
pofleder aucuns biens , comme des fiefs ou des
terres en propriété , & qu’il devoit fe contenter
des oblations des fidèles. Il avoit perfuadé les Romains
, qui euffent defiré pouvoir dépouiller les
papes pour rétablir leur ancien gouvernement,'
don.t ils étoient toujours jaloux. Animés par les
déclamations de l’orateur, ils fe révoltèrent ouvertement
contre Luce-II, & élurent des confuls.
Un empereur politique eût profité de ces défôr-
dres , & n’eût pas manqué dé palier en Italie
avec une armée. EugenelII, fuccefleur de Luce,
craignit un femblable événement ; 'mais ce pape
trouva le fecret de l’avoir pour lieutenant, lorf-
qu’il trenibloit de l’avoir pour maître. Il fit paf-
fer à fa cour S. Bernard, cet homme étonnant,
qui , fans autre titre que celui d’abbé de Clair-
vaux , jouifloit d’un refpeâ, fouvent refufé aux
plus grands princes , q u i, dans fa retraite, écrivoit
à toute l’Europe des lettres qu’elle recevoit comme
autant d’oracles , & traçoit les conditions d’un
traité entre deux monarques. S. Bernard venoit
de déterminer Louis VII à aller en Afie affermir
la famille de Godefroi de Bouillon , chancelante
fur le trône de jérufalem , que les chrétiens
venoient de fonder.-Son éloquence ne fut pas moins
Bluffante fur l’efprit de Conrad III. Ce prince,
jufqu’alors, s’étoit refufé à ces émigrations dan-
gereufes qui dépeuplèrent l’Europe , fans étendre
les limites de la fo i , & lorfqu’il eut entendu le
faint abbé , il s’enrôla lui-même. La perte d’une
armée , la plus brillante que l’on eût vue jufqu’alo
rs , l’afFoiMiffement de fon autorité, & le mépris
de fa perfonne, furent tout le fruit de cette pieufe
entreprife, dont le fuccès n’auroit fervi qu’à enrichir
les papes & à augmenter leur pouvoir. Con~
r'ai I I I , après la perte de cette armée floriflante,
qui périt par la chaleur, la difette & la débauche,
arriva à Jérufalem, moins en roi qu’en voyageur,
4 c revint prefque feul fur les vaiffeaux de Manuel
Coninène , mari de.la foeur de la reine fon époufe.
Il aborda dans le golfe de Venifé, & n’ofa aller
en Italie fe faire couronner , à l’exemple de fes
prédéceffeurs. Le refie du règne de ce prince n’offre
rien à l’hiftoire. Il tenta , mais fans fuccès ,
de rétablir Wiadiflas fon allié, chaffé du trône
de Pologne, comme excommunié-par Jacques,
archevêque de Gnefne on voit quel étoit-alors le
'pouvoir des eccléfiaftiques. Il mit les bourgeois
& le chapitre de la ville d Utrecht au ban impérial
, pour avoir appelle de fes jugemens, au Saint-
Siège. On ne pouvoit bleffer plus ouvertement fon
autorité. Il mourut à Bamberg , fans avoir pu
tirer vengeance de -cet outrage. Il fut inhumé auprès,
de Henri, qu’il avoit fait mettre au nombre
•des faims. Conrad eut de fa femme Gertrude ,
fille du comte de' Sultzbach , deux fils, Henri &
Frédéric. L’aîné, qu’il afibcia à l’empire avant fa
jnalheureufe expédition en S y r ie , mourut pendant
fon abfence ; l’autre mourut de la péfte au fiège
4 e Rome, feus Frédéric Ier. (M - r . )
I CONRAD IV {Hifl. d1 Allemagne ) , dix-Km-
! tième roi ou empereur depuis Conrad 1er, né en
! 1226 , de Frédéric II & d’Yolande de Brienne 9
! eft élu roi des Romains en 1237, fuccède à fon
! père en 1230, meurt en 1254.
I Le règne de ce prince fe pafia au milieu des
J orages qui fuivirent la mort de Frédéric II. Il
| fit d’inutiles efforts pour raffermir fon autorité &
j pour rétablir en Allemagne la paix que l’ambition
8 des papes en avoit bannie. Innocent IV , armé
| par la politique, & par conféquent implacable,
j le pourfuivit avec la même animofité qu’il avoit
montrée contre Frédéric. Il fit publier une croi-
fade contre lui ; e’étoit l’ufage alors : les papes
ne faifoïent aucune difficulté de fe fervir contre
les princes chrétiens des armes qui ne dévoient
être employées que contre les infidèles. Conrad ,
! qui voit le fanatifme s’armer contre lu i, paffe les
i Alpes à deffein de retarder fa chûte. Son arrivée
| en Italie eft fignalèe par la prife d’Aquin , de
I Naples & “de Capoue, que le pape avoit attirées
| à fon parti : fes ennemis commençoient à trem-
| bler, mais la mort l’enleva au milieu de fes fuc-
j cès. Mainfroi , prince de Tarente , fon frère na-
I turel, fut accufé de l’ayoir fait empoifonner. Il
j laifloit de fa femme Elifabeth, fille d’Othon , duc ide Bavière, un fils unique : c’étoit l’infortuné Confr
r a d le jeune , que l’impitoyable Clément IV &
I Charles d’Anjou, à la home de la royauté, firent
I périr par la main d’un bourreau. Voyeç Iarticle
I f u i v a n u ( M - - Y . )
j CONRAD V , dit le jeune, ou Conradin ( Hifl.
