
de toutes les forces de fon parti. Rome & Madrid
lui promirent de puiffans fecours ; vingt vmille
£fpagnols fe rendirent aufli-tôt en Allemagne. Ce
«renfort ne pouvoit être balancé par trois mille
hommes, que le roi Jacqnes envoya à fon gendre ;
une bataille fanglante, livrée fous les murs de
Prague ( ï6 a o , 19 n o v .) , ruina entièrement le
parti de Frédéric, & l’expofa au reffentiment de
Ferdinand. En même temps le tranfiivain Gabor,
après avoir eu quelques fuccès en Hongrie > fuc-
comba fous le génie de l’illuftre Valftein, malgré
les efforts de la Porte & de Venife. Les Turcs & les
Vénitiens, réunis fous la même bannière, offroient
un fpe&acle nouveau; mais il étoit de leur avantage
d’affoiblir la maifon d’Autriche ; e’étoit y
réufïir que de lui enlever le royaume de Hongrie,
& d’y maintenir Gabor. Valftein, dont on vient
de parler, étoit né fimple gentilhomme de Bohême ;
mais fon mérite l’avoit élevé aux premiers grades
de la milice , & il avoit déployé par-tout des
talens fupérieurs. Il n’eut pas plutôt forcé Gabor
d’évacuer la Hongrie, qu’il repaffa dans la Bohême,
où Erneft de Mansfeld luttoit encore pour rétablir
le parti de Frédéric : il l’attaque dans toutes les
rencontres ; & toujours vainqueur , il le chafle de
rivière en rivière : ih l’écrafe à Delfau , & force
enfin ce fameux partifan à chercher un afyle en
Italie, où une mort équivoque termina fesinfor tunes.
Il mourut en héros , recommandant à fes foldats
de fe facrifier pour la gloire inféparable de la liberté
germanique. Valftein, toujours heureux & aéfif,
marche contre Brunfvick & les autres proteftans
de l’Empire. Il prend d’affaut Halberftadt, fe rend
maître par rufe de la fortereffe de Baal, & ravage
le territoire de Magdebourg , à la vue de deux
armées accourues, pour la défendre. Se tournant
enfuite vers le Nord, il chafle le duc Meklenbourg
de fes états, s’empare de la Poméranie, envahit la
Baffe-Saxe, ravage les bords de la Baltique ; &
«rois campagnes lui fùffifent pour foumettre à l’em- Îiereur cette vafte étendue de pays entre le Vefer &
es bouches de l’Oder. Ferdinand, vainqueur par fes
généraux , s’occupe à fatisfaire fes vengeances ,
& accable l’Allemagne du poids de fon defpotifme.
Frédéric eft mis au ban de l’Empire : fes terres &
fes titres font donnés à Maximilien fon frère &
fon vainqueur. Valftein reçoit pour récompenfe
le duché de Meklenbourg, qu’il a ravi à fes anciens
maîtres. Les. édits les plus rigoureux font publiés
contre les proteftans, & tous ces aâes d’autorité
font diélés par l’empereur, qui dédaigne de confulter
les états. On n’affembloit plus les diètes , & tout
fe décidoit dans le confeil du monarque. Ferdinand
fit couronner fon fils roi de Hongrie & de Bohême.
On feignit de biffer aux Hongrois la liberté des
Ihffrages, mais on ïi’iifa point de ce ménagement
envers les Bohèmes. On leur préfenta le nouveau
roi , & on leur ordonna d’obéir. Cependant le
confeil de France , éclairé par Richelieu, fentit
gu’il étoit néccffaire d’interrompre une fortune
aufli confiante ; & Louis XIII s’apjfëFÇut que, s*#
étoit intéreffant d’abaifler les proteftans de France,
il étoit d’une fage politique de ne point biffer
abattre ceux d’Allemagne. Il falloit divifer ce
grand corps de princes, qui, s’ils euffent tous prêté
la même obéiffance à Ferdinand , enchaînoient
l’Europe à b maifon d’Autriche, qui déjà poffédoit
quatre trônes, dont deux, l’Efpagne & b Bohême,
étoient gouvernés defpotiquement. Valftein con-
tinuoit fes vi&oires, & Stralfund étoit l’unique
place qui lui oppofât une barrière. Cette ville
impériale, à qui le commerce favorifé par fa fituation
avoit donné une marine , des richefles & des ,
fortifications, faifoit de continuels efforts pour fa
liberté, dont b perte paroiffoit inévitable. Tel étoit
l’état de l’Empire, lorfque b France s’unit fecréte-
ment avec Guftave-Adolphe, l’émule des Alexandre
& des Céfar , qu’il égaloit par fes talens & qu’il
furpaffoit par fes vertus. Guftave, en humiliant
Ferdinand, vengeoit fa gloire offenfée, & foutenoit
les intérêts de fon trône. L’empereur avoit témoigné
du mépris pour ce grand homme, & fourniffoit
des fecours à Sigifmond, roi de Pologne, implacable
ennemi de 1a Suède : aidé d'un fubfide de douze
millions que lui payoitlaFrance, Guftave feprépara
à entrer en Allemagne avec vingt mille hommes.
