-depuis cardinal ) les vers fuivans, rapportés dans
le journal de Henri I V , t. 2, p. 2,3^,
D’un fi léger bâton ne doit être battu
Le Perron à vos pieds lâchement abattu-'
Sa coulpe envers fon roi e ft par trop criminelle ;
Si la verge de fer que Chrift tient en fa main ,
Vous tenez en la vôtre ô vicaire romain !'
Rompez-lui tout d’un coup les reins & la cervelle.
On croiroit ces vers une manvaife tradition
des quatre vers latins qu’on va voir’, & qui font
au contraire la trad ition des vers françois î
Q u id tenui hos humeros ccedis, romane , b a c ille ?
I n t a n t o hoc h im iùm eft crimine p a n a le v ts .
S i t ib i quoe C h rifti commuais f ir re a v irg a ,
Débiteras Jacrum hoc comminuijfe capu t.
« D’Offat & du Perron, dit M. l’abbé de Lon-
’ ’ guerue ( lon^ueruana, part, î, pag. 155 , ) l’é-
» chappèrent belle quand on fut en france la
» manière de l’abfolution de Henri IV à coups
» de bâton. Le déchaînement fut univerfet, & je
» ne fais pas ce qui leur feroit arrivé fans M. de
» Ville roi, qni étoit un grand papimane. Le cban-
» ceiier de Chiverni crioit comme ain-aigle : on
»' s’efi tant déchaîné contre Henri III, mon bon mai-
» tre, tju a-t-il fait d’approchant ? Tous les gens
» de robe, tous les gens d’épée crioient de mê-
» me. Henri IV- voyant que l’affaire étoit faite,
» la prit par le bon côté.
Ce -fut Clement V I I I qui établit à Rome 'les
fameüfes congrégations dé auxilïis pour examiner
les questions fur la grâce , à l’occafion du livre
de Molina ; il y mertoit beaucoup d’intérêt. Il
mourut le 5 mars i6 o î. Il y a auffï un antioane
Clément V III. ^
C lément IX (Rospigliosi). Rien de plus célébré
dans l’hiffoire du janfénifme que la paix de Clément
IX , concernant la diftinélion du fait & du
droit. Mais point de paix à efpérer entre les dif-
puteurs, que par l ’indifférence & le mépris des
ipeétateurs ; fi vous les écoutez, ils parleront ; fi
vous les regardez, ils fe battront ; fi vous voulez
les-faire taire d’autorité, ils crieront cent fois plus
haut. ( r
C lement X (A ltiéri). Son neveu gouverna. Le
meilleur miniftre gouverne toujours moins bien
que le fouverain qui veut fe donner la peine ou
leplaifir de gouverner lui-même.
C lément XI ( A lbani ) , jouiffoit de la plus
grande réputation étant cardinal : lorfqu’il fut élu
pape, on frappa en fon honneur une médaille
avec cette infeription :
Albanum coluere patres, nunc maxima reram
sRoma colit,
Il eut le malheur de voir la grande guerre de la fuc-
cefiîon d’Efpagne remplir les deux tiers de fon long
pontificat; il étoit dans les intérêts de Louis XIV
& de Philippe V ; il faifoit des voeux pour le fuccès
d’un choix qu’il avoit confeillé , lorfque, fur la fin
du pontificat d’innocent X II, il avoit été-de la congrégation
, où l’on avoit délibéré fur la confultation
de Charles II, au fujet de fon teftament. Forcé dans
la fuite par les événenrens de reconnoître l’archiduc
Charles, il chercha, félon le génie de la politique
italienne, des titres & des exp reliions qui
puffenr ne le pas compromettre ; il écrivit à l’archiduc
, à notre très-cher fils , roi catholique en Efpa-
pagne. Il triomphoit de ce détour ; c’etoit avoir parlé
exactement, &L n’avoir point appellé l’archiduc roi
d'Efpagne. Une flotte angloife dans la Méditerranée,
des troupes allemandes fur les terresde l’églife,
firent abandonner tous' ces fubterfuges ; il fallut
écrire à notre très-cher fils , roi des EJ pagnes-. Tout
ce qne put faire Clément X I , ce fut de s’exeufer
auprès de Philippe V , en difant que cette recon-
noiffance ne donnoit point lin nouveau-droit à l’ar-
éhiduc, mot qui a paru remarquable dans la bouche
d’un pape.
