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à la couronne. Pendant fa minorité, les Piâes
défolèrent les diverfes provinces de fon royaume ;
& fes fujets, qui efpéroient que fa valeur venge-
roit un jour la patrie, & repoufferoit les brigands
qui la ravageoient, furent cruellement trompés,
quand, devenu majeur, Etkeired ne montra qu’un
caraâère infâme, un affemblage monftrueux -de
débauches & de brutalités, d'infolence & de baf-
ieffe, d’orgueil & de timidité. Ses goûts pervers,
qui n’étoiem balancés par aucune apparence d’honnêteté
ni de vertu, fa foibleffe, fon amour effréné
pour les plaifirs rendirent aux Danois leur antique
courage , & réveillèrent en eux le defir de fufciter
des troubles. Ils invitèrent leurs compatriotes à
v en ir , du fond du Danemarck, ravager avec eux
^’Angleterre, & s’emparer du riche butin qui fem-
ibloit les attendre.
Les Danois empreffés defcendirent fur les côtes
d’Angleterre, & laifsèrent par-tout d’affreufes marques
de leurs dévaluations. Ces ravages continuèrent
©c fe perpétuèrent par les fréquentes irruptions
denouvelles troupes de Danois qui paffoient chaque
jour en Angleterre. Trop timide, trop lâche pour
s’oppofer à ces invafions , Ethelred fe décida
par le confeil de l ’archevêque de Cantorbéry,
digne miniftre d’un aufli lâche fouverain, à offrir
aux Danois une femme confidérable, à condition
qu’ils cefferoient d’opprimer le royaume, & qu’ils
le remettroient en mer. Les Danois acceptèrent
les fommes qu’on leur préfentoit; mais, remplis
de mépris pour Ethelred, ils publièrent les conditions
de leur retraite ; en forte que le parti qu’on
leur avoit fait, bien loin de terminer la guerre, ne
fit qu’attirer de nouveaux èffaims de Danois, qui
vinrent à leur tour profiter de la foibleffe des
Anglois. Deux de cestroupes arrivèrent, conduites,
l’une par Swénon, roi de Danemarck, & l’autre
par Olaüs, roi de Norwége : ils avoient équipé
de concert une flotte nombreufe ; ils entrèrent
dans la Tamife ; & s’étant répandus dans le pays,
ils y exercèrent les plus grandes cruautés. Olaüs,
moins barbare, reconnut fon injuftice, pofa les
armes , donna la paix aux Anglois, embraffa le
Chriftianifme & s’en retourna dans fes états. Mais,
loin de l’imiter, Swénon ne reprit le chemin des
côtes qu’après avoir ruiné le royaume , répandu
le fang du plus grand nombre des habitans, &
forcé le lâche Ethelreda conclure un traité honteux,
par lequel il permettoit aux Danois de s’établir
en Angleterre, & de fe fixer dans les contrées
& les villes qui leur plairoient le plus. Àutorifés
par ce traité , dans les excès de leurs déprédations,
les Danois ne mirent plus de bornes à leurs vexations:
ils traitèrent les Anglois, non en compatriotes
, mais en efclaves abattus. C’étoit pour ces
conquérans que les Anglois labouroient & fe-
moient. Accablé, comme fes fujets, d’une fi dure
tyrannie, mais trop intimidé pour fe fouftraire en
prince courageux aux fers de fes vainqueurs,
Ethelred JJ forma le complot le plus violent, le
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, plus vil & le plus atroce qu’un lâche puifle imaginer
; ce fut de profiter de ia fécurité que la terreur
publique donnoit aux Danois, & de les faire
tous égorger dans un même jour. Cette horrible
confpiration fut conduite avec tant de fecret, &
les mefures prifes avec tant de jufleffe, qu’au jour
marqué les Anglois fe jetèrent fur leurs hôtes,
en firent, dans toute l’étendue du royaume, un
maffacre général, fans égard au fexe* ni à l’âge,
ni à la condition des proferits. Le barbare Ethelred
porta la cruauté jufqu’a faire traîner devant lui
la foeur de Swénon , jeune & belle princeffe,
mariée à un feigneur Anglois, & il lui fit couper
la tête fur les marches de fon trône. Cette affreufe
nouvelle ne fut pas plutôt parvenue en Danemarck,
que Swénon, tranfporté de fureur, rafi-
fembla fon armée, équipa une puiffanre flotte,,
fe mit en mer, aborda en Cornouailles, & mit
