
prife de Belgrade, devant laquelle avoît échoué îe
fuperbe M .homet I I , & plus fameux encore par
la conquête de Rhodes fur fes chevaliers,, regardés
à jufte titre comme la milice la plus guerrière
de la chrétienté, ou plutôt de tout l’univers. Ce
Soliman avoit vengé, dans Bude même, les cruautés
exercées fur fes ambaffadeurs, St fait périr LouisII,
•après avoir taillé en pièces l’armée de ce prince,
à la célèbre & malheureufe journée de Mohatz.
Cette averfion de la nobleffe Hongroife contre
Ferdinand eau fa une guerre fanglante. Soliman ,
qui voyoit une nouvelle occafiôn d’affoiblir les
chrétiens, fes implacables ennemis, ne la laiïïâ pas
échapper, & s’avança auffi-tôt à la tête de fes
troupes. Après avoir vaincu les Autrichiens & les
avoir forcés d'évacuer la Hongrie, il fit couronner
dans Bude, en fa préfence , Rapolski fon allié, ou
plwrôt fon protégé; & par une générofité dont
les fàftes du monde nous offrent peu d’exemples,
il ne mit aucun prix à ce fervice important. Non-
i ulement Ferdinand fut forcé de fortir de la
Hongrie ; il apprit encore que les Turcs , après
avoir pris Attembourg d’affaut , avoient mis le
liège devant Vienne. Au milieu de ce péril, il
implora h s fecours de la chrérienté. Tous les
princes d’Allemagne; , réunis par une crainte
commune , forcèrent les Turcs à la retraite. Ferdinand
en profita, & obligea fon ennemi de confentir
à un traité qui lui donnoitla moitié, de la Hongrie,
& lui afluroit l’autre pour l’avenir, La nobleffe
Hongroife, mécontente de cette paix, refufa d’y
fouferire , & Rapolski reçut chaque jour des
reproches, qui à la fin le conduisent au tombeau.
Sa mort excita de nouveaux troubles : les Hongrois,
qui avoient refufé d’accéder au traité, ' réfutèrent
de le confirmer ; & au lieu de reconnoître Ferdinand,
ils mirent la couronne fur la tête du fils de Jean,
né huit jours avant la mort de fon père. L’archiduc
raffembla toutes fes forces pour dépouiller cet
enfant, dont la mère, à l’exemple du feu ro i,
recourut au généreux Soliman, qui lui prêta les
mêmes fecours que fon mari avoit reçus. Le fultan
6’avança , non en conquérant, mais en vengeur
des opprimés. Paré du glorieux titre de défenfeur
d’une reine ait défefpoir & d’un roi au berceau,
il reparut fur les bords du Danube, & la fortune
favorifa fes armes ; il prit Bude une fécondé fois,
battit un général de Ferdinand, & Ferdinand lui-
même , qu’il pourfuivit jufqu’à Presbourg. Cette
générofité de Soliman étoit appfouvée par la politique,
&diminuoit l’horreur que pouvoientinfpirer
fa religion & les moeurs turques ; en fe conciliant
l ’efprit des Hongrois, il s’en faifoit un rempart-
contre les autres chrétiens d’Occident, que leurs
divifions empêchoient de faire contre lui de plus
puiffans efforts. Cependant il mit fous fa domination
cette partie de la Hongrie où avoit régné le roi
Jean, parce qu’Etienne-Sigifmond, fils de ce prince, i
eût été dans l’impoffibilité delà pouvoir défendre.
Soliman, pour l’en dédommager, augmenta fes
droits fur laTranfilvanie. Il régnoit aîofs une efpêce
d’inimitié entre Charles-Quint & Ferdinand. Elle
étoit ôccafionée par le refus que faifoit celui-ci de
céder fon titre de roi des Romains, que lui avoient
conféré les états, à Philippe fon neveu , fils du
premier. Ce fut pendant ce temps-là même que
Ferdinand acquit la Tranfilvanie ; il la dut aux
intrigues de MartinutiHS , évêque de Varadin ,
qui fut depuis cardinal. Ce prélat ayant gagné
l’efprit de la veuve de Rapolski , régente &
tutrice d’Etienne - Sigifmond, la dégoûta de la
prote&ion des Turcs , & l’engagea à céder la
Tranfilvanie pour quelques places en Siléfie. Jamais
reine, dit M. de Voltaire, ne fit un fi mauvais
marché. Martinutius fut déclaré vaivode de Tranfilvanie
, & la gouverna avec autant d’autorité
que découragé. Les Turcs eurent en ce prélat un
ennemi dangereux; mais Ferdinand le fit affaffiner,
on ne fait fur quel motif. Cependant l’abdication de
Charles-Quint, qui, laffé des contradiélions& des
viciffitudes de la vie , renonça à tant de trônes
pour fe confacrer à la retraite, fit paffer à Ferdinand
l’empire d’Allemagne, que lui avoit affuré fon titre
de roi des Romains. Le premier événement mémorable
de fon règne, comme empereur, fut une
diète qui fe tint à Ratisbonne ; cette diète con-
firmoit la paix de religion par l’accommodement
de la inaifon de Heffe & de celle de Nafïau.
