
fe-Sîmple , Charles I V , n’eft point compris dans
la lifte des rois du nom de Charles qui ont régne
fur la France. On ne compte dans la race Carlovuv
sienne,que trois rois de ce nom: Charlemagne^hanGS-
le-Chauve & Charles-le-Simple. Charles-le-Bel,
quatorzième roi de la race cape-tienne, eft compté
pour le quatrième roi du nom de Charles. Cette
omiflion de Charles-le-Grzs peut venir des droits
de Charles-le-Simple, que la nation n'avoit pas per-
dus de vue, quoiqu’elle lui eût préféré a caufe de
la foibleffe de fon âge, Charles-le Gras, comme plus
capable delà défendre. Dailleurs cette même nation
qui avoit élu Charles-le-Gras, fembloit avoir révoqué
fon éleftion en abandonnant ce prince).
C h a r l e s IV ,furnommé le Sim p l e , {Hift. de Fr.)
XXXe. roi de France, fils de Louis-le-B'ègue & d’A délaïde,
naquit l’an 88o;les orages qui 1 avoient écarté
du trône, après la mort de Louis & Carioman fes
frères, ne lui permirent pas d’y monter après celle
de Charles-le-Gros ; il touchoità peine à fa huitième
année, & les François avoient fenti le befoin, non
d’un enfant, dont la foible main eût pu augmenter
les défordres, mais d’un homme mûr, dont-la fageffe
& le bras fut les conduire & les défendre. Privés
de tout efpoir du côté de la famille royale, dont
il ne reftoit que ce rejetton, ils avoient jette fes
yeux fur Eudes, comte de Paris, feigneur égalé-'
lement diftingué par la fupériorite de fçn génie &
par fon courage héroïque. Eudes juftifia par les fuc-
cès les plus éclatans, le choix de fes compatriotes;,
mais quels que fuffent festalens, le confeil du jeune
prince voyoit avec une douleur amère quil en
abufoit. Les plus fages auroient defiré qu’il 4e fut
contenté de diriger le feeptre fans fe 1 approprier ;
ils parlèrent en faveur du jeune prince, mais leur
réclamation n’opéra aucun effet : Charles, oblige de
s’enfuir en Angleterre, ne put monter fur le trône
de fes pères, qu’après la mort de cet heureux ufur-
pateur. Eudes, en mourant, reconnut fes fautes,
& lorfqu’il pouvoit tranfmettre le diadème à fa pof-
téritégfquelques auteurs prétendent à tort, qu Ar-
noul, fils d’Eudes, lui fuccéda), il le remit entre
3es mains des nobles, en les conjurant de le rendre
à leur fouverain légitime; mais en reconnomant
les droits de Charles, il ne lui étoit pas facile de
réparer le mal qu’avoit fait fon ambition. Les François
étoient affez éclairés fur leur devoir, pour
Savoir qu’il n’étoient pas libres de leur fuffrage,
lorfque le trône avoit des héritiers. Depuis 1 origine
de la monarchie ils n’avoient eu d autre droit
que celui de fe cheifir un maître entre plusieurs
prétendans, égaux en naiffance ; l’âge des princes
n’avoit jamais été un obftacle à leur élévation ; ieu-
lement on leur nommoit un confeil de regence.
Eudes, comme le plus capable, eût pu fe contenter
d’y occuper la première place, il ne put déroger
à ces principes fans s’engager à de grands lacrin-
ces : aufîi Charles, en montant fur le trône, ne vit
plus que l’ombre de la monarchie; les feigneurs
avoient atteint leur but en fe rendant propriétaires
héréditaires deleursgouvernemens,ou,comme nous
l’avons déjà fait connoître, ils exerçoient, en cjua-
lité de ducs, de comtes ou de marquis, toute 1 autorité
civile & militaire. La royauté ne confiftoit
plus que dans un vain hommage ; & Charles n avoit
plus rien à propofer à leur émulation. Ce prince
leur parloit bien d’honneur & de patrie, mais ces
cris autrefois fï puiflans fur eux ne les touchoient
plus, flattés de Pobéiffance fervile qu’ils exigeoient
des peuples devenus leurs fu jets ou plutôt leurs victimes,
ils étoient infenfibles à la gloire de les défendre.