A cette guerre politique fuccéda une guerre
théologique qu’on pourroit appel 1er la fécondé
guerre jan finifie, comme la fécondé guerre punique :
la première avoit eu pour objet le formulaire ; la
fécondé naquit au fujet de la conftitution Unigeni-
tùs. Le pape importuné par le père leTellier & par
les jéfuites, eut la foibleffe de donner cette bulle
contre un homme ( le P. Quefnel ) , & un livre
(les Réfléxions Morales ) qu’il «Armoit, & d’armer
les jéfuites contre le cardinal de Noailles , qui
n’avoit pas dû leur être facrifié. Ce fut le fignal d’un
déluge d’écrits polémiques.
C ie l ! que d’ écrits j de difquifitionSj
De mahdemens & d’explications ,
Que l’on explique encor, peur de s’entendre f
Toutes les déelamationsdes janféniftes contre la
huile ( car fa célébrité eft telle , foit en bien , foit
en mal, qu’on l’appelle ainfi par excellence ) ire
valent pas cette application qu’on lui a faite de trois
vers de Racine.
Cette Hélène qui trouble & t’Europe & l’Afie ,
Vous femble-t-eHje un prix digne de nos exploits?'!
Combien nos fronts pour elle ont-ils rougi de fois!'
Clément X I -mourut en 1721. On a de lui dès
OEuvres recueillies en plufieurs volumes in-folio $
mais c’eft par la bulle Unigenitus qu’il eft le plus
connu.
C lément XII ( C orsini) , mort le 6 février 1774J
C lément XIII (R ezzonico ) , mort'en 1769,
C lémentXIV(Ganganeeli) ,mort le 22 feptem*
bre 1774, font des'papes trop modernes pour que leu*
réputation foit faite. Ces noms ne font pas encore
murs pour l’hiftoire. Ce n’eft pas qu’on n’aît écrit 1
la vie de Ganganelli,, & même donné fous fon nom
des lettres qui ont trompé quelques perfonnes.
Sans examiner quelle peut être l’authenticité de cette
v ie , nous en tirerons quelques traits que nous ne
prétendons point garantir.
Jean-Vincent-Antoine Ganganelli naquit au
bourg de Saint-Archangelo, près Rimini, le 31
oétobrè 1703. Il étoit fils d’un médecin : l’origine
,de fa famille, qui étoit noble & patricienne, remonte
à l’an 1366. Il fe diftingua dans fes études.
Son ardeur pour le travail mit fa vie en danger.
Ma. plus grande peine , dit-il, quand il fut revenu
en fanté , étoit de mourir fans avoir vu Rome. On
ne pourroit pas lui demander, comme Méiibée à
Tityre : ' v
E t quee tanta fu it Romani tibi caiifa videndi ?
Il n’y a point d’Italien qui, en allant a Rome
& en entrant dans l’état eccléfiaftique 9 n’ait en
perfpe&ive la papauté. L’exemple de Sixte-Quint,
fur-tout, répand cette idée ambitieufe parmi les
enfans même du peuple : les payfans ont le portrait
de ce pape, & en parlent fréquemment.
Ganganelli fe fit cordelier. Si vous confidérez la
piété, dit-il à ceux qui vouloient l’en détourner ,
où peut-on la trouver plus fûrement que chez les
religieux de faint François ? Si vous préferez 1 ambition,
où peut-on être mieux que dans un ordre
qui fit la fortune de Sixte - Quatre & de Sixte-
Quint ?
Sa cellule , fes livres, fon travail fuftifoient à
fon bonheur : fi jamais je les abandonne, dit-il,
je cefferai d’être heureux. « On n’eft feul, ajou-
5) toit-il, que lorfqu’on s’ifole de foi-même pour fe
» répandre dans la fociété.
Les honneurs vinrent le chercher ; Clément
X III le fit cardinal, & il lui fuccéda dans la papauté.
Il prit le nom de Clément X IV . .
