opufcules de bel-ef-
BestfVôîf 8c de Chatelus en offre un grand «ombre
prit dont il eft inutile de parler. Il mourut en
1&36, à quarante-trois ans, à l’âge d’ajouter beaucoup
à fon nom, 8c comme magiflrat, 8c comme
écrivain. «
CHATELUS, CHATELLUXokCHASTELUS
( Hijl. de Fr. ) , noble 8c ancienne maifon de Bourgogne
, dont le nom eft de Beauvoir, 8c dont étoit
le maréchal de Beauvoir, mort en 1453. A p n t
donné en 142.3 la ville de Crevant au chapitre
d’Auxerre, il obtint de la reconnoiffance du chapitre
pour lu i, 8c pour fa poftérité , un privilège
fingulier ; c’efl celui de prendre féance au choeur
de l’églife d’Auxerre parmi les chanoines, en fur-
plis 8c l’épée au côté , l’aumufîe fur le bras, un
oifeau fur le point , 8c d’affifler de même aux
Semblées du chapitre. La lifte des feigneurs de
de tués dans des combats , 8c quelques-uns dans
des duels. Nous remarquerons parmi les premiers,
Augufte de Chatelus , tué en 16 2 1 , au fiège de
Saint-Jean d’Angely. Cefar-Pierre , comte de Chatelus,
tué d’un coup de canon à la bataille de
Nortlingue , où il faifoit les fondions de maréchal
de bataille , Philibert Paul-Louis de Chatelus, tué
au combat de Chiari en 1701. On fait avec quelle
gloire dans plus d’un genre ce nom eft porté aujourd’hui
par les héririers de ces vaillans chevaliers.
CHATILLON ( Hijl. de Fr.) , grande 8c illuflre
maifon éteinte de nos jours, qui avoit produit
entre autres grands hommes, le fameux connétable
Gaucher de Châtillon , mort en 1329, ayant
porté l’épée de connétable fous cinq rois ; Jean de
Châtillon, grand-maître de France, mort en 1363 ;
Hugues de Châtillon, grand-maître des arbalétriers;
Jacques de Châtillon, amiral de France , tué à la
bataille d’Azincourt ; le duc de Châtillon, premier
gouverneur da dauphin , père du roi, 8cc. Le nom
de cette maifon venoit de Chatillon-fur-Marne.
La maifon de Coligny poffédoit Châtillon-fur-
Loing , 8c en a quelquefois pris le nom de Châtillon..
De là le maréchal de Châtillon, beau-frère
du connétable Anne de Montmorenci, 8c père de
l’amiral de Coligny. ; de là le cardinal de Châtillon,
frère du même amiral ( Voye[ C o l ig n y . \
Un fécond maréchal de Châtillon, mort en 1640,
8c le duc de Châtillony fon fils, tué à l’attaque de
Charenton,en 1649.
CHATRI (Hijt. mod.), femme d’un tailleur de
la ville de Sens, fous le règne de Henri III. Au
bout de vingt ans de mariage elle fe crut groffe ;
elle attendit au lit le moment d’accoucher, elle
l’attendit ainfi pendant trois ans ; elle vécut encore
vingt-quatre ans dans le même état de groffeffe
apparente 8c d’enflure réelle ; elle mourut à foi-
xante-huit ans ; on l’ouvrit, 8c on trouva dans fon
fein le corps d’une petite-fille tout formé , mais
entièrement pétrifié. D’Alibour , alors médeqin de
la ville de Sens , 8c qui le fut depuis du roi Henri
IV , a donné la relation de ce phénomène, dont
il avoit été le témoin.
CHAUCER( G eo f fro i) ( Hijl. litt, à*Anglet.).
Ce fut fous le règne d’Edouard III que parut
Chaucer, le premier poète claffique anglois; la
langue nationale lui doit beaucoup; il peignit avec
force les moeurs de fon fiècle. Diftingué fur-tout
par fa gaieté, on le cite encore comme un modèle
de bonne plaifanterie : on dit que pour entretenir
cette gaieté, Edouard III lui faifoit donner tous
les jours une cruche de vin de fon cellier, 8c que
cette gratification , fixée par Richard II à un muid
par an avec une penfion de vingt livres, 8c c o n tinuée
fous fes fuccefleurs, eft l’origine de la peitè
fion qui fe paie encore au poète Lauréat. Chauà
cer mourut en 1400. On voit fön tombeau à
1 ‘Weftminfter.
I CHAVIGNY. VoA'er Bouthiixier.
1 O z