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•> y refpire je ne fais quoi de lugubre, & on y lent
» des coeurs percés de la plus, vive douleur.. .. Au
» bout de quelques jours, on fe rend encore pro-
« ceflionellement dans une grande falle du confeil,
5> dreffée exprès ; on y fufpend, contre les parois
» les offemens & les cadavres* dans le même état
» ou on les a tirés du cimetière ; on y étale les
» préfens deftinés pour les morts. Si, parmi ces
» trilles relies, il fe trouve ceux d’un chef, fon
» fucceffeur donne un grand repas en fon nom ,
»> & chante fa chanfon. En plufieurs endroits, les
» corps font promenés de bourgade en bourgade;
» & reçus par - tout avec de grandes démonftra-
» tions de douleur & de tendreffe. Par-tout on leur
» fait des préfens, & on" les porte enfin à l’endroit
9t où ils doivent être dépofés pour toujours..*.
» Toutes'ces marches fe font-au fon des inftru-
» meus, accompagnés des plus belles voix ; &
» chacun y marche en cadence.
» La .dernière & commune fépulture eft une
»y grande foffe qu’on tapiffe des plus belles pelle-
» teries & de ce qu’on a de plus précieux. Les pré-
»> lens defiinés pour les morts font placés à part.
A mefure que la proceflion arrive . chaque fa-
» mille s’arrange fur des efpèces d’échafauds
» dre fie s autour de la fofië ; & au moment que
» les corps font dépofés, les femmes recommen-
» cent à ctier & à pleurer ; enfuite tous les alfiftans
» defcendent dans la foffe, & il n’eft perfonne
» qui n’eri prenne un peu de terre, qui feconferve
» précteufement. Ils s’imaginent que cette terre
» porte bonheur au jeu. Les corps & les offemens
w font arrangés par ordre, couverts de fourrures
» toutes neuves, & par-deffus d’écorces , fur
» lefquelîes on jette des pierres , du bois & de
» la terre. Chacun fe retire enfuite chez foi, &c. »
ti p i
F ete des A nes , ( Hiß. mod. ) cérémonie qu’on
faifoit anciennement dans l’églife cathédrale de
Rouen le jour de Noël. C ’étott une proceflion
•où certains eccléfiaftiques choifis reprélentoient
les prophètes de l’ancien teflament qui avoient
prédit la naiffance du Meflie. Balaam y paroiffoit
monté fur une ânejfe, &_c’eft ce qui avoit donné
_le nom à la fête. On y voyoir aufîî Zacharie .
feinte Elifabeth , faint Jean-Baptifte, Simeon, la
fybille Erythrée, Virgile . à caufe de foii églogue
Sicelides Mu f a , &c. Nabuchodonofor, & les trois
cnfans dans la fournaife. La proceflion, qui for-
toit du cloître, étant entrée dans l’églife , s’arrêtait
entre un nombre de perfonnes qui éto ent rangées
«Îe3deux.côtés pour marquer les juifs & les gentils,
auxquels les chantres difoient quelques paroles ;
puis ils appelaient les prophètes l’un après l’autre,,
cçiïi grrononçoient chacun lin paffage touchant le
Meflie. Ceux qui faifoient les autres perfonnages ,
s’avançoient en leur rang,les chantres leur faifant
la demande, & chantant esfaite les verfers qui
fe rapportoient aux juifs 8c aux gentils; & après. ;
avoir repr éfemé le miracle de la ioumaife 8c fait, j
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| parler Nabuchodonofor , la fybille paroiffoit îat
I dernière, puis tous les prophètes & les choeurs,
chanto ent un motet qui terminoit la cérémonie.
Ducange , G-oJJ. ( G. )
F ê t e d e s F o u s , {Hiß. mod.) réjouiffance
pleine de défordres , de grofîiéretés & d'impiétés v
que les fous - diacres , les diacies & les prêtres
même faifoient dans la plupart des églifes durant
l’office divin, principalement depuis les fêtes d»
Noël jufqu’à l’Epiphanie.
Ducange,'dans fon Gloffaire , en parle au mot
kalendee, 8c remarque qu’on la nom mo t encore
la fête des. fous - diacre non pas qu’il n’y eût
qu’eux qui la fêtaffent, mais par un mauvais jeu
te mot tombant fur la débauche des diacres, &
cette pointe fignifioit la fête des diacres faouls & ivres.
