
patrie. Claudia fubit la peine décernée contre les
crimes de lèze-majefté : ce fut le premier exemple
de la punition de ce crime , qui dans la fuite fit
perdre la vie à tant de citoyens innocens. ( T-n . )
CL AUDIUS - NÉRON ( Ht fi- Rom. ) Claude
étoit fils de Drufus, dont Lwie étoit enceinte
lorfqu’Augufte la fit paffer dans fon lit. Il naquit
à Lyon fous le confulat de Jules-Antoine & de
Fabius l'Africain. Il étoit à peine fort! du berceau
qu’il perdit fon père. Il étoit fi mal organifé , que
la mere Antonie avoit coutume de dire qu’il étoit
l’ouvrage bizarre de la nature en délire- Caligula ,
qui pouvoit l’envelopper dans le meurtre du refte
de fa famille, crut ne pouvoir mieux punir les
Romains, qu’en leur donnant un pareil empereur..
( I l ne leur donna point cet empereur, & beaucoup
plus Jeune que lu i, il ne croyoit peint l’avoir
pour fueceffeur ; feulement il le kiflà v iv r e , parce
qu’il n’en redoutoit rien..);
Son éducation- fut fort négligée', parce qu’on
la crut impuiffante à corriger les Vices de la nature.
Augufte lui déféra les honneurs confu-
îaires , mais il ne lur permit pas d’en remplir
les fondions- Privé des dignités auxquelles il étoit
appellé par fa naiflance, il fe retira à la campagne,
où , confondu avec des hommes agrefles
& fans moeurs, il fe livroit au jeu & à la débauche
Quoiqu’il n’eût aucune dés vertus qui
attirent le refpeél, on lui rendit en public tous les
honneurs qu’on déféroit aux enfans des Géfars ;
& à force d’être plaint, il parvint à être aimé..
Augufte, en mourant, le recommanda aux armées,
au peuple & au fénat- Il lui légua une fomme con-
fidèrable pour foutenir fa dignité dans la vie privée.
Son neveu Caligula lechoiftt pour collègue dans fon
confulat, mais il ne lui laifia que l’ombre du pouvoir,
dont il fe réferva la réalité. Ce neveu infolent
l ’admettoît à fa table, moins pour lui faire honneur
quepour s’amufer dé fon imbécillité. Après la mort
de Caligula, il fe cacha dans des monceaux de ta-
pifterie ; il fut découvert par un foîdat, qui le mena
au camp pour y attendre fon fort- Le fénat, qui ne
voiiioit pliis dJèmpereur,.fe trouva partagé dans fes
opinions. La lenteur de fes délibérations impatienta
te peuple, qui voulut qu’on donnât promptement,
un chef à l’empire : il fallut condefcendrè aux voeux,
de la multitude. Claudius, qui n’attendoir que la
m ort, fut proclamé empereur- L’armée lui prêta
ferment de fidélité. Il promit à chaque foldat quinze
lèftercës; & ce fut depuis l’exemple de cette libéralité
que l’empire devint la proie de celui qui
iavoit le mieux payer. Quoiqu’il fût trop foiblepour
.foutenir un fi grand poids, il fit à fon- avènement
plufieurs aâes de bienfaisance qui lui concilièrent
les coeurs. Il abolit la mémoire de toutes les violences
commifes pendant les deux, jours qui avoient
précédé fon élévation- Il ne punit que les tribuns
& les centeniers qui avoient trempé leurs mains
dans le fang de Caligula. Sa piété envers fes parens
lui. fit encore beaucoup d’honneur, Plein de refpeél
c L À
pour la mémoire d’Augufte, il ne voulut jurer que
par fon nom, & lui fit renar'cles honneurs divins!,.
Il eut la même piété pour fon aïeule L iv ie , à laquelle
il déféra le titre d'Augujla, qu’elle avoit eu;
la modeftie de refufer de fon vivant. Il fit célébrer
des jeux en mémoire de fon père, de fa mère &
de fon frère. Il donna des couronnes de viâoire à?
ceux qui remportèrent le prix dans les combats
livrés pour l’honneür de fa famille. Pour lui, il
eonferya la fimplicité de fa vie privée, & refufa
prefque tous les honneurs qu’on-voulut lui déférer-
Il célébra fans éclat les noces de fa fille la naif-
fance d’un de fes neveux.. Aucun exilé ne fut rappelle
que par l’autorité du fénat. Cer empereur
imbécille & fans, talent pour gouverner, fe concilia
tellement tous, les coeurs, q u e fu r un faux bruit
de fa mort, le peuple , furieux, fut fur le point d’exterminer
tout l’ordre des chevaliers, & de traiter
le fénat de parricide. L’émeute ne fut calmée qu’a-
près qu’on fut affùré qu’il n’a voir effuyé aucun
danger. Quoiqu’il ne fit rien de repréhenfîble, il
avoit trop d’incapacité dans les affaires pour ne pas
tomber dans fe mépris des.âmes fières & élevées ,
qui ne pouvoient fe réfoudre à obéir à un pareil-
maître. On découvroit chaque jour dans fon palais-
des fénateurs & des chevaliers armés de poignards.
pour lui ôter la vie. Il s’éleva une révolte dans la.