Cette armée , peu confidérable par le nombre ,
étoit compofée d’hommes robuftes, que 1a viéfoire
avoit fuivis dans vingt batailles. Les premiers foins
du héros furent de délivrer Stralfund. Valftein ,
jufqu’alors invincible, eft forcé de lever le flége.
Guftave avoit caché fes deffeins ; mais, dès qu’il
eut mis Valftein en fuite, il fe déclara le libérateur
de l’Empire ; il fit une defeente dans l’île de Rugen ,
d’où il chafla les lieutenans de l’empereur ,rjui fe
rembarquèrent avec précipitation. Il lesfuivit dans
b Poméranie & entra en Allemagne. Le duc foü-
verain de cette province, à l’exemple des autres
princes du corps germanique, fervoit Ferdinand
qu’il n’aimoit pas ; mais il redoutoit fa yengeance *
s’il venoit à l’abandonner. Guftave le força de
garder b neutralité ; & pour s’aflurer une communication
avec b Suède, il fe fit affurerla régie de
fes états. Ferdinand, qui quelques mois auparavant
ne croyoit pas qu’aucune puiffance pût renflera la
ficnne , fut étrangement furpris d’être fommé par
* les députés de Guftave de rendre aux princes
dépouillés leurs biens, aux proteftans 1a liberté de
confcience, à l’Empire fes privilèges. Guftave invita
en même temps les membres du corps germanique
à s’unir avec lu i , & promit de ne point mettre
bas les armes qu’il n’eût brifé le joug fous lequel
leur chef les tenoit. Le Palatin Frédéric, qui depuis
fon ban vivoit ignoré dans un coin de 1a Hollande,
& le duc de Meklenbourg, accoururent, & remirent
leur fort entre les mains de Guftave. Magder»
bourg montra des difpofitions à 1a révolte. Les états
proteftans , au comble de 1a joie de voir un fi digne
vengeur de leur culte, s’affemblèrent à Lèipfick ,o à
ils firent à l’empereur de[très-humbles remontrances,
& les appuyèrent d’une armée de quarante mille
hommes , qui de voit faciliter les opérations des
Suédois. Ferdinand employoit les négociations au
plus fort de b guerre ; mais l’aâivité de Guftave
rendit tous fes efforts impuiffans : fon général
T illi, qu’il avoit fubftitué à Valftein , déploya en
vain tout ce qu’une longue expérience lui avoit
appris : Guftave déconcerte fa vigilance , & met
l’Oder entre les Impériaux & lui. Jamais guerre
ne fut pouffée avec plus de chaleur , ne caufa
tant de ravages & ne produifit plus de grands
éyénemens.Tilli, furieux de s’être biffé tromper,
fe jette fur Magdebourg qu’il détruit. Les habitans
de cette déplorable ville font impitoyablement
égorgés. Il pénètre enfuite dans b Saxe , que le
roi avoit biffée fans défenfe, pour punir le duc ,
q u i, fous une feinte amitié, méditoit fa ruine, &
y met tout à feu & à fang. L’éleâeur, dont les
armes fiiédoifes font l’unique reffource pour fau~
ver fon pays , fe jette dans les bras de Guftave,
qui lui pardonne, & qui l’oblige de lui confier
toutes fes forces. T illi fe rend maître de Leiplîck,
mais une défaite dans une bataille rangée 'près de
cette ville le contraint de prendre 1a fuite. Le
héros fuédois profite de tous les avantages que
lui offre fa vi&oire; une armée commandée par
l ’éleveur de Saxe pénètre dans les états héréditaires.
de l’Empire : une autre va nettoyer les
bords de b Baltique ; 1a troifième , conduite par
Guftave, envahit 1a Franconie, bat une fécondé
fois T il li, prend Francfort, fe rend maître de tout
le cours du Mein, parvient jufqu’au Rhin , d’où,
fe repliant brufquemerit vers le Palatinat, il en
chaffe les Efpagnols & Ië rend à Frédéric V .
