
•488 E S S
la frayeur qu’eut Antoine, par l’énormîté de Vex-
voto.
Charlotte Des Ejfarts, comteffe de Romorentin,
£Ue de François Des Ejfarts, lieutenant général
pour le roi en Champagne, fut maîtreffe de
Henri IV , dont elle eut deux filles qui furent légitimées
; fa voir, Jeanne-Baptifte de Bourbon, ab-
beffe de Fontevrault, & Marie-Henriette de Bourbon
, abbeffe de Chelles: elle fut enfuite maîtreffe
du cardinal de Guife, Louis de Lorraine, fils du duc
de Guife le balafré ; elle en eut aufli des en fans &
n’en époufa pas moins le maréchal de l’H ôpital,
connu alors fous le nom deDuhallier, dontelle n’eut
pas d’enfans. Ses intrigues dans les affaires de Lorraine,
ayant nui pendant quelque temps à l ’accommodement
de la France avec le duc de Lorraine
en 1641 , le cardinal de Richelieu exigea de
Duhallier, qui n’avoir eu aucune part à ces intrigues,
qu’il donnât une de fes terres pour prifon à fa
femme; elle y mourut en 1651. Nous ignorons
fi elle étoit de la famille de Pierre & Antoine
Des Ejfarts.
ESSÉ, ( André de Montalembert, feigneur d’ )
( Hijl. de Fr. ) vaillant capitaine, qui fit' fes premières
armes fous Charles V I I I , à-la bataille de ;
Fornoue, remplit de fes exploits les règnes de
Louis X lt & de François I , & fut tué fous
Henri I I , le i z juinr i55^ , d’un coup d’arque-
bufe î fur la brèche de Thérouanne qu’il défendoit, ;
comme en 1543 il avoit défendu Landrecy contre |
l’empereur en perfonne & contre toutes fes forces. ,!
Rien de plus mémorable que le fiége de Landrecy
fous François I ; h levée de ce fiége , due à la fer- . '
mete de d'EJJé-. & de la Lande affocié à d'Effé)
dans cette défenfe, eft un des grands affronts quel
Charles-Quint aitefiuyés.D'EJfé, pour récompenfe, '
fut fait gentilhomme de la chambre; mais tout le
monde difoit qu’il étoit plus propre à donner une
camifade d l'ennemi, qu’à prêjenter la chemife au
roi. François I le choifit dans un tournoi pour un
de ceux qui dévoient fojjtenir l’effort des quatre
plus rudes lances qui fe. préfenteroient : nous
fommes quatre gentilshommes de la Guyenne ( difoit ce
prince , qui fe regardoit comme appartenant à
cette province, parce qu’il étoit né à Cognac. )
nous fommes quatre gentilhommes qui courons la bague
çontre tous allans & venans de la France: Moi, Sanfac,
(TEJfé 6 la Chataigneraye, D'EJfé, dans les villes
qu’il prenoit d’affaut y fauvoit toujours de la fureur \
du foldat les femmes qui réclamoient fa protec-?.
tion, Lorfqu’il partit pour! aller défendre, Thé- i
rouanne, il étoit depuis trois ans dans une langueur;,
mortelle, qui s’annonçoit par une jauniffe générale,'
fruit d’une guerre pénible qu’il avoit faite en Ecoffe -
au commencement du règne de Henri IL Le pl'aifir
defervir & d’être utile parut le ranimer : Je ne èrqi-i
gnois rien tant, difoit-il à fes amis, que de mourir dans \
tnon lit. Sire, dit-il au roi ? fi vous entende£ dire que
Thérouanne ejlpris9 vous entendre^ dire çn mèmè temps*
E S S
que èJEJfé ejl guéri de fa jauniffe. En effet, on reçut
en même temps la nouvelle, & de la mort de d'EJfé
& de la prife de Thérouanne. Si le fiége eût été
le vé, comme il l’eût été fans la mort de d'EJfé, le
roi deftinoit à ce vaillant homme le bâton de maréchal
dè France. D ’EJfé étoit né en 1483 ; il étoit
d’une ancienne famille, qui tire fon nom de la
terre de Montalembert en Poitou.