Cette fête étoit réellement d’une telle extravagance
, que le leéleur aurait peine à y ajouter
foi s’il n’étoit inftruit de l’ignorance & de 1»
barbarie des fiècles qui ont précédé la renaiffancc
des lettres en Europe.
Nos dévots ancêtres ne croyoient pas déshonorer
Dieu par les cérémonies bouffonnes &
groffières que je vais décrire , dérivées prefque
toutes du paganifme , introduites en des temps-
peu éclairés . & contre lefquelîes l’églife a fouvent
lancé fes foudres fans aucun fuceès.
Par la connoiffance des Saturnales on peut fe
former une idée de la fête des fous ; elle en étoit
une imitation; & les puérilités qui régnent encore
dans quelques - unes de nos églifes le jour des
Innocens ne font que des vefliges de la fête dont
il s’agit ici.
Comme dans les Saturnales les valets faifoient
les fond’on s de leurs maîtres, de même dans la
fête des fous les jeunes clercs & les autres miniftres
inférieurs officioient publiquement pendant certains
jours confacrés aux myftères du chriftia-
nifine.
Il eft très • difficile de fixer l’époque de la fête
des fous , qui dégénéra fi promptement en abus
monftrueux. Il fuffira de remarquer , fur fon ancienneté
, que le concile de Tolède , tenu en 63 3 9.
fit l’impoffible pour l’abolir; & que S. Auguftin ,
long-temps auparavant, avoit recommandé qu’ont
châtiât ceux qui ferojent convaincus de cette
impiété.. Cedrenus , Hiß. pag. 639 , nous apprend
que, dans le dixième fïècle , Théophylaéie , patriarche
de Confiantinople , avoit introduit cette
fête dans fon diocèfe ; d’où l’on peut juger fans
peine qu’elle s’étendit de tous côtés dans l’églife:
grecque comme dans la latine.
On éliloit dans- les églifes cathédrales urr
évêque ou un archevêque des fous, & fon élection
étoit confirmée par beaucoup de bouffonneries
qui fervoient de (acre. Cet évêque éhi officioit
pontificale ment, & d< nnoit la bénédi&ion publique
& folemnelle aiar peuple , devant lequel il portoifc
la min e , la étoffé, Ôcmême la croix archiépifeopale,»
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Dans les églifes qui relevoient immédiatement
du faint - fiége , on èlifoit un pape des fous, à
qui l’on accordoit les ornemens de la papauté ,
afin qu’il put agir & officier folemnellement, comme
le faint-père.
Des pontifes de cette efpèce étoient accompagnes
d’un clergé aufli licentieux. Tous afïiftoient ces
jours-là au fervice divin en habits de mafearade
& de comédie. Ceux-ci prenoient des habits de
pantomimes ; ceux-là fe mafquoient, fe barbouil
loient le vifage, à deffein de faire peur ou de
faire rire. Quand la meffe étoit dite, ils couraient,
fautoient & danfoient dans l’églife avec tant d impudence
, que quelques-uns n’avoient pas honte
de fe mettre prefque nus : enfuite ils fe faifoient
traîner par les rues dans des tombereaux pleins
d’or !ures, pour en jeter à la populace qui s’af-
fembloit autour d’eux. Les plus libertins d’entre les
féculiers fe mêloient parmi le clergé pour jouer
aufli quelque perfonnage de fou en habit eccle-
fiaftique.Ces abus vinrent jnfqu’à fe gliffer également
dans les maifons de moines & de reügieufes.
En un mot, dit un favant auteur , c’étoit l’abomination
de la défolation dans le lieu faint, & dans
les perfonnes qui par leur état dévoient avoir la
conduite la plus fainte.
Le portrait que nous venons de tracer des de-
fordres d e là fête des fous , loin d’être charge ,
eft extrêmement adouci ; le leéleur pourra s’en
convaincre en lifant la lettre circulaire du
mars 1444 , adreffée au clergé du royaume par
l ’univerfité de Paris. On trouve cëtte léttre à la
fuite des ouvrages de Pierre de Blois; & Sauvai,
tom. I I , p. 624, en donne un extrait qui ne fuffit
que trop fur cette matière.