tout à feu & à fang en Angleterre. Battu de tous
côtés & hors d’état de s’oppofer à la vengeance
des Danois , Ethelred prit la fuite, pendant que
Swénon affouviffoit fa rage & facrifioit tout à
fon reffentiment. Abandonnés à eux-mêmes, &
ne pouvant lutter contre la valeur des Danois ,
les Anglois fe fournirent & reconnurent Swénon
pour leur fouverain : mais la tyrannie du roi
Danois fut courte, il mourut; & fes fujets, croyant
que les difgraces avoient inftruit & corrigé leur
prince, le rappellèrent & le placèrent fur le trône,
où il continua de fe déshonorer pat fon avidité
& fes vices. Cependant" Canut, fils de Swénon’,
partit du Danemarck pour venir prendre poffeffjon
du royaume d’Angleterre, où il fubjugua d’abord
tout leAVeffex, envahit fucceflivement la plupart
des provinces. Ethelred, qui n’ofoit fe montrer
devant fon concurrent, fe renferma dans fon
palais, couvrant fa lâcheté du prétexte d’une
maladie : mais, à force de contrefaire le malade,
il le devint en effet, & mourut en 10 17, également
méprifé des Danois & de fes fujets, dans
la trente-feptième année de fon règne, & il tranf-
mitfes états, ou plutôt les débris de fon royaume,
à Edmond, furnommé Côte-de-fer, fon fils. Voye^
Edmond , furnommé C ôte-de- fer. (L . C. )
ETHELWOLPH. {Hiß. d’Angleterre.) C ’eft un
énorme poids que celui d’un grand nom ! EtheU
wolph en fut accablé. C en ’efl cependant pas qu’il
fût fans ta len s fan s vertus ; mais il étoit fils d’E g-
bert, & il parut, à tous égards , peu digne de
fuccéder à un tel conquérant. Les Danois ne
furent pas plutôt informés de la mort d’Egbert,
qu’oubliant les conditions auxquelles ils avoient
obtenu la paix, ils armèrent une flotte, fe montrèrent
proche de Southampton, defcendirent à
terre & pillèrent le pays. Ethelwolph, pacifique par
lâcheté, envoya.contre eux Ulfard fon générai,
qui les battit & les força de fe remettre en mer.
Ethelwolph fe flattoit de n’être plus inquiété, mais
| il fe trompoit : il apprit l’arrivée d’une nouvelle
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flotte danoife, qui, débarquée à Port-Land, rava-
geoit la contrée. Le timide fouverain non-feulement
ne marcha point contre les ennemis, mais
encore joignant l’imprudence à la lâcheté, il ôta le
commandement au brave Ulfard, & le donna à
Edelin, général fans talens & guerrier fans valeur,
qui prit honteufement la fuite & caufa la perte
de l’armée qui lui avoit été confiée. Edelin fut remplacé
par Hébert, qui fut plus malheureux encore,
& qui perdit la bataille & la vie. Enhardis par
leurs fuccès, les Danois fe répandirent de tous
côtés, ravageant la campagne & les villes. Ethelwolph
fe détermina enfin à s’oppofer lui-même
aux progrès des Danois : il ne fut point heureux,
les Anglois furent mis en déroute ; & les Danois,
chargés de butins & raffafiés de carnage, remontèrent
fur leurs vaiffeaux. Ce fut à peu près dans
le temps de ces défaftres que la nation des Piélcs
fut entièrement détruite & exterminée par Keneth
I I , roi d’Ecoffe , qui pouffa fi loin fa victoire , que
depuis il n’eft plus refté que le nom fèul de cette
nation, qui avoit fleuri ft long-temps dans la Grande-
Bretagne.
Ethelwoph, foit pour oppofer une plus forte
réfiflance aux Danois, qui ne ceffoient d’infefter
fes états, foit qu’il fe fintît fatigué des foins qu’il
étoit forcé de donner au gouvernement, s’affocia
au trône Adelftan fon fils naturel, auquel il céda
les royaumes de Kent, d’Effex & de Suffex, ne
fe réfervant pour lui-même que la fouveraineté
fur toute l’Angleterre & le royaume de Weffex.
La nation, pour avoir deux rois, n’en fut ni plus
heureufe, ni plus fagement gouvernée. Il eft vrai
que les Danois la laifsèrent refpirer quelque temps ;
mais cet intervalle fut rempli par les troubles que
causèrent les mécontentemens & la révolte des
Gallois, qui fe jetèrent fur la Mercie, & remportèrent
fur Bernulphe, qui y régnoit, de très-
grands avantages.
