T univers ; 'A trouvoit que Mithridare dans Racine,
ne les haïffoit pas affez , ou n’exprimoit pas affez
fortement cette haine.
Boileau , dans fa vieilleffe , porta fur Rliadamifte
un de ces jugemens d’humeur-qui n’avoient été
que trop fréquens chez lui dans fa jeunefle même,
éc que l’âge rend plus exeulâbles. Les Boy ers & les
Pradons , dit- i l , ètoient des aigles en çomparaifon de
ces gens-ci. Q u’on explique tant qu’on voudra ce
jugement par fon goût pour les beaux vers , par
fbn intolérance à l’égard des ineorre&ions du fty le ,
c ’eft toujours une criante injuftice ; comment peut-
on être infenfible à la beauté du rôle de Zénobie,
aux remords, à la tendrefle , à la jaloufie de Rîia-
damifte , à la fierté dé Pharafmane , à tant de
traits fi heureux, & quelquefois fi heureufement
exprimés. Le plus grand défaut de cette pièce eft
dans Pexpofitïon qui fe fait à deux fois, & où il
refte de l’obfcurité, ce qui a fait dire affez plaifam-
tnent que la pièce feroit ajjeç claire, n’ éïoit l’expofition.
Le grand reffcrt de l’intérêt chez Crébitlon eft
dans les reconnoiffances, il en a fait l’ufage le
plus heureux, & les a variées avec la plus grande
intelligence y celle de Rhadamifte & de Zénobie
fait trembler & fait pleurer ; c’eft la tendrefle im-
pétueufe , exaltée d'Eleâre pour fon frère qui le lui
fait reconnoître , e’eft pour ainfi dire un miracle de
la nature & de l’amour, & tous les fpeâateurs
fentent qu’à la place d'Orefte, l’exclamation : ah !
ma fceur ! leur échapperoit. La reconnoiffanee
de Pyrrhus & de Neoptolême , celle d’Atrée & de
T h y e fte , celle de Thyefle & de Plifthène, font
toutes diverfement intéreffantes, diverfement pathétiques.
Si Crébillon eft un grand poëte tragique, ce
n’eft ni un bon littérateur, ni un homme d’us
goût sûr. « Si j’avois quelque chofe à imiter de
Sophocle, dit-il un peu leftement, ce ne feroit
affurément pas fon Eleâre». Quand Sophocle ne
lui auroit appris qu’à ne pas défigurer ce beau
fujet par l’épifode du double amour des deux en-
fans d’Agamesinon , & des deux enfansd’Egyfte,
ç’auroit été beaucoup; M-de Voltaire lui a montré
qu’il pouvoit y avoir de l’avantage à imiter Sophocle
dans ce fujet. M. de Crébillon fut le cenfeur
de V O refie de M* de Voltaire, comme M. de la
Motte l’avoit été de fon OEdipe ; il dit à M. de Voltaire
j ai été content du fuceès de mon Eleélre, fe
fouhaite que te frère vous jaffe autant d’honneur que
la fceur m’en a fait. 11 ne le eroyoit pas ; cependant,
dit M. d’À lembert, Greffe partage maintenant
avec Eleâre les honneurs de la fcène , & lui enlève
ceux delà leérure, la Sémiramis de Crébillon
ëtoit oubliée avant même que M. de Voltaire fît
paroître la fienne ; Catilina enfin a difparu devant
R ome sau v ée, ou l’on croit « entendre Cicéron
» tonner pour la patrie dans la tribune aux haran-
a gués , & oii Céfarfe montre avec cette fiipério-
»’ rité d’aine & de génie qui devoir bientôt lui fou-
» mettre les vainqueurs de l’univers». Le Catilina
de Crébillon, au contraire , eft un des plus trifles-
monumens de la vieilleffe d’un grand homme r
c’eft une des pièces les plus défeéhieufes que nous
ayons dans notre langue. Depuis trente ans on>
en entendoit parler, & on ne la voyoitpoint, &
on difoit: quo ufque tandem abutere, Catilina , p a tien-
tid noflrâ. On dut le dire bien davantage lorfqu’une-
cabale, moins zélée peur la gloire de Crébillon , que-
fatiguée de celle de Voltaire, fit donner jufqu’à vingt
repréfentations de cette pièce, qu’on ne peut plus
entendre aujourd’hui malgré quelques beautés de
détail; mais avec quel intérêt ne dut - on pas entendre
M. de Voltaire , à fa réception à l’académie-
françoife , prononcer ces belles paroles ! « L e
» théâtre eft menacé d’une chûte prochaine ; mais
» au moins je vois parmi vous , Mefîieurs, ce gé-
» nie qui m’a fervi de maître quand j’ai fait quel—
» ques pas dans la carrière ; je le regarde avec une
» fatisfadion mêlée de douleur, comme on voit
» fur les ruines de fa patrie un héros qui l’a défen-
» due».