T illi, n’ofant plus s’expofer en bataille rangée,
veut au moins difputer le paflage des rivières. Il
fe porte fur le Le ck, que fa profondeur & fes
bords efearpés rendent peu praticable à une armée ;
mais ce nouvel obftacle eft furmonté ; Tilli
perd la vie dans un choc où ce vieillard s’expofe
en téméraire , & le chemin de Vienne eft ouvert
au vainqueur. Guftave prend Munick » & fes
généraux infultent Ratisbonne , où une diète, compofée
des feigneurs de la ligue catholique, délibère
fur les moyens de retarder b chute de Ferdinand.
Ce prince, dans un péril aufli imminent,
privé de fon général, jette les yeux fur Valftein.
Ce vieillard , qu’il a outragé, eft trop fenfible à
la gloire pour rëfufer l?honneur de commander.
C ’eft ici le moment où l’hiftoire d’Allemagne offre
le tableau le plus intéreflant. L’Allemagne eft
envahie par un royaume qu’elle traitoit en province
fujette. Le plus puiffant monarque de l’Europe
refte tremblant dans fa capitale. Les deux
plus grands capitaines de leur fiècle font aux prifes ;
l’un combat pour 1a gloire & pour 1a liberté des
rois , que 1a maifon d’Autriche prétendoit aflervir ;
l ’autre par le defir d’abaiffer un conquérant qui
joint à l’expérience cette intrépidité que donnent
la force & le feu de l’âge ; par i’hg&Jieur de
lever un parti prefqu’abattu, & autrefois tr;om-
phant par fa valeur, & de montrer à l’Europe
un homme ftipérieur au héros qu’elle admire :
tous deux enfin brûlent du zèle d’aflurer la tupe-
rïoritè à leur religion. Valftein, avant de chercher
Guftave , eflaie fes troupes, & par de legeres
attaques adroitement ménagées , il relevée ^ ur
courage; il laiflëà Maximilien le foin de.defendre
b Bavière , & marche vers 1a Bohême en proie
aux Saxons , zélés partifans de Guftave. L’aigle
impérial reprend fon afeendant dans ce royaume
& dans bWeftphalie, d’où les Suédois font prefque
entièrement chaffés. L’efpoir renaît dans les coeurs ,
& les fuccès les rempliffent d’ardeur. Valftem,
qui voit combien il importe de ne pas la biffer
refroidir, prefle Maximilien de venir le joindre
pour livrer une bataillé décifive. Guftave, qui ne
fe biffe point éblouir par l’éclat de fes triomphes,
multiplie en vain fes efforts pour empêcher cette
jon&ion; inférieur en nombre, il fa't une retraite
favante fous les yeux des deux armées qui le
pourfuivent jufques fous le canon de Neubourg.
Les Autrichiens lui firent de continuels défis ; il
méprifa leurs infultes , & ce ne fut qu’après avoir
reçu de nouveaux renforts qu’il livra la fameufe
bataille de Lutzen , qui mit le comble à fa gloire,
mais qui lui coûta 1a vie. Le corps de ce prince, fi digne
de l’immortalité, fut trouvé fur le champ de bataille
percé de deux balles & de deux coups d épee. Une
aufli belle mort devoit terminer une aufli glorieufe
vie. Cette perte fut fatale à Frédéric , qui atten-
doit fon rétablifleinent des armes Suédoifes. Il
étoit alors malade à Mayence : le chagrin & le
mal le mirent au tombeau le 19 novembre 173 *»
Ainfi b perte de 1a bataille de Lutzen fut balancée
dans l’efprit de Ferdinand par b mort de fes deux
plus redoutabl s ennemis. Le corps de Guftave
! fut porté en triomphe dans prefque toute l’Alle-
1 magne. L’ombre feule de ce grand homme enflant
moit le courage de fes foldats ; la paix dont
l’empereur s’étoit flatté, ne fut* point rétablie :
le chancelier Oxenftiern , choifi par Guftave pour
gouverner b haute Allemagne, eft chargé par le
fénat de Suède de fuivre fes glorieux projets.
Oxenftiern put alors fe flatter que jamais un particulier
n’avoit joué un aufli beau rôle en Europe.4
Il convoqua une diète à Heilbron dans fa maifon
même, & y parut au milieu de tous les princes
proteftans de l’Empire, & des ambafladeurs de
France , d’Angleterre & des états-généraux. Il fe
fignala d’abord en faifanc ordonner b reftitution
du haut & du bas Palatinat à Charles-Louis , fils
de Frédéric ; ce jeune prince prit dès-lors le titre
d’élefteur ; le cardinal de Richelieu y renouvella
le traité fait entre b France & la Suède. Les affaires
ayant été réglées dans cette diète , les
généraux Suédois , Banier , Torftanfon & Va-
rengel ou Vrangel, fécondés du duc de Saxe-
Vcimar , fe répandirent dans les différens cercles
l de l’Allemagne, & y portèrent^ défobûon, Fer*