
défaftreux, il avoit vu Loui^ XTV, réduit par la
guerre à l’impoffibilité de continuer la guerre & de
faire la paix, verfer en plein confeil des larmes
ameres fur les maux de fon peuple qu’il ne pou-
voit foulager. M. de Torcy mourut le 2 feptembre
1646.
D une autre branche des Colbert étoit le marquis
de Villacerf, Edouard C o l b e r t , furintendant des
bâtimens , après M. de Louvois. Il mourut le 18
♦ ftobre 1699.
E d o u a r d C o l b e r t fon fils , marquis de Villa-
cerf, fin tué à la bataille de Caffel, le 11 avril
1677.
François-Michel C o l b e r t d e V il l a c e r f , un
autre de fes fils, fut tué au fiège de Fumes, le 5
janvier 1693.
G il b e r t C o l b e r t , marquis de Saint-Pouanges,
frère de M. de Villacerf, furintendant des bâtimens,
& , comme lui, fils d’une le T ellie r, étoit, pour ainfi
dire, le lien des deux familles miniftérielles , rivales
& ennemies, de le Tellier Louvois, & de
Colbert Seignelay.
T a c ts erat medivfque b e lli.
Il eut fous M. de Louvois un crédit en quelque
forte étranger à la famille Colbert. Ii mourut le
a 3 oâobre 1706.
La famille Colbert a produit encore plufieurs'
perfonnages diftirgués , foit dans les armes, foit
dans l’églife. Parmi ces derniers, on ne peut oublier
Charles-Joachim Colbert■ , fous les ordres duquel a
été publié ce catéchifme théologique de Montpellier
, fi eflimé. On fait quel rôle a joué dans les
«lifputes du janfénifme ce prélat célèbre.
Chéri dans fon parti, dans l'autre refpe&é.
COL1GN Y ( Hifl. de Fr. ) . On cr oit que la maifon
de Coligny vient des anciens comtes de Bourgogne
; & le bourg de*CoIigny-le-Vieiî, dont cette
maifôn tire fon nom, eft en Franche-Comté. Nous
avons parlé à l’article C h a î i l l o n (yoye^ cet article')
des principaux perfonnages de la maifon de Coligny,
qui ont porté ce nom de Châtillon à caufe de leur
terre de Châtiîlon-fur-Loing. Le moment où cette
maifon joue le plus grand rôle dans l’hiftoire ,
commence au maréchal de Châtillon , mort à Dax
le 24 août 1522, en allant ftcourir Fontarabie, &
dont le fameux Anne de Montmorenci, depuis
connétable, eut le bâton de maréchal. Louife de
Montmorenci, femme du maréchal de Châtillon,
étoit la foeur du connétable Anne. De ce mariage
étpit né , entre autres enfans , l’amiral de Coligny,
tué à la fàint-Bdrthelenii, l’homme le plus illuftre
de fa maifon. Il fit fes premières armes dans les •
dernières guerres de François 1er, & fut dange-
reufement bîeffé en 1543, au fiège deBinche. Sous
le règne de Henri II il fut fait amiral. Il tenta d’étabhr
une colonie de François au Bréfil; fur terre
il difciplina les troupes, & rendit des fervices ef-
fentiels. La perfécution qu’éprouvoient alors îes
Proteftans l’entraîna dans leur parti •. il en fut le
chef d’abord fous le prince de Condé, tué à Jarnac ,
& feul enfuite, au nom du jeune roi de Navarre ;
11 fqt pour le moins foupçonné d’avoir eu part à la
conjuration d’Amboife ; il le futauffi de la mort du
duc de Guife François ; Poltrot, qui ne ceffa de varier
, & dans le cours du procès , & à la queftion &
à la mort, le chargea plufieurs fois, & le déclara
autant de fois innocent. Il en dit affez pour que les
Guifes & les Catholiques aient cru Colipny coupable
, pour que lés Proteftans l’aient jugé innocent
, mais il n’a pas réfolu le problème aux yeux
de la poftérité. Il paroît que ce foupçon de complicité
contre l’amiral de Coligny fut principalement
fondé fur deux faits : l’un , que Poltrot ayant
été adreffé à l’amiral de Coligny par Soubife , avec
une lettre de ce dernier, l’amiral, après avoir lu
la lettre, dit à Poltrot : On me mande que vous aveç
le dejir de bien fetvirla religion , Jerve^-la donc bien ;
mot dans lequel ori voulut trouver du myftère,
& qu’on crut concerté entre l’amiral & Soubife ,
pour que l’amiral pût nier qu’il eût fu le projet de
Poltrot.