Crébillon mourut le 17 juin 1762. Il étoit né ère
1674. C ’eft un effet affez plaifant de l’extrême variété
que l’académie françoife met dans fes choix v
que ce fombre, ce terrible, ce tragique Crébillon-
y ait eu pour fucceffeur l’abbé de Voifenon* &.
c’eft un jeu affez fingulierde la nature, quece même
Crébillon ait eu pour fils l’auteur de tant de romans
oh tant d’efprit eft plus que perdu à peindre les
moeurs les -plus dépravées y avec une fineffe &
| un agrément qui ajoutent à la. dépravation , Sc
qui empêchent dreAimer l’auteur & l’ouvrage, lors
même qu’on applaudit au talent. Ses-- ouvrages
charment les jeunes gens qu’ils corrompent-, & les-
gens d’efprit qu’ils amufent. Pins d’un auteur comique
y a puifé de bons traits.. Nous ne' nous permettrons
de nom mer ici que fes égaremens du coeur
& de l ’efprit, qui ont, jufqu’à un certain point, l’aveu
du public. Quelqu'un difoit à M. de Crébillom-
le filsr ton père étoit un grand homme „ toi y tu n'es,
quun grand garçon. Le nom de celui-ci étoit Claudë-
Profper ÿil étoit né à Paris le 12 février 1707. II. y
eft mort e» 1777-
Tout Te monde fait la fable dii Chartreux auquel
on attribuort les tragédies du père; c’étoit.
pour eux un fujet de plaifanterie. Crébillon préfeir-
tantfôB: fils à un de fes amis , lui dit en badinant r '
voilà le plus mauvais de mes ouvrages ; é'ejl qu’il n'efb
pas du Chartreux y répondit le fils.- Monfcurr difoit
le père a quelqu’un qui retenoit aifëment fes vers*
ne feriez-vous point le Chartreux , auteur.de mes
pièces ?
CRÉECH( T h o m a s ) ( Hïfl. Tnt. mod. ),. poète .
anglois, fo pendit en 1700 , par un dépit ameureivx,.
Il a voit traduit Lucrèce en vers & en profe, &£
quelques, morceaux de Théocrite, d’Horace *d‘G-
yide 3. de JuyénaL
CRÉQUY - CANAPLES ( Hift. de Fr. ) , grande
maifon qui tire fon nom de la feigneurie de Créquy
•en Artois; on la voit paroître avec avantage dans
i ’hiftoire dès le neuvième fiée le. Parmi les guerriers
célèbres qu’elle a produits, nous diftinguerons :
i ° . Baudouin III, créé baron d’Artcisen 1007,
•dont la devife étoit : nul ne s’y frotte , & le cri de
guerre : à Créquy, Créquy le grand baron.
20. Gérard qui fut de la première croifade.
30. Jean , tué à la bataille de Courtraien 1302.
4°. Renaud & Raoul, tués à la hataille d’Azin-
cou r t, en 1415. Çe dernier étoit furnommé î!étendard,
à caufe du grand nombre d’étendards & d’en-
feignes qu’il avoit pris aux ennemis, & dans le
même fens oh le prince de Conty appelloit le maréchal
de Luxembourg , le tapiffier de Notre-Dame.
50. Jean V l’un des vingt-quatre chevaliers
de la création de l’ordre de la toifon d’or.
6°. Sur tout Antoine, fleur de Pont-d’O rm y ,
juftement furnommé le Hardy, un des plus vail-
lans capitaines du règne de François premier, fl
fécond en vaillans capitaines. En 152.2., pendant
le fiége de Hefdin que faifoient les Anglois & les
Impériaux réunis , & qu’ils furent obligés de lever,
un détachement de leur armée fortit de leur camp
.pour aller brûler une maifon appartenante au frère
de Pont - d’O rmy ; Pont-d’Ormy traita cette affaire
comme une querelle domeftique il voulut attaquer
feul ce détachement avec fa compagnie,
inférieure en nombre de près de moitié , & il le
tailla en pièces.
