
C O L
voir le cadavre déjà fétide de l’amiral, pendu par
les pieds avec une chaîne de fer au gibet de Mont-
faucon 8c le roi répéta le mot de Vitellius : Le
corps d’ un ennemi mort fent toujours bon. La tête de
l’amiral fut portée à Catherine de Médicis:
Médicis la reçut avec indifférence » ... •
Et comme accoutumée à de pareils préfens.
Quand il fallut s’expliquer avec les puiflances
étrangères fur cet horrible crime, on prit le parti
d’imputer au malheureux Coligny une faillie conf-
piration contre le roi 8c toute la famille royale,
& de le calomnier, parce qu’on l’avoit égorgé.
( Voye^ l’ article CAVAGNES. )
Lorfque Henri, duc d’Anjou , qui avoit été de
moitié de toutes ces violences, traverfa l’Allemagne
pour fe rendre en Pologne, il trouva fur fa
route des traces de l’horreur qu’infpiroit la faint
Barthelemi. En entrant dans le 'cabinet de l’électeur
Palatin, le premier objet qui frappa fes regards
fut un portrait fort reffemblant de l’amiral de Co-
il Vous, connoiftez cet homme, monfieur,
lui dit l’éleôeur d’un ton févère, » vous avez fait
» mourir le plus grand capitaine de la chrétienté ,
» qui vous avoit rendu les plus fignalés fervices,
» ainfi qu au roi votre frère. Le roi de Pologne un
» peu troublé, répondit: c’étoit lui qui vouloit
» nous faire mourir tous, il a bien fallu, le préve-
» nir .... Monfieur, répliqua l’éleéleur , nous en
» favons toute l’hiftoire ». A table , le roi de Pologne
ne fut fervi que par des huguenots françois,
échappés au mafiacre de la faint Barthelemi, qui
fembloient le menacer en le fervant, & l’éle&eur
parut prendre plaifir, pendant toute la journée, à
lui faire craindre pour la nuit les repréfaiiles de
ce mafiacre.
L amiral de Coligny avoit écrit l’hiftoire des
guerres civiles de France , ouvrage qui, venant de
cette main , eût fans doute intéreifé, 8c qui nous
eût mieux fait cônnoître le caradère & l’étenâue
des talens de ce général ; le manufcrit en fut remis
à Charles IX , 8c ce prince n’étoit pas éloigné
de le faire imprimer ; mais le maréchal de Retz
l’en détonrna, & fit jetter l’ouvrage au feu en
haine de l’auteur, « & envieux , dit Brantôme , de
» la mémoire & de la gloire de ce grand perfon-
* nage, ce qu’il ne devoit, puifque l’envie ne
»> règne que parmi les pareils, & qu’aiitant de
» femblance , difoit-on , y avoit-îl, comme d’un
» âne à un noble cheval d’Efpagne ».
Le même Brantôme rapporte dans un autre endroit,
qu’un Italien francifé, qui paroît être le
même maréchal de Retz - Gondi, confident de
Cathérine de Médicis, vint protefter quelque temps
avant la faint Barthelemi,devant l’amiral lui-même,
contre l’imputation qui lui avoit, difoit - il., été
faite, d’avoir voulu tuer l’amiral. Coligny le regarda
' en fouriant, 8c lui dit: Vous êtes l’homme de la
cour que je foupçonnerçis le moins d’un pareil coup !
raillerie fanglante dans un temps où tuer étoit un
mérite fi grand & pourtant fi commun. Brantôme
la préfeiite bien dans ce fens.
Voye^ à l’article A n jo u , tome I , première part.
page 324, un mot du duc d’Alençon - Anjou fur
l’amiral de Coligny, mot qui fait honneur à tous
deux.
L’amiral avoit deux frères, qui tous deux fervi-
rent la caufe des Proteftans; l’un futOdet de Co-
ü%ny » connu fous le nom du cardinal de Châtillon,
archevêque de Touloufe à dix - neuf ans , évêque
de Beauvais à vingt. Il f&fit huguenot , & le pape
Pie IV lui ôta la pourpre romaine ; il Pavoit quittée
de lui-même pour prendre l’habit guerrier ; mais
quand le pape la lui eut ôtée , il la reprit, fe maria
en foutane rouge avec Ifabelle de Hauteville , 8t
affeéta de donner à fa femme un rang ecçléfiafti-
que, en la faifant nommer madame la cardinale,
ou madame la comtefle de Beauvais. Après la mort
du cardinal, elle demanda fon douaire en juftice.