j d’Allemagne') , fils du précédent & d’Êlifabeth, né
] en 1252 , eft décapité à Naples en 1268 on
I 1269 j avec fon coufin Frédéric , titulaire du du-
I ché d’Autriche. Ces illuftres viâimes furent facri-
I fiées au refïentiment des papes & à la fûreté de
j Charles d’A njou, qui dans ce moment déshonora
j le fang des François qui l’animoit. Ainfi finit la
j maifon de Suabe, la plus célèbre qui fût en Al-
j lemagne; le fang des Henri & des Frédéric coula
| fous la- main d’un bourreau ; cette famille avoit
! donné fix empereurs à l’Allemagne, qui tous avoient
I illuftré le trône. Conradin, avant de recevoir le
{ coup mortel, jetta fon gant dans la place publique;
un foldat le porta à Pierre-le-Grand roi d’Aragon
, qui le reçut comme un gage qu’il vengeroit
un jour le fang précieux que des barbares venoient
de verfer. ( M— y . )
'( Sur ce Conrad V ou Conradin _, voye^ Varticle
I A n jo u , premier vol. première partie de lliiftoire,
I page 319.
Le troifième volume de l’hiftoire générale de
Provence, par M. l’abbé Papon, offre, fur la mort de
Conradin Sa de Frédéric d’Autriche, des particularités
qu’on ne rencontre point par-tout. Robert de Barry ,
J grand protonotaire, fut chargé de faire à ces Princes
, fi injuftement condamnés par le roi de Sicile,
| Charles, leur rival & leur ennemi, la le&ure de
fèur arrêt de mort. Le comte de Flandre, gen-■ j
dre & neveu du roi de Sicile , étoit préfent ; il
s’étoit fortement oppofé dans le confeil à cette
cruauté , qui devoit rendre odieux fon beau-père,
&. le déshonorer dans la poftérité. La lecture de
l ’arrêt alluma fan courroux : il tira fon épée, &
la plongeant dans le corps du protonotaire :
Info Lent, lui dit-il , il te fie d bien de prononcer un
arrêt de mort contre un fi noble &fi.grand perfionnage..
Ce trait de générofité barbare put exciter , dit
l’auteur -, une forte d’admiration , mais il ne fit
pas revenir les juges, -
C ’eft ainfi qu’Emeri Jaubert de Barrault, am-
feaffadeur de France en Efpsgne fous le règne de
Henri IV , affiffsnt à une comédie dont le fu-
jet étoit la bataille de Pavie, & où l’on voyoit.
François 1er te r ra flé par un Efpagnol, qui, lui mettant
le pied fur la gorge, F 'ô b fig e o it à demander
la v i e , pâffa fon épée au travers du corps de facteur
qui infuîtbit a in fi François Ier C ’eft de part
& d’autre à pèu-près le même trait 'd’audace &
d’indignation généreufe, rilaïs auffi c’eft de part
& d’autre le même trait cîin-juftice, en ce,qùé la
punition ne" tombe pas fu r le vrai c o u p a b le .
Suivons l’hiftoire de Cpnradbi. Frédéric fut exécuté
je premier, « ÇonraçLin voyant tomber à fes
3? pieds te corps, de fon généreux ami, laifta voir
w Hii mélange de force & de foibleffe , tel qu’on
t? devoit l’attendre d’un enfant fenfible 8c né pour
» les grandes choies. H ramaffa la tête & la.baifa
» avec un.excès de tenefreffe & de douleur qui
» fit verfer des lat ines aux affiftans. Enfuite, s’étant
» mis à genoux , il fit une courte prière, & reçut
» le coup mortel avec un généreux mépris pour
» la v ie , mais toujours'en foaifant la têre de fon
.5? anxi. Un hiftorien afliire que , par un retour de
m tendreffe fur fa mère, il s’écria :,0 ma mère,
m quelle -fera votre douleur quand vous apprendre^
t) U mort de vôtre malheureux fils ! .