Cette lettre porte q*ue pendant l’office divin les
prêtres & les clercs étoient vêtus , les uns comme
des bouffons,les autres en habits de femme, ou maf-
qués d’une façon monftrueufe. Non-contens de chanter
dans le choeur des chanfons déshonnêtes , ils
mangeoient & jouoient aux dés fur l’autel, à côté
du prêtre qui célébroit la meffe. Ils mettoient
des ordures dans les encenfoirs, & couroient autour
de l’églife , fautant, riant, chantant, proférant
des paroles fales , & faifant mille poftures
indécentes. Ils alloient enfuite par toute la ville fe
faire voir fur des charriots. Quelquefois, comme
on .l’a dit , ils facroient un évêque ou pape
des fous , qui célébroit l’office , & qui , revêtu
d’habits pontificaux , donnoit la bénédiélion au
peuple. Ces folies leur plaifoient tant , & pa-
roiffoient à- leurs yeux fi bien penfées & fi chrétiennes
, qu’ils regard ient comme excommuniés
ceux qui voulaient les proferire.
Dans le regiftre de T494 de l’églife de Saint-
Etienne de Dijon.on lit qu’à la fête desfous, on faifoit
une efpèce de farce fur un théâtre devant une églife,
où on rafoit la barbe au prêchant -e des fous, & qu’on
y difoit plufieurs ebfcénités» Dans les regiftres-de
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152,1, ibid. on voit que les vicaires couroient par
les rues avec fifres , tambours & autres inftru-
mens, & portoient des lanternes devant le préchantre
des fous , à qui l’honneur de la fête appar-
tenoit principalement.
Dans le fécond regiftre de l’églife cathédrale
d’Autun , du fecrétaire Rotant, qui commence en
1411 & finit en 14 16 , il eft dit qu’à la fête des
fous , foljorum , on conduifit un âne , & que
l’on ehantoit : hé , fire. âne , hé , hé , 8c que plu-
fieurs alloient à. l’églife déguifés en habits grotesques
; ce qui fut alors abrogé. Cet âne étoit
honoré d’une chape qn’on lui metroit fur le dos.
On nous a confiervé la rubrique que l’on chan-
toit alors, & le P. Théophile Raynaud témoigne
l’avoir vue dans le rituel d’une de nos églifes métropolitaines.
: ' • .
Il y a un ancien rr.anufcrit de l’églife de Sens
où l’on trouve Yoßice des fous tout entier.
Enfin , pour abréger , prefque toutes les églifes
de France ont célébré la fête des fous fans interruption
pendant plufieurs fiècles durant i’oftave
des Rois. On l’a marquée de ce nom dans lés livres
des offices divins : feßum fàtuorum in Epiphaniâ &
ejus oêlavis. ,
Mais ce n’eft„pas feulement en France que s’étendirent
les abus de cette fête ; iis pafsèrent la
mer, & ils régnoient peut-être encore en Angleterre
vers l’an 1530 : du moins, dans un inyentaire
des ornemens de l’églife d’Y o rck , fait en ce temps-
là , il eft parlé o’une petite mitre & d’un anneau
pour Yévêque des fous.
Ajoutons ici que cette fête n’étoit pas célébrée
moins ridiculement dans les autres parties fepten-
trionales & méridionales de VEurope , en A l lemagne
, en Efpagne , en Italie , & qu’il en reflet
encore çà & là des traces que le temps n’a point
effacées.
Outre les jours de fa nativité de Notre-Sei-
gneur , de S. Etienne , de S. Jean l’évangélifte ,
des Innocens, de la Circoncifion , de l’Epiphanie,
ou de l’oéfave des Innocens, que fe célébroit la
fête des fous, il fe pratiquoit quelque chofe de fem-
blable le jour de S. Nicolas oc le jour de fainte Catherine
dans divers diocèfies , & particulièrement
dans celui de Chartres. Tout le monde fait, dit
M. Lancelot, Hiß. de l'acad. des inferip. tome IV ,
qu’il s’étoit introduit, pendant les fiècles d’ignorance,
des fêtes différemment appellées des fous r
des ânes, des innocens, des calendes. Cette différence
venoit dés jours & des lieux où elles fir
faifoient ; le plus fouvent c’étoit dans les fêtes:
de Noël , à la Circoncifion ou à l’Epiphanie.
Quoique cette fête eût été taxée- de paganifm*
i & d'idolâtrie par la forbonne en 1444,,elle trouva-,
des apologiftes qui en défendirent l’innocence par
des raifonnemens dignes de ces temps-là. Nos pré-
| déceflèurs difoient-ils , graves & faints perfon- nages , ont toujours célébré cette fête ; pouvons-
nous fuivre de meilleurs exemples l D ’ailleurs ,læ