Sa demande fut rejettée par un arrêt du parlement
de Paris, rendu en 1604. Le cardinal avoit été
décrété de prife de corps comme fujet rebelle &
eccléfiaftique fcandaleux. A la bataille de Saint-Denis
il portoit les armes contre le roi. Il mourut en
1571 ,en Angleterre, où il étoit allé folliciter du
fecours en faveur des huguenots ; il fut empoi-
fonné par un de fes domeftiques , qui, ayant été
pris par les Roçhellois, fubit- la peine de fon crime.
L’autre frère de l’amiral étoit François de Co-
ligny, connu fous le nom de d’Andelot ; c’étoit
un dés plus utiles lieutenans de l’amiral, qui'.s’é-
toit défait en fa faveur de la charge de colonel
général de l’infanterie françoife. ( Voyeç fur un
crime qu’on lui a mal-à propos imputé, l’article
C h a r r i . ) On le nommoit le chevalier fans peur ,
titre que plufieurs ont porté, mais qui a toujours
du diftinguer. II. fut rivai du prince delà Roche-
fur-Yon, prince du fang ; jls fe difputèrent l’héritière
de la maifon de L a va l, & d’Andelot l’emporta
par le crédit du connétable de Montmorenci
fon oncle. Cette rivalité fit naître une querelle
entre eux. La grande réputation de valeur que d’Andelot
s’étoit acquife fut pour le prince de la Roche-
fur -Y on un motif de plus de vouloir fe battre
contré lui ; il le cherchoit par-tout, 8c d’Andelot
l’évitoit par tou t, croyant devoir ce refpeâ à fon
rang, 8c effrayé de l’idée d’un combat fingulier
contre un prince du fang. Tous deux accompagnant
un jour le roi à la chaffe, d’Andelot s’écarta un
moment , le prince de la Roche-fnr-Yon fut à l’inf-
• tant'fur fa trace , 8c commença par l’infulter ; ils
mettent l’épée à la main, & d’Andelot blefle le
prince. Défroches, gentilhomme du prince, fur-
vient & fond fur d’Andelot ; le combat continue
entre eux , un gros de chafieurs arrive, & les fé-
pare. Les princes du fang demandèrent jufiice au
roi de ce qu’ils appelloient l’audace de d’Andelot,
le connétable de Montmorenci prit hautement la
défenfe de fon neveu, alléguant que le prince étoit T
l’agreffeur. Soit crédit, foit juftice , d’Andelot
refta impuni, & continua d’éviter le prince, qui
continua de le chercher.
Un jour,. d’Andelot revenant |de Saint-Germain5-
en -L a y e , où étoit la cour, entroit dans un bac
pour traverfer la Seine, il apperçoit le prince de
la Roche-fur-Yon qui accouroit à toute bride, &
qui crioit qu’on l’arrêtât ; il fentit que l’occafion
alloit devenir inévitable ; il prend fon parti fur-le-
champ, tire fon épée, coupe le cable & s’abandonne
au courant. Le prince, ou ceffa de chercher
des occafions , ou n'en trouva plus.
D ’Andelot fut fait prifonnier avec l’amiral fon
frère, à la bataille de Saint-Qiientin, en 15 57.ll fer-
vit en 1558 à la prife de Calais; il fe fignala dans
lès guerres civiles, à la bataille de Dreux, en
1562.Il défendit Orléans en 1563,8c acquit beaucoup
de gloire dans ces déplorables divifions que
la religion excita en France ; il fit fes derniers exploits
à la bataille de Jarnac, en 1569, 8c mourut
quelqués mois après.
Le fécond maréchal de Châtillon, petit-fils de
l’amiral, gagna , le 20 mai 1635 , la bataille d A-
vein , contre le prince Thomas de Savoye. Le
prince Thomas lui'fit lever le fiège de Saint-Omer
le 15 juillet.r638. En 16 39, 1e maréchal fit lever
à Picolomini. le fiège de Moufon, 8c prit Yvoi.
En 1640 il prit Arras , fiège mémorable ; il avoit
avec lui les maréchaux de Chaulnes 8c de la Meille-
raye. Le duc d’Anguien q u i, trois ans après, étoit
déjà le grand Condé , s’il n’en portoit pas encore le
nom , étoit à ce fiège ; il faifoit alors fes premières
armes. En 1641 , le maréchal de Châtillon perdit,
le 6 juillet, la bataille de la. Marfée, mais la mort
du vainqueur, le comte de Soi fions, rendit la victoire
inutile à fon paçti. Le maréchal de Châtillon
mourut en 1646, dans fort château de Châtillon;
il étoit l’élève à la guerre de Maurice 8c de Frédéric
Henri, princes d’Orange.