Le trait le plus apparent de fon cara&ère étoit
la gaieté ; c’étoit, difoit-il, le feul patrimoine que
fes parens lui euffent laiffé ; elle ne le quitta point
fur le trône pontifical. Après la cérémonie qu’on
appelle Vadoration du pape, on lui demanda s’il
ji’étoit pas fatigué , il répondit qu’il n’avoit jamais
vu cette cérémonie fi à fon aife, parce qu’il fe fou-
venoit d’avoir été rudement repouffé aux étfalta^-
lions précédentes, lorfqu’étant fimple religieux ,
il étoit confondu dans la foule des fpeâateurs.
Il conferva les moeurs, & fur-toutla fobriété du
cloître , elle entretenoit là gaieté. Le chef de cuifine
de fon prèdéceffeur vint le prier de le garder :
vous ne perdre{ point vos appointemeps, lui dit-il ,
mais moi je nirai pas perdre ma Janté en éxerçant
vos talens.
Il n’eut point pour lors d’autre cuifinier qu’un
frère François, qui s’étoit attaché à lui dans fon
couvent.
» François ne s’avife de faire un livre ; en tout
v cas, ajouta-t-il, ce ne fera pas l’hiftoire de mes -
V ragoûts, ou elle fera courte ».
Il pàrloît un jour de la multitude exceflive des
écrivains. « Je ne défefpère pas, dit-il, que le frère
Avec cette gaieté, Ganganelli étoit fort fecret;
on pourroit dire fur cela comme la Fontaine :
Notez cfs deux points-ci.
Pendant le conclave , deux cardinaux-lui déni
an doient s’il vouloit être pape : vous êtes trop peu,
répondit-il, pour me nommer ± & trop pour avoir mon
fecret, vous nen faure^ rien.
u Un fouverain qui a des confidens, difoit-il,
» eft infailliblement dominé & toujours trahi. Je
» dors tranquille, parce que je -fuis fut que mon
» fecret n’eft qu’à moi. Le filence ne s’écrit point :
» il tacere non f i ferive. A u fîi, difoit-on dans Rome
-» que le pontificat de Ganganelli n’étoit pas celui
» des curieux ». Il fignal a fur tout cette diferetion
dans la fameufe affaire de l’extiriéUon de l’ordre des
jéfuites.
Toujours étonné de fon élévation , & toujours
populaire : laiffez, difoit - il à fes gardes , laiffez
approcher ces bonnes gens , ils voient un homme
ordinaire, « un homme comme eux , parvenu à
» cette dignité ; cela leur donne de l’efpe.rance ».'
On lui difoit que M. le cardinal de Bernis avoit
fort defiré de le voir pape’ : « je n’en fuis point
» furpris , dit-il, les poètes aiment les métamor-
» phofes.
» J’ai été prince & pape toute la journée, di-
» foit-il un foir , je fuffoque, refpirons.
» Frère François , difoit-il encore , a garde fort
» habit, il eft plus heureux que moi. Le befoin
» des peuples eft l’horloge des fouverains ; à quel-
» que heure qu’ils aient befoin de nous , il faut être
v à eux».
Il étoit toujours en garde contre la louange :
a c’eft, difoit-il, la pâture des fots. & la friandife des
» bigots ». Eh j s’écrioit-il quelquefois , on a loué
Néron & Alexandre VI.
Le trait fuivant réunit la bonté à la gaieté. Deux
malheureux avoient été condamnés aufupplice, il
| ordonna qu’ils tireroient aü fort, puis il fit grâce
à celui fur qui le fort étoit tombé, en difant : j ’ai
condamné les jeux de hafard ; mot efficace, & parla
beaucoup meilleur que ce mot ftérile, & pourtant
fi vanté de Néron : je voudrais ne favoir pas
J écrire.
1 Clément X IV mourut le ' 22 feptembre 1774.'
I L’auteur de fa vie a du moins la modération de
S convenir que l’allégation de poifon n’eft pas fondée
J. fur des preuves fujfifantes. Les ennemis des jé-
i ftjites ne fonf pas fi modérés fur cet article ; ils
î difentque depuis le bref donné le 21 juillet 1773
j pour l’extinftion de la compagnie de jéfus, Clément
X IV ne fit que languir & fouffrir, & qu’il difoit
au milieu de-fes douleurs : j e vais à Véternité±
6* je. fais pourquoi.