Charles,à force de prières,les engagea cependant à le
fuivre en Auftrafie, nommée alors Lotharingie , &
depuis Lorraine par adouciffement. Il méditoit cette
conquête, moins pour illuftrer fon règne que pour fe
mettre plus en état de retirer les privilèges que les
vaffaux s’étoient arrogés : un coup d’autorité qu il
porta trop tôt, à l’inftigation de Foulques, fon prin-
cipal miniftre, fit malheureufement i echouer fes
deffeins. Ayant ôté la ville d’Arras a Baudouin,
comte de Flandre, fuccefleur de. celui dont j’ai parle
fous Charles - le - Chauve, celui-ci donna l’alarme &
reveilla l’inquiétude des feigneurs. Robert, le plus
confidérabled’entr’eux,joignitaufli-totfon mécontentement
à celui du comte : Robert ambitionnoit
. la couronne, & fes efpérances étoient d’autant
mieux fondées, qu’il l’avoit déjà vue fur^ la tête
d’Eudes fon frère : les. moyens qu’il pretendoit
mettre en oeuvre pour y parvenir , le rendirent
doublement coupable ; il fit une ligue fecrette avec
les Normands qui avoient envahi la fécondé Lyon-
noife , dont. ils*r poffédoient une partie. Charles le
voyant dans l’impuiffance de conjurer cet^orage ,
eut recours à ces mêmes ennemis que lui ftncitoit
Robert. Francon, archevêque de Rouen, fe^char*
gea de la négociation, & fut engager Raule ou
Rolon à préférer l’alliance d’un roi à celle d un fujet.
Raule étoit le chef des Normands , & c’étoit le
capitaine le plus intrépide qui eut jamais mis le pied
fur les »terres de France; il avoit fait abattre les
murs de Rouen, d’où il voloit tantôt en Angleterre,
tantôt de l’une à,l’autre extrémité du royaume.
Charles confentit à lui donner Gifelle, fa nlle, avec
tout le pays compris entre l’Epte & la Bretagne,
n’exigeant des barbares que de fe faire chrétiens.
Raule accepta ces conditions, après avoir pris con-
. feil de fon armée ; mais ce chef politique ne rompit
pas pour cela avec Robert, il le préféra même
à Charles pour fon parrain : en les ménageant ainfi
l’un & l’autre , il les enchaînoit par une crainte rel-
peftive, & fe tenoit toujours en état de fe déclarer
pour celui qui lui offriroit de plus grands avantages ;
aufîi ne tarda-t-il pas à faire de nouvelles demandes,
même avant de conclure le traité. Il envoya une
députation à Charles, lui dire que les terres qu’on
lui cédoit étant pourvues de bétail, on devoit lui
en procurer d’autres où fes Normands puitent
trouver une exifterice plus commode ; le roi fut
encore obligé à ce facrifice, voyant bien que s il refu-
foit quelque chofe, Robert qui etoit prefent ne
1 balancerait
C H A
balancerait pas à tout accorder. Le
... ■ r & de Dol ayant été cede a Kauie,
j f e fd o n n e r des otages , & paffa l’Epte pour con-
fommer le traité. Cependant Charles ®*‘S“ >i
maee & le fier Normand n’en vouloit pas ren“ r®>
1 tfoûvoit fingulier qu’un roi qui lur demandeur
a — « le voir s’humilier devant lm Ce
refus alfoit occafionner une rupture, lorfque des
courtifans, faififfant le moment, lui P“ 1"6*1* ^ i j^ d u
& les portèrent avec précipitation dans celles du
roi Ce rut en vain qu’on voulut en exiger davan
îage, il jura qu’il ne reconnoiffoit pour maître que
f o f épée, & que jamais il ne fléchirait devant
aucuiuirince. Les François dèfefpérant de vaincre
fon opiniâtreté, engagement un de fes heutenans
à achever la cérémonie, mais celui-ci noin_moms
fier que le duc, prit le pied du roi, &
de le lui baifer avec refpeft, il le leva.jufqua
fa bouche & le fit tomber, à la renverfe . Cet outrage
manqua d’occafionner un grand defordre, mais.1 »
courtifans voyant bien que Charles ne 1 p
plus fort, tournèrent la chofe en plaifantepe. Le
roi réduit à diffunuler,confentit a 1 entière alienation
de la fécondé Lyonnoife, qui, depuis, prit le nom
de Normandie, qu’elle conferveencore aujourdhui,
avec les loix du conquérant. Une_obfervation importante
fur ce fameux traité , .c’eft que le nom de
Robert y fut exprimé & , lacé immédiatement aptes
celui du roi, chofe inpuie jufqualors, c étoit un
honneur auquel jamais fujet n avoit prétendu , &
l’on peut dire qu’il affifta moins à la ceremonie
■ comme vaffal dé Charles, que comme garant du
traité. Lorfque tout eut été réglé fans retour, il
paffa l’Epte & alla à Rouen avec Rolon, qui reçut,
en fa préfence, l’hommage de Bérenger, comte de
Rennes, & d’Alain, comte de Dol. Ces deux comtés
, les plus confidérables de laBretagne, ne furent
dans la fuite que des arrières-fiefs de la couronne.