Philippe, Landgrave de Heffe, obtint le cç>mté de
Darmftad, & Guillaume de Nalfau, le comté de
Dietz. On avoit envoyé une ambaffade en cour
de Rome pour y notifier l’abdication de Charles
& l’avénement de Ferdinand. Paul refufa de la recevoir
& de reconnoître le nouvel empereur. On
ne reconnoît point ichila politique de cette cour,
dans un temps où les plus puiffans royaumes dit
Nord & la moitié de l’Allemagne s’étoient féparés
de la communion romaine. 11 ne paroît pas qu’il
fût fage de défobliger Ferdinand par un refus, puifque
cette ambaffade n’étoit qu’un aâe de déférence*
Paul perfifla dans foiï refus ; mais Charles-Quint
étant mort, Pie IV , qui avoit fuccédé à Paul, fiMa
paix avec Ferdinand, qui avoit payé d’un jufle mépris
l’injure qu’il avoit reçue. Ferdinand n’oubliôit
rien pour perpétuer le trône dans fa' maifon, déjà
illuftrée par plufieurs empereurs. Dans une affem-
bîée à Francfort, il fit conférer le titre de foi des
Romains à Maximilien I I , fon fils; tous les électeurs
affilièrent à cette cérémonie. & s’acquittèrent des
fondions de leur dignité conformément à la bulle
d’or. Un ambaffadeur des Turcs fe trouva à cette
folemnité, & la rendit plus glorieufe en lignant
un traité qui fixoit les limites de la Hongrie Autrichienne
& de la Hongrie Ottomane. Ferdinand
mourut peu de temps après , dans la foixante-
deuxième année de fon âge, la feptième de fon
règne comme empereur , & la trente-troifième
comme roi de Hongrie & de Bohême. Il eut de
l’impératrice Anne de Bohême, fille dé Ladiflas*1
trois fils , fa voir, Maximilien I I , qui lui füccéda
à Ve m pi ré , Ferdinand , auquel il lai fia l’archiduché
d’Autriche avec le T iro l, & Jean , qui mourut au
berceau ; fes filles furent Elifabeth , qui époufa
Sigifmond-Augufte , roi de Pologne; Anne,qui fut
femme d’Albert, duc de Bavière ; Marie*, qui
époufa Guillaume, duc de Juliers & de Clèves;
Catherine , qui fut fucceffivement femme de François,
duc de Mantoue, & de Sigifmond, roi de
Pologne ; Élécnore, qui époufa un autre Guillaume,
duc de Mantoue. Ferdinand eut en outre deux
princeffes, qui moururent religieufes. Ce fut fous
le règne de ce prince que fe tint le concile de
Trente, dont l’autorité n’eft pas reconnue par les
proteftans. ( M -Y . )
Ferdinand d’Autriche, II«. empereur du nom,
( Hiß. d’Allemagne , de Hongrie & de Bohême. )
XXXÏVe empereur d’Allemagne depuis Conrad I,.
XXVIIIe roi de Hongrie, XXX Ville roide Bohême,
né le 9 juillet 1578 , couronné roi de Bohême en
16 17 , le 19 juin, de Hongrie en 1618, empereur
en 1619 le 28 août, mort & enterré à Vienne le
13 février 1637. La mort de Mathias fut fuivie d’un
interrègne : fes dernières volontés avoient appellé
Ferdinand pour lui fuceéder ; mais lès états
d’Allemagne croyoient leur liberté intéreffée à
retirer le feeptre impérial des mains de la maifon
d’Autriche, qui le pofledoit fans interruption depuis
près de deux fiècles ( il y avoit à cette époque
182 ans ) ; il falloit négocier pour les rafîurcr:
Ferdinand, naturellement ambitieux , né négligea
pas ce moyen; St dans une affemblée qui fe tint
a Francfort, il eut le bonheur de réunir le plus
grand nombre des fuffrages en fa faveur. Son
éledion ranima les troubles qui avaient éclaré fur
la fin du règne précédent, & dont Erneft, bâtard
de l’illuftre maifon de Mansfeld, étoit l’ame.