Dalmatie, qui fut éteinte aufli-tôt qu’allumée,. I l
exerça cinq confulats avec une parfaite intégrité-
Fidèle à la lo i, il ne fe décida que par elle, &
n’ufa de fon pouvoir que pour mitiger les peines
& les amendes ; mais quelquefois il rendoit des*
jugemens fi bizarres, qu’il devenoit l’objet des déri-
fions du public. Par exemple, ayant ordonné d’effacer
les placards qui notoientan fameux adultère,,
il ajouta, à condition toutefois que la rature n’empêchera
point de lire la condamnation. Quelques
mouvemens féditieux l’appellèrent en Angleterre 9.
où il ne trouva pas de rebelles à punir. Quoiqu’il*-
n’eût point tiré l’épée, il ambitionnâmes honneurs
du triomphe; & à fon retour à Rome , il étala
dans fa marche les. dépouilles d’un ennemi ima ginaire.
Sa femme, Meffaline, montée fur un magnifique
chariot, raccompagna dans fa pompe triomphale.
On fit le dénombrement des citoyens Romains
, qui fe trouva monter à près de neuf millions.
Le nombre des fénateurs étoit extrêmement
diminué. Les proferiptions avoient éteint les plu»..
illuftreS; familles , & l’on ne voyoit prefque plus
aucun des defeendans de ceux que Romulus &
Brutus avoient créés. Il en retrancha un. grandi
nombre , dont la vénalité & les moeurs étoient
décriées., & ce vuide fut rempli par des. hommes
d’une probité éprouvée^ Ce fut en reconnoiffance
de ce bienfait que ie confiil Vipfànius propofa dé '
lui déférer le titre de père de la patrie ; mais Clan-
dius l'accu fa de flatterie,, & fut affez modefte pour
rejetter ce nom. Meffaline donnoit au milieu de
Rome le fcandale de la proftitution ; fans frein &
fans pudeur dans fes impudicités, elle varioit fans-
C L A
jeeffe fes débauches pour empêcher fes dëfirs de
-s’éteindre. Elle profita d’un voyage de fon mari à
Oftiepour fe marier a v e c Silius, chevalier Romain.
C e mariage effronté s’accomplit avec la plus grande
•pompe. On confulta fes aufpices, on offrit des facri-
fices, on fit un banquet fomptueux ; &. les deux
nouveaux époux furent conduits avec ceremonie
dans la couche nuptiale. Claudius inftruit de ce
fcandale, fut dans la néceflité de le punir. Meffaline
ne put fe diflimuler le danger qui la menaçoit.
Elle apprit le retour de Claudius dans le temps
qu’elle célébroitla fête des vendanges, fui vie d une
stroupe de bacchantes couvertes de peaux de tigres
& de panthères. Elle paroiffoit- ail milieu de cette
stroupe le cothurne aux pieds , le thirfe à la main,
& à fes côtés Silius, entortillé de lierre & bon-
diffarit avec des ménades. Des ruiffeaux de vin
-couloient de tous côtés, & l’ivreffe du vin & de la
joie étoit générale. Meffaline voyant fondre fur elle
la tempête Su côté d'Oftie, fe retira dans les jardins
de Lucullus, fe flattant de fléchir par fes larmes &
de feintes careffes, un époux qu’elle avoit tant de
fois outragé. Elle employa le miniftere de la plus
ancienne des veftales. Elle lui confia fes enfans, &
la pria de les conduire à leur père. Elle traverfa
Rome fans avoir d’autre efeorte que la populace,
qui l’accabla de fon mépris. Claudius réfuta dé la
voir & de l'entendre, Il fe rendit au camp , où les
foldats demandèrent la punition des coupables. Tous
deux qui étoient attachés à Meflaline furent condamnés
à la môrt. Silius, fon amant adultéré , fut
exécuté le premier.Tant de fang répandu femblo'it
avoir fatisfait le ftupide Claudius ; Meffaline ne cef-
foit de lui écrire,tantôt avec tendreffe & tantôt avec
menace.Narciffe, qui prévoyoit fa ruine s il ne la
prévenoit, détermina Claudius à confentir a fa mort.