Depuis ce traité“* Charles ne ceffa detre traverfe
par Robert; il fe crut obligé à tant de menagemens, j
qu’il n’eut point affez de confiance pour terminer un
différendquis’étoitélevéentreleshabitaiisa Auxerre
& ceux de Tours, au fujet de la cliaffe de Saint-
Martin; il leur répondit que les uns. & M a u » «
lui étoient également chers, & qu il feroit au defel-
poir de les mécontenter. Ce monarque etoit d autant
plus fenfible aux procédés injuftes de tes lu jets,
nus s’il eût été fécondé,-il lui aurait etei facile de
réunir fous fa puiffance tous les états de 1 ancienne
fuccefiion de Charlemagne. Il ne reftoit aucun rejeton
de là tige de ce grand hpmme en Allemagne,
fon fané né fe foutenoit plus en Italie que par des def-
cendans de femmes, que la loi avoit toujours rejetés
■ il fit cependant quelques tentatives pour juttiher
i fes droits , mais elles ne fervirent qu à faire con-
» ■ noître fa foibleffe ; il ne put s oppofer a 1 eleition
de Conrad, que les Germains placèrent fur le trône,
fans autre droit que leur fuffrage. Charles fut cependant
s’attacher les Lorrains, lorfqu ils délibéraient
■ pour fe donner au nouveau roi d® Germanie çc
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ce dut fait fon éloge, c’eft qu’il n’eut qu’à fe mon-
trer^méme fans aimée ; mais les fogneursavo.en
iufé fa perte , & pour avoir un pretexte, ils ui
krent un crime de paffer trop de temps avec Haga-
■ non • préfidès par Robert, ilslefommerent de déclarer
s’il entendoit continuer fa faveur a ce ch5 ^ “
Z étoit fon miniftre i & fur ce qubl
?e ferviroit de fes droits pour fe defeadre, ds pn
rent chacun une paille, la
rent à fes pieds,. pouï marque qu i g g t *
le reconnoître pour leur fouverain. ils le retirèrent
auffi -tôt à l’extrémité' du champ ou ils tenoient cette
affemblée féditieufe. Le roi étoit des-lors depofe ,
fans un comte, appellé Hugues : ce£ l*
j-,.„ o,ataéême qui fait affez connoître quelle etoit
f a l f p o S de? feigneurs ; il feignit d'approuver
leurs deffeins, & n e .le s blamaque de leur moue
rafton Q u o i! leur,dit-il, le, roi vous depla.t & .
vous le laiffez vivre? ne vaut-il Pas £
tuer que d’expofer le royaume a une guerre ci
v le?qï l poulfe auffr-tô/fon cheval vers e ro i,
comme f i vraiment il avoir voulu ,1e happer
Dès que Hugues put fe faire entendre du
r a i , il lui dit que le feul^ moyen de conjurer
l’orage-étoit de confentir à fa demiffion .dans
un an , l ’il donnoit lieu à fes
dre de fa conduite ; . & fur ce que C t o > .“ n
fentit, le comte retourna a 1 affemblee , ou prit
ouvertement fa défenfe : on avoit d autant plus
de confiance en fes paroles, qu’on le
me le corromppluuss par Ro“bert, rrâeiftteLrcnatu' c^e^ n d S S dans
l’irréfolution , & ne parlèrent ni de faftemilhon,
“ fon rétabliffement. Hervé, archevêque de
Reims , le feul qui eût refifte: a I I M M
aux brigues de Robert, oftnt un a ly le ;a .l n
fortuné Smonarque , & le condmfit a Crum ,- ha-
: meau dépendant de fon diocele. _ .
Charles, confiné dans cette retraite, fit agir tous
les refforts qui pouvoient relever f?n P3" 1 ’ "
conclut un traité d’alliance avec Henri, fucceffent
1 de Conrad. Il nedevoitpasen attendre de granos
fecours: la politique d’un roi de .Germanie ne
demandoit pas que l’on fortifiât un. défendant de
Charlemagne-; auffi le roi en fut-il buuu^ab.n
donné. Henri embraffa le parti de Robert, qui,
ne jugeant plus à propos de
crer & couronner à Reims. Charles 9 erra p
c r it, fe retira en Aquitaine,, ou quelques fom
gneurs, émus par le.fpeôacle de Tes infortunes,
eonfentirent à le fuivre contre l ufurpateur q u
campoitfur l’A ine, aux environs de-:Soiffons, n
peu au-deffous de cette v ille , Çe fut le -4 jm
que fe livra la bataille qui devoir décider du d
I l du roi. Robert avoit des forces infiniment f -
périeures, l î
kéfenfiveTpaffe la rivière, & marchant en or-
. dre de bataille, il mène fon armée contre les b-
: gués de l ’ennemi. Robert ne pouvant plus reculer,