On a prétendu que le roi de Sicile avoit consulté
le pape Clément IV , qui lui avoit répondu :
gne. Il embraffa.le parti de Leck-le-Blanc, roi de
Pologne, contre Mlciflàs le-Vieux, fon concurrent *
leva une armée l ’an 1127 , & marcha contre Suan-
topelk , palatin de Poméranie , qui avoit confpiré
contre Leck: ce prince mourut avant d’avoir été-
yengé .., & Conrad crut que fon défenfeur pouvoit
prétendre à lui fuccéder. Mais Henri de Siléfie lui
difputa la couronne. On arma de part & d’autre en
1228 , on en vint deux fois aux mains ,& deux fois
Conrad fut vaincu; mais il n’étoit pas dompté. La
perfpe&ive d’un trône rallumoitfon courage ; il crut
qu’après y avoir afpiré , il falloit y monter ou périr.
Ii mit une nouvelle armée fur pied, réfolu de hafar-
der une troifième bataille ; mais Hedwige, époufe
de Henri de Siléfie, engagea ce prince à renoncer
à des prétentions fi fimeftes à la Pologne. Henri
étoit déjà maître de Cracovie ; Conrad s’en approcha
à la faveur des ténèbres, y entra* par furprife, &
fon rival tomba en fa puilfance, Henri ne vouloit
point encore abandonner fes droits, il efpéroit que
fon fils viendroit brifer fes fers & le venger; mais
Hedvtige, qui avoit reçu de' la nature l’heureux dos
de plaire & de perfuadèr , lui peignit avec tant d’é-*
-loquéncê les malheurs de là Pologne & de la Silé*
fie, qu’il;acheta fa liberté'par une' renonciation formelle
la mort de Conradin eft le fa lut de Charles. M. l’abbe
Papon obferve que ce trait ne fe trouvé point
dans lés auteurs contemporains, & qu’il ne férvi-
roit qu’à faire trouver un coupable de plus ( voye^
l’article C lément IV ). Cependant fon opinion ou
fi1 conjeéhire né difculpe point le pape ; il croit
que , féduit par des politiques barbares , qui lui
faifoient envifager la mort de Conradin çommë le
terme des guerres du facerdoce- & de l’empire,
& des difeordes de l’Italie , <?• il livra Charles aux
» confeils de la vengeance 8c de l’ambition ,
tj c’eft-à*dire, qu’il confeilla de faire périr Conradin,
» & qù?enfuite, révolté de Fatrocité du crime quand
v il le confidera de fang froid, ému par les plain-
p 'tes de tous lesçcsurs fenfibles » il le défavoua.)
C onrad (Hifi, de P oL ) , duc de Mafovie &
Çwayte, étpif fils de Çafimk II s roi d§ P0I9-
» Mais Cdnrad eut bientôt en tête un concurrent
plus dangereux, c’étoit Boleflâs V , fon neveu,
que la nation'avoit couronné en 1243. Conrad fo
ligua alors avec ce même Suantopelk dont il avoit
autrefois tramé la perte; à l’approche de l’armée
confédérée, tout le duché de. Sandcmir fe fournit ;
là conquête de celui de Cracovie ne coûta que de
légers combats. Mais Conrad (ut un tyran dès qu’il
crut pouvoir l’être impunément. Aux impôts établis
, il en ajouta de plus onéreux encore , les privilèges
des'différé ns corps furent" violés , les premières
dignités devinrent le partage des plus-vils
favoris, le clergé.même effuya des vexations odieu-
fes , lé peuple fe. foule va,, Boleflâs fut 1 appelle ,
Conrad s’enfuit en Lithuanie , intéreffa fes peuples
a fon fort ., rentra en Pologne à . la tête d’une armée
, perdit la bataille de Soçhodob, & difparut.
La mort de Boleflâs V réveilla fes efpérances en
1279 : mais malgré fes efforts , Leck-le-Noir fut
élu. Tandis que ce prince foutenoit tout-à-tour lé
choc des Tartares, des Ruffes" & des Lithuaniens
ligués «ontré la Pologne , Conrad fouleva les duchés
de Sandomir & de Mafovie, raffembla une
foule de méc.ontens fous fes drapeaux, fournit toutes
les villes qui fe trouvèrent fur fon paffage, 8c
fe montra triomphant fous les murs de Çràcovie.
Ce fut le terme de fes fucçês. Les habitans fe défendirent
avec un courage héroïque , Leck-le-Noi?
accourut à la tête des Hongrois , tailla l’armée dg
Conrad qn pièces, & mourut peu de temps après
fa viéloire. Henri Ie- lui fuccéda en 1289, & Ç nrad
mourut dans fon duché de Mafovie, après|avQ;f
en vain difputé la çourpnng à quatre rqU, (Ai,
$4 CY.)
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