Il s’avance à la tête de fes fatellites vers les jardins
de Lucullus : à leur vue , Meffaline_ effarée fe faifit
d'un poignard pour s’en frapper, mais fa main tremblante
fut fans force , & pendant qu’elle héfite, un
tribun lui plongea fon épée dans le corps. Sa mère,
qu’elle avoit déd.aignée dans fa grandeur, fut a fes
côtés jufqu’à ce quelle eût rendu le dernier foupir,
& ce fut elle qui prit foin de fa fépulture. Claudius.
en reçut la nouvelle à table, fans donner aucune
marque de joie ni de trifteffe. Il vit avec la même
indifférence fes enfans pleurer la mort de leur mère,
& fes accufateurs s’en réjouir.
Après la mort de Meffaline, toutes les beautés-
de Rome briguèrent l’honneur de la remplacer.
Agrippine fut préférée; & comme elle étoit nièce
de l’empereur, cette union parut inceftueufe. Claudius
, fier de s’être élevé au-deffus desloix, fe rendit
au fénat, où ces fortes de mariages furent autorisés.
Rome, depuis ce moment, devint l’efclave
d’une femme aufli ambitieufe qu’impudique, qui
fit plier fes hommes & les loix fous fes volontés.
Quelques aétions de clémence lui concilièrent
d ’abord l’affe&ion des Romains. Sénèque, rappellé
de fon exil pour être chargé de l’éducation de Néc
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fo n , fut revêtu de la préture. Elle fe fervit de fon
efprit pour applanir les ©bftacles qui fembloient
éloigner fon fils de l’empire. Cette mère, aveuglée
par fa tendreffe , facrifia fon bonheur à fon ambition.
Elle fit époufer Oâavie à Néron , honneur
qui le rendit égal en tout à Britannicus. Ses def-
feins furent favorifés par l’intrigue des courtifans ,
qui, complices de la mort de Meffaline, avoient à
redouter le reffentiment de fon fils, s’il parvenoit à
Lem pire. Agrippine, devenue l’arbitre des deftiriées
publiques & particulières, fit chaffer de Rome & de
l’Italie celles qui pouvoient lui difputer le feeptre
de la beauté. Pallas, favori de Claudius , avoit été
l’artifan de fon mariage avec Agrippine, qui en fit
l’inftrument de fon ambition. Néron, adopte par fes
confeils, jouit dès ce moment des prérogatives attachées
à l’héritier de l’empire. Britannicus négligé
fit éclater fon mécontentement, qu’on attribua aux
confeils de fes ferviteurs , qui tous furent punis par
l’exil ou la mort. On leur fubftitua des elpions qui
rendirent un compte infidèle des démarches les plus;
innocentes de ce prince infortuné. Le fuccès des
complots d’Agrippine dépendoit des difpofitions de
l’armée. Elle fit donner le commandement des cohortes
prétoriennes à Burrhus, capitaine eftimé, qui
n’oublia jamais qu’elle étoit la bienfaitrice. Cette
femme, enivrée de fa grandeur, fe faifoit porter fur
un char jufques dans le capitole , privilège dont les
feuls miniftres des dieux avoient joui jufqu’alors ;
mais c’étoit pour la première fois que les Romains
refpeéloient dans la même perfonne , la mère, la
feeur , la fille & la femme d’un empereur. Il s’éleva
des féditions dont Claudius fut fur le point d’être la
vi&i'me. L’Italie fut frappée du fléau de la ftérilité.
On imputa à fa négligence les maux que l’on avoit
foufferts, & ceux dont on étoit menacé. Le péril
qu’il courut dans les émeutes populaires, lui fit
chercher les moyens d’entretenir l’abondance dans
la capitale. Il encouragea, par des récompenfes, des
négocians à tirer des grains des pays étrangers : il
promit des dédommagemens à ceux qui effuieroient
des pertes ou des naufrages. Il fournit des vaiffeaux
& de l’argent pour cette entreprife. La loiquidéfen-
doit de fe marier après foixante ans, fut abolie ; il
fut permis à tout âge de donner des citoyens à l’état.
Il offrit enfuite au champ de Mars le fpeâacle d’un
combat naval. Plufieurs arrêts furent lancés contre
fes aftrologues & les devins ; mais de fi làges loix
reftèrentfans exécution. Claudius ne prêtoit que fon
nom à tout ce qui étoit ordonné dans Rome oc dans
les provinces. Toute la réalité du pouvoir réfidoit
dans Narciffe & Pallas, efclaves affranchis, qui corn-
mandoient aux defeendans d’ un peuple de rois. Narciffe
, rebuté par rimpérieufe Agrippine, fe repentit
d’avoir perdu Meffaline. Il fe jetta dans le parti de
Britannicus, qu'il promit de fervir contre fon concurrent
à l’ empire. La cour étoît agitée de faélions
lorfque Claudius, tombé malade, fe fit tranfporter
à Sinueffe , où il fe flattoit que la pureté des eaux &
de l’air lui réndroit fes forces; Agrippine profita de