La même année il étoit en Italie au malheureux
combat delà Bicoque, il fe portoit par-tout
avec le corps de réferve qu il commandoit, &
Pefcaire, non content d’avoir re: pouffé les François
& • les Suiffes qui attaquoient des rerranchémens
inattaquables , ayant voulu fortir de ces retran-
chemens pour les pourfuivre , Pont - dO n n y le
repouffa fi vivement à fon tour, qu’il le força d’y
rentrer..
Lodîayant été pillé par les ennemis, Crémone
étoit menacé du même fort ; on ne pouvoit y
jetter du fecours qu’en traversant un pays’occupé
par une armée triomphante, dont les parties étoient
fans ceffe en mouvement de l’Adda au Téfin, &
du Pô jufqu’aux flontières de la feigneurie de
Venifé. Lautrec, général de l’armée françoife,
n’ofoit propofer à per fonne cette périlleufé expédition;
Pont-d’Ormy n’attendit point qu’on la proposât
; ,il offrit de fe jetter dans Crémone avec fa
compagnie d’hommes d’armes , & le peu de volontaires
qui oferoient le fuivre ; il jura qu’avec
cette poignée de foldats il corribattroit tout ce qui
s’oppoferoit à fon paflage , dût il attaquer l’armée
entière des ennemis, s’il ne pouvoit l’éviter, &
qu’enfin il verferoit jufqu’à la dernière goutte de
(pîi fang, ou qu’il entreroit dans Crémone, Il tint
parole, il évita les ennemis avec autant d’adreffe
que de bonheur, & il entra dans Crémone.
En 152,3 , les ennemis ayant paffé la Somme,
on vouloit jetter du fecours dans fVlontdidier, qui
commençoit à devenir une barrière importante
pour Paris du côté de la Picaidie; mais il falloit
paffer à travers l’armée ennemie , répandue entre
Corbie & Montdidier. Le péril de cette entreprife
effrayoit tout le monde. Pont - d’O rmy feul ofa
encore s’en charger; il marcha toute la nuit, &
la fortune fécondant encore fon courage, il arriva
aux portes de Montdidier , fans avoir fait aucune
mauvaife rencontre, ma‘>s il falloit revenir à Corbie
, oh on vouloit concerter avec lui les moyens
d’arrêter la marche rapide des Anglois ; Pont-
d’Ormy ne daigna pas attendre que la nuit facilitât
fon retour ; il fe mit en marche avec deux
compagnies d’hommes d’armes, bien réfolu d’attaquer
tout ce qu’il rencontrêroit d’ennemis ; il rencontra
un détachement deux fois plus fort que le
flén , l’attaqua , le rompit, le mit en fuite. Il rencontre
un autre détachement beaucoup plus fort
que le premier, il ne veut point expofer fa troupe
à une perte certaine, il la détourne du chemin
de Corbie, il lui fait prendre la route. d’Amiens,
& fait tête avec trente hommes au détachement
ennemi, pour l’empêcher de pourfuivre le refte
de fa troupe, c’étoit fe dévouer ; il fut accablé
par le nombre, comme il devoit l’être ; fon cheval
fut tué fous lu i, & il fe trouva embarraffé
dans fa chûte.Barnieulles, fon frère, & Canaples ,
fon neveu, qui l’accompagnoienr dans cette dan-
gereufe expédition , volent à fon fecours , le remontent,
lui donnent le temps de fuivre fa route
vers Amiens, mais ils furent faits prifonniers, après
avoir foutenu comme Pont-d’Ormy, par des prodiges
de valeur, la gloire du nom de Créquy. ( Voy. à
l’articleduchevalierd’A ssas, l ’hiftoire de la mort
de Pont - d’O rmy ).
7 0. Un autre Pont-d’O rmy ( Louis) fut tué à la
bataille de Saint-Quentin , en 1557.
C’eft de Marie , fa fceur, mariée à Gilbert de
Blanchefort, chevalier dè l’ordre du roi, que descend
la maifon' de Créquy Blanchefort, digne de
s’allier à la maifon de Créquy. Antoine de Blanchefort
, fils de Gilbert & de Marie , fut inftitué
héritier du cardinal Antoine de Créquy , fon oncle
maternel , à condition de prendre le nom &
les armes de Créquy.
Le premier maréchal de Créquy ( Charles ) fut
tué d’un coup de canon le 17 mars 1638 devant
la ville de Crème , fa vie entière eft une fuite
d’exploits & de fervices utiles, foit dans les armées,
foit dans les ambaflades. Ses deux combats contre
le bâtard de Savoie Philippin, firent grand bruit
dans le temps , & ils font parfaitement dans les
moeurs de la chevalerie ; Philippin ayant été obligé,
de fortir précipitamment & à la faveur d’un dé-
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