ESSEX, ( R o b e r t d ’Ev r e u x , c o m t e d * )
( Hijl. d'Angl. ) efl de tous les amans de la reine
d’Angleterre Elifabeth , celui qu’elle a le plus aimé
& le plus haï : elle étoit v ieille, & il étoit dans
tout l’éclat de la jeuneffe ; il la gouvernoit 8c le lui
faifoit fentir : o r , ce que la reine craignoit le plus
étoit d’être & de paroître gouvernée ; il aimoit la
guerre & l,a gloire , & n’aimoit point la reine ; il
cherchoit toutes les occafions d’aller fe fignaler
loin d’elle ; il vint deux fois malgré elle en France
porter du fecours à Henri IV çontre la ligue,
a L’infolent, difoit-elle avec indignation, voudroit
» perfuader qu’il gouverne l’Angleterre ; mais je
v lui ferai ^oir qu’il n’e ft, quand je le v eu x , que
» le dernier de mes fujets. » Ejfex avoit des qua*
lités brillantes, une valeur héroïque, de grands
talens;il avoit rendu d’importansfervices'; il avoit
enlevé Cadix aux Efpagnols 8c fait refpeâer en
France les armes de l’Angleterre: fon commerce
avec la reine étoit toujours troublé par des orages >
il prenoit avec elle les airs avantageux d’un favori
qui n’aime pas , ôc qui veut qu’on fâche qu’il efl
aimé. Son orgueil imprudent traitoit fans ménagement
un orgueil implacable ; il affeâoit de braver
la reine, qui affeâoit de l’humilier en toute occa^
fion. Ses avis étoient fouvent rejetés, & parce
qu’ils étoient donnés avec hauteur , & parce
qu’ils étoient de lui ; & fouvent elle ne le con-
fultoit que pour lui donner le dégoût de voir prévaloir
l’avis contraire au fien. I/n jour qu’elle
venoit d’en ufer ainfi dans une délibération importante
, le comte d?Ejfex s’oublia jufqu’à lui tourner
le dos $vec un mouvement marqué de colère & de
mépris; la reine , indignée d’une telle infolence,
lui dçnna un fouffiet ; le comte, ne fe connoiffant
plus, porte la main à l’épée.t....> il s’arrête : « J’ai
! î* tort, dit-il, tout eft permis à une femme; mais
» je jure que Henri VIII ne m’auroit pas fait im-
» punément unrtel affront. » Il refta long-temps
dans la difgrace , fans vouloir faire la moindre
démarche pour en fortir, quoique les courtifans ,
jugeant par la colère même d’Elifabeth, qu’ellp
s’appaiferoit infailliblement, s’empreffaffent d’offrir
au comte leur médiatjon.Elifabeth attendoit toujours
que le comte s’humiliât & demandât pardon ; mais,
comme enfin elle ne pouvoit fe paffer de lui, 8c qu’il
ne pouvoit fe paffer de la faveur, la réconciliation
fe fit d’elle-même : cependant la reine & le comte
f Ejfex avoient fouvent, befoïn de fe féparef';
Ejfex demanda la vice-royauté d’Irlande, & pour
, fon malheur il l’obtint. A fon départ , la reine lui
donna
E S S
Sonna des inftru&ions, dont elle lui défendit ex-
preffémen t de s’écarter ; le comte, qui n’aimoit-ni les
•ordres, ni les défenfes, fuivit un plan tout diffé-
-rent, & malheureufement le fiiccès ne jufiifia
point fa défobéiffance; il demanda du fecours contre
•les rebelles d’Irlande, on lui en envoya, mais avec
<de nouveaux -ordres qu’il méprifa encore , & toujours
fans être juftifié par le. fuccès ; il fut que la
-•reine étoit irritée & que fes ennemis triomphoient :
il part fans congé, paffe en Angleterre, & ufant de
tous les droits d’un favori , entre en habit de campagne
jufques dans la chambre de la reine , au moment
où elle fe levoit, met un genou en terre,
lui baifola main, reçoitun accueil qui l’encourage,
v a fe parer, revient faire h cour , reçoit toujours
te même accueil , croit avoir effacé fes torts
en fe montrant & avoir terraffé fes ennemis d’un
coup d’oeil. Le foir, la face de la cour change,
‘l’orage fe déclare ; la reine, d’un ton 8c d’un
vifage févères, demande compte à Ejfex des affaires
-d’Irlande, & lui annonce que fa conduite ayant
donné lieu à des reproches graves , elle veut qu’il
fe juffifie devant les lords du confeil. Le comte fut
condamné à perdre fes emplois, & à refier en prifon
'tant qü’il plairoit à la reine. Elifabeth déclara qu’elle
avoit voulu ïe punir, & non pas lé perdre ; 8c le
comte eut famaifon pour prifon. Il fut attaqué d’une
maladie qu’on attribua au chagrin. Elifabeth alors
-retrouva dans le fond de fon cceur des refies de
-tendreffe pour le comte , & lui fit porter des paroles
.de confolation; elle parut même lui rendre une partie
de (a faveur , mais une partie feulement, & le
comte-s’enapperçut trop bien ; il fentit amèrement
les reftriétions que la reine mettoit à fes bontés,
l\ ne fut pas être difgracié : un refus formel qu’il
jeffuya fur une grâce pécuniaire qu’il demandoit,
lui rut infupportable ; il ne put diffimuler fon ref-
fentiment ; il laifla échapper dans fa fureur un de
ces mots que rien ne peut plus réparer: cette vieille
femme, dit i l , a Vefprit aujfi mal fait que le corps. Du
moment que ces paroles eurent été redites à Elifabeth,
le comte à’EJfx fut condamné fans retour.