L’autre fait eft que l’amiral, pour fe laver de ce
foupçon, difoir publiquement : « je n’ai aucune part
» à la mort du duc de Guife'. mais je ne puis que me
” réjouir de la mort d’un fi dangereux ennemi de
” notre religion»'; mot qui étonna dans la bouche
d’un homme fi prudent, mot cependant dont la
franc-hife femble prouver l’innocence de l’amiral.
Sa vie entière paroît démentir l’idée qu’il ait pu
fe permettre la refiource de l’affafiînat.
Les partifans de l’amiral de Coligny réclamoient
pour lui l’honneur de la prife de Calais : le duc de
Guife, difoient-ils , n’avoit fait que fuivre les mémoires
de l’amiral, & qu’exécuter fon plan, l’amiral
n’ayant pu l’exécuter lui - même, parce qu’il
avoit été fait prifonnier à Saint-Quentin.
Il fauva le parti proteftant après la bataille de
Jarnac; il battit le duc d’Anjou à la Roche- l’A beille
, le maréchal de Cofié à Arnay - le - Duc ; il
perdit la bataillle de Moncontcur ( 1569 & 1570,)
Malheureux quelquefois , mais toujours retîouté j
Savant dans les combats , (avant dans les Retraites ;
Plus grand , plus glorieux .plus craint dans fes défaites,
Que. Dunois ni Gaflon ne l’ont jamais été
Dans le cours triomphant de leur profpérité.
Ou vainqueur ou vaincu, il faifoit toujours la
guerre avec des forces inférieures, compofées d’An-
glois & d’Allemands, toujours prêts à fe difiipcr
faute de paye , & de nationaux qui fouvent s’ac-
corcloient mal avec ces étrangers, & qui dlailleurs,
fervant par un choix libre,non par le devoir de
Pobéiffance , étoient plus difficiles à foumettre au ’
joug de la difcipline. Ajoutons que lui feul alors
favoit faire une guerre fyftématique, prévoir &
furmonter les obftacles , prévoir meme les echècs
qu’il ne pouvoir éviter , & les réparer toujours.
La plupart des généraux de fon temps n’étoient
encore que des chevaliers & des foldats , lui feul
eft un général. Supérieur au prince de Conde , au
connétable de Montmorenci, & meme au duc de
Guife, François, il e ft, depuis le connétable du
Guefclin, le premier François pour qui h guerre
ait été un art. Du Guefclin même n eut peut-etre
pas, comme lui, ce talent fingulierde tirer parti de
fes défaites , & de rendre la viétoire infruélueufe à
l’ennemi. C e ft- là le trait qui caraftéri{e Coligny. _
Maharbal difoit à Annibal: vous faye^ vaincre^An-
nibal, vous ne fave^ pas ufer de la viEloïre. Il eut dit
au général François : Coligny, vous ne pouve£ pas
toujours vaincre, mais le fu i t de la vifloire n efl ja mais
que pour vous. Ce fur lui en effet qui parut avoir
vaincu à Jarnac & à Montcontour, puifque dès
le commencement delà campagne fui vante il porta
la guerre d’uue extrémité du royaume a l’autre,
" & jufqu’aux portes de Paris.
Un autre trait qui peint Coligny, & qui nepou-