Erneft s’étoit d’abord attaché à la maifon d’Autriche
: fa dextérité , fa valeur , des fervices
effentielsTavoient fait admirer à la cour de Vienne,
qui lui avoit promis de le légitimer, & de lui laiffer
les biens de fa maifon : mais l’intérêt de cette cour
ayant violé des promeffes données par la recon-
noiflance, Erneft avoit conçu une haine implacable
contre Mathias ; & pour mieux aflurer fes
vengeances, il avoit fait une profeffion publique
du luthéranifme : foutenu des armes de cette fe â e ,
il avoit parcouru la Bohême, que fes talens avoient
fait révolter. Les Bohèmes » animés par ce rebelle,
non - feulement proteflèrent contre l ’éleâion de
Ferdinand, mais ils le déclarèrent déchu de leur
trône, qu’il occupait depuis plufieurs années : ils
appelèrent pour le remplacer l’éleôeur Palatin.
Erneft, pour aflurer le fuccès de fes defiems, fit
alliance avec Qabor , fucceffeur de Batori dans la
principauté de Tranfilvanie; & celui-ci avoit fait
révolter les Hongrois ; d'un côté Chriftian de ,
Brunfvick, adminiftrateurdeMagdêb©urg,invitoit
les luthériens d’Allemagne à aflurer la liberté de
leur culte ; & ce barbare vengeoit les injures
faites à ce culte , par le fang des prêtres & U \
pillage des églifes orthodoxes. Tous les proteftans,
guidés par un prince auffi adroit que cruel, fe
loulevèrent contre le nouvel empereur , 8c demandèrent
un chef de leur fe&e. Telle étoit la nature
des troubles qu’il falloit appaifer ; troubles qui
firent naître des révolutions auffi funeftes que
rapides, & produifirent à la fin ce fameux traité
de VVeftphalie , qui , les terminant après trente
ans , fixa l’état du corps germanique , & change«
les intérêts de l’Europe. Ferdinand avoit pour lui
tous les princes d’Allemagne de la communion
romaine 8t le roi d’Efpagne. La cour de France
même , dirigée par le connétable de Luynes,
l’appuya de fon crédit ; & c’eft ce que tous les
politiques ont eu peine à concevoir; ou le connétable
étoit déterminé par des vues d’intérêt, ou il
ne penfbitpas comme Richelieu, Mazarin & Louis
X IV , qui mirent depuis tous leurs foins à abaiiTer
la maifon d’Autriche , dont le defpotifme alarmoit
toute l’Europe. Les ennemis de Ferdinand, au
nombre defquels étoient prefque tous les proteftans,
calviniftes 8c luthériens , tinrent une affemblée
dans la Bohême, regardée comme le fanétuaire de
la révolte : ils déposèrent folemnellement Ferdinand
; 8c fans entendre des députés qu’il leur
envoya, ils procédèrent à une nouvelle élection.
Les fuffrages flottèrent entre l’éleâeur de Saxe 8c
le duc de Savoie : mais il fe fit une troifième
brigue en faveur de l’éleéteur Palatin, Frédéric V ,
& c e lu i- c i l’emporta; Frédéric V n’a voit pas
recherché ce dangereux honneur ; il héfita longtemps
avant de l’accepter : puiffant, tranquille,
heureux, il voyoit les terribles conféquences
d’une démarché auffi périlleufe. La fage Louife-
Juliane, fa mère, fit tous fes efforts pour l’engager
à rejeter un feeptre qui devoir l’expofer aux
plus affreux malheurs. Les inftances d’Elifabeth,
q u i, fille de Jacques I , roi d’Angleterre, afpiroit
à avoir un roi pour époux ;le maréchal de Bouillon,
le prédicateur de la cour, l’efpoir d’être fecoum
par fon beau - père ., les voeux des proteftans ,
l’attrait d’une couronne, ces puiffans motifs firent
taire la prudence , 8c le jetèrent au milieu des
écueils de l’ambition. Frédéric figna, les larmes
aux yeu x, le décret de fon éleélion. Ces larmes
auroient pu être regardées comme le préfage de
fa chûte. Les grandes çntreprifes exigent plus
d’intrépidité que de fageffe : & quand on craint
la fortune, on l ’affervit rarement. Ferdinand
n’oublioit rien pour écarter cet orage : il fui vit le
grand (ou le petit ) principe de divifer pour affoiblir
D ’abord il gagna Maximilien de Bavière, prince
de fa maifon ; il lui promit l’él'eâorat dont il
devoit dépouiller le rebelle; par-là il acquit à
fon parti un général eftimable , St parvint à divifer
les deux branches Palatines. Il tâchoit cependant
de ramener fes ennemis par des voies pac fiques.
Il promettoit même aux rebelles une entière fatis-
faérion ; mais les Hollandois St l’éleâeur Palatin
firent rêfoudre la guerre. Alors. Ferdinand fit ufage
Y y y 1