Un autre crime irrémifiible aux yeuxd’Eiifabeth,
c ’eft que le comte d'Ejfex avoit traité avec le roi
d’Ecoffe, qu’elle haïffoir-doublement, & comme
fon héritier & comme fils de Marie Stuart. Ejfex
avoit offert "à ce prince l’appui de fon parti pour
lui faire affurer la fuçceflion d’Angletérre.
Le comte d'Ejfex n’a voit plus qu’un moyen de
fau ver fa tête, c’étoit d’être irréprochable , & de ne
fournir à la vengeance aucune occafion ; il prit le
parti d’être coupable ; il voulut fe rendre redoutable
a Elifabêth; ilécoüta.& raffembla les mécontens; il
courut dans les rues de Londres, l’épée à la main,
tâchant d’émouvoir le peuple-: perfonne ne fe
joignit à lu i, fes amis même l’abandonnèrent ; il
fut pris, jugé, convaincu d’avoir formé de complot
de forcer le palais; $C d’obliger la reine à chaffer
les miniftres qu’ il haïffoit; condamné à perdre la
$ête, il mourut avec affez de foibleffe. en ido i )
• ffifoire, Tome I I . Seconde part.
E S S '489
La reine l’aimoit encore plus qu’elle ne croyoit,
elle ne haïffoit en lui qu’un orgueil incompatible
avec le fien ; elle lui auroit pardonné, fi elle l’eût
vu demander fa graçe. Agitée, incertaine, elle
balança long-temps; elle figna l’ordre , le révoqua,
le confirma, le laiffa exécuter enfin, déterminée
principalement par la crainte qu’on lui infpira des
projets du comte, & plus encore peut-être par
l’idée exagérée de fes mépris pour elle.
La mort du comte cl'Ejfex fut vengée. Elifabeth
éprouva qu’on n’immole pas impunément ce qu’on
aime. Depuis cette fatale époque, le fommeil entroit
à peine dans fes yeux, & la joie n’entra plus dans fon
coeur. Un filence farouche, une langueur mortelle ,
des rêveries fouvent foivies de larmes, des foupirs
quiluiéchappoient toutes lesfois qu’on prononçoit
! devant elle le nom de l’infortuné comte A’Ejfex^
annonçoientle chagrin profond qui la confumoit*
& qui la conduisit lentement au tombeau.
« Laffe de tout ce qui peut plaire ici-bas, je defire
» la mort » , difoit-elle à l’ambaffadeur de France.,
Chrifiophe de Harlay, comte de Beaumont; elle
ajouta : « l’ambition démefurée & la conduite dm
j> comte d’Ejfex me faifant préfager fon malheur ,
» je l’avertis, deux ans auparavant, de ceffer de
» prendre plaifir à me mortifier dans toutes les
» occafions & à marquer du mépris pour ma per-
» fonne ; mais quand je vis qu’il en vouloit a ma
sj couronne, je me crus jj^ligée de Le punir....«
» La mort feule cependant éteindra dans moname
jj un fi douloureux fouvenir. »
En effet, le comte d’EJfex fo préfentoitfans cefle
à fa mémoire, non plus avec çes hauteurs, cette
indocilité, cette froideur fuperbe quiavoient excité
tant de colère & préparé fa perte; mais dans tout
l’éclat de fa gloire, avec .ces grâces de la figure &
de l’efprit, avec cè mélange de qualités brillantes
& de manières aimables qui faifoit le charme de
fon commerce , avec cet amour des lettres qui for-,
moit un lien fi intéreffant entre la reine & lui.
Elifabeth croyoit que le comte d’Ejfex avoit
dédaigné de lui demander grâce; mais la comteffe de
Nottingham, confidente de la reine, lui révéla en
mourant un terrible myftère. Le comte d?Ejfex „
après la prife de Cadix, dans le moment le plus
brillant de fa faveur, dans l’un des plus tendres
épanchemens de l’amitié, avoit dit à la reine;
« L ’ardeur de vous fervir m’éloigne fouvent de
» votre cour; quand je vais combattre vos en-
» nemis, je laiffe les miens auprès de vous ; puis-je
» efpér.er que votre coeur me défende toujours
» contre leurs artifices & leurs calomnies ? Je
11 ferai plus, dit Elifabeth, je veux vous défendre ,
» dans tous les cas poffiblçs, contre vos propres
v torts & contre mes .erreurs. » Elle Lui donna
une bague, & lui jura que dans quelque difgrace
qu’il pût tomber, méritée .011 non, ce monument
de fa tendreffe , remis fous fes yeux., feroit pour
le comte un gage certain de clémence & de falut.
Après la condamnation du comte, elle attendoit