La comteffe de la Suze, fi célèbre .par. fon efprit,
étoit fa fille ; la duchefie de Châtillon, fi célèbre
par fa beauté', étoit fa bru.
Le maréchal eut trois fils célèbres ; le comte de
Coligny , qui fe battit en 1643 contre le duc de
Guife. Il mourut en 1644, du vivant du maréchal.
Le duc de Châtillon,. tué en 1649,. au
Charenton , 8c dont la fameufe ducheffe de Châtillon
, Eiifaberh* An gélique de Montmorenci , foeur
'du maréchal de Luxembourg, la même qui vient
d’être nommée, étoit la veuve.
Et le comte de Coligny, Jean , qui commandbit
les François en Hongrie contre les Turcs en 1664,
dans le temps du combat de Saint-Godart. Il mourut
en 1686, 8c ce fut dans la perfonn.e de fon fils,
mort le 14 mai 1694, que s’éteignit cette illuftre
race de Coligny Châtillon,
COLIN J COLLIN. Voye^ C h a t e l ( du ).oa
C a s t i l l a n .
COL LATIN. Voyez L u c r è c e & T a r q u in ..
COLLÉ ( Hifl. litu mod.-). On pourroit le ne or-
mer le dernier génie comique, comme on a nommé:
Brutus 8c Caftius les ■ derniers Romains, Il a eu
le vis conüca dans un degré très-rare. Son Dupuy
& Defronais, trop négligemment écrit r trop mal
verfifié, eft d’ailleurs plein de feu, 8c l’amour n’y"
manque pas d’éloquemse , puifque le caractère in-
fléxîble de Dupuy cède à cette éloquence., de l’aveu
du fpèétateiir q u i, entraîné comme lu i, juge;
qu’il doit fè rendre r 8c approuve lè dénouement.
La Partie de Chaffe de Henri IV eft une des pièces-
qu’on revoit le plus fouvent 8c avec le plus de*
plaifir ; elle réunit le charme des deux genres ; elle
fait beaucoup rire 8c beaucoup pleurer. Le fbuper,
le moment où Henri IV eft reconnu , font des tableaux
enchanteurs. Des à-propos heureux, une;
I obfervation fine des caractères jufques dans les?
moindres nuances, une gaieté franche, une fen-
fibilité vraie, rempliffent ce fond fi riche des plus--
riches détails. Plufieurs autres comédies, qu’on ne
peut pas trop nommer ici,, annoncent encore, s’ili.,
eft pofiîble, un génie plus effentiellement comique
: ajoutons à ces titres des chanfons d’une originalité
piquante, 8c dont chacune, dans de certains
temps, auroit fuffi pour faire une réputation..
Nous ne mettons pas dans ce nombre les chanfons-
où il a célébré des événemens publics; celles-là
tiennent de la nature des ouvrages de commande r
toujours'condamnés à la. médiocrité., 8c il n’ÿ a
point eu à cet égard d’exception en fa fàveur ;;
mais les chanfons que fon génie lui a infpirées fur
des fujets de fon choix 8c de fon goût r font des-
modèles dans ce genre, 8c confirment ce que nous-
avons dit de fon talent comique.. M. Collé eut d’ailleurs
un caraâère 8c une conduite également efti-
mables ; il joignit la vertu à la gaieté ; ami sûr*
8c fidèle, bon mari jufqu’à n’avoir pu furvivre àà
une femme que beaucoup de mérite 8c toutes les-
chaînes de la tendreûe 8c de l’habitude avoient
rendue néceffaire à fon exiftence> depuis fa mort
îl ne fit que languir dans la folitude 8c dans la douleur
, folo in litiore fecum , 8ç il la fuivk de près, ïî:
a manqué à la lifte de l’académie françoife,. &.
l’académie a manqué à fa gloire. Les gens fans partialité
, pour qui les faisions littéraires, s’ily-en a ,.
font comme fi elles n’étoient pas, l’y. appelloient:
de tous leurs voeux ; maisy,foit préjugé de jeunefie
foit intérêts cachés de fociété,, fait cette envie fe-
crette qui fe güfie quelquefois dans une aine, meme'
honnête,, à fon infçu , M. Collés’éteit laîfle prévenir
d’une forte haine contre nos meilleurs écri>
vains,. contre les plus grands noms de la littéral
ture ; c’eft la feule tache d’ un caraâère d’âilleursi
irréprochable. Cette haine, félon l’ufage, lui fu r
fans doute rendue avec quelque ufure, car il.n’&-