De toutes les fondions de la royauté, celle qui
accabloit le plus l’ame timide $ Ethelwolph, étoit
le foin de repouffer la guerre par la guerre. Mais
enfin, les circonffances devinrent fi preffantes,
& les Gallois exerçoient dans la Mercie de fi
cruels ravages, qu’il ne put fe difpenfer de
marcher en perfonne contre Roderic leur chef.
Il raffembla fes troupes & les joignit à celles de
Bernulphe, roi de Mercie. Roderic , affez puiffant
pour lutter contre Bernulphe, ne fe crut point
affez fort pour réfifler au Anglois joints aux
Merciens, & il demanda la paix, qu’Ethelwolph
s’empreffa d’autant plus volontiers de lui accorder,
ue ce n’étoit jamais que par effort qu’il fe déci-
oit à combattre. Mais il fe flatta vainement de
jouir du repos que cette paixfembloit lui procurer:
les Danois, qui tous les ans faifoient des invafions
en Angleterre, occupés à dévafter les provinces
du Nord, avoient laiffé les provinces méridionales
jouir -de quelque tranquillité ; mais elles éprou-
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vèrent à leur tour les fureurs de ces brigands,
qui firent une defeente fur les côtes du Weffex,
& ravagèrent les contrées voifines de la mer. Ils
fe retiroient chargés de butin , & fatigués plutôt
que raffafiés de crimes, lorfque, prêts à ferembar-
quer, ils rencontrèrent le comte de C é o l, général
à'Ethelwolph, q u i, profitant du défordre où étoient
ces troupes, tomba fur elles au moment où elles
s’y attendoientle moins, & les défit entièrement.
Cette perte ne fit qu’irriter les Danois, au lieu
de les décourager ; & dès le printemps de l’année
fuivante, ils entrèrent dans la Tamife avec une
flotte de trois cent voiles, remontèrent la rivière
jufqu’auprès de Londres, defcendirent, & commirent
des cruautés inexprimables. Peu fatisfaits
d’avoir dévafté la campagne, ils entrèrent dans
Londres , y mirent tout à feu & à fang, ainfi que
dans Cantorbéry : ils pafsèrent enfuite dans le
royaume de Mercie, où ils ne fufpendirent les
excès de leurs fureurs, que par l’avis qu’ils reçurent
des préparatifs que faifoient Ethelwolph & Adelflan.
Ils retournèrent fur leurs pas , & repafsèrent la
Tamife, déterminés à livrer bataille aux deux
rois, campés à O ckley, dans la province de Surrey.
Ils ne ceuèrent de piller, de maffacrer , que lorf-
qu’ils furent en préfence dû Ethelwolph & d’Adelftan.
Le combat s’engagea ; la haine étoit égale des deux
côtés ; la viéloire balança quelque temps : mais enfin
elle fe déclara pour les Anglois, qui firent un maffacre
fi terrible de leurs ennemis, qu’il n’en réchappa
prefque point.
Depuis cette bataille, l’hiftoire garde le filence
fur Adelftan : les annaliftes difent feulement qu’il
mourut fans laiffer de regrets à d’autre qu’à fon père,
qui ne voulut point céder la couronne de Kent à
Ethelbald fon fils aîné, dont il déteftoit les vices ,
& dont il craignoit la perverfité & l’inhumanité.
La défaite des Danois, procurant à l’Angleterre
la paix dont elle avoit été privée depuis tant
d’années, Ethelwolph s’occupa tout entier, non des
devoirs de la royauté,mais des minutieufes pratiques
de fa dévotion ; il paffoit tout fon temps à vifiter
leséglifes, où à s’entretenir avec les moines qu’il
enrichiffoit. Ce fut aufli parmi les eccléfiaftiques
qu’il fe choifit deux favoris, dont la méfintelligence
& l’ambition ne tardèrent point à fufciter des
troubles. Ces deux favoris étoient Suithun, évêque
de Winchefter ; & Alftan, évêque de Sherburn,
ennemis irréconciliables, qui profitoient tour-à-tour
du malheur des circonftances & de la foibleffe du
roi. pour fe nuire l’un à l’autre.
Ethelwolph ne voulant point mourir fans recevoir
la bénédiâion du pape, fe rendit à Rome, y
reçut un accueil diftingué, fe profterna aux pieds
du pontife , & fut fi flatté des honneurs qu’on lui
rendit, qu’il s’engagea à envoyer tous les ans à
Rome une rétribution de trois cents marcs, dont
deux cents pour fournir des cierges aux églifes de
Saint-Pierre & de Saint-Paul, & cent pour fub-
venir aux befoins particuliers du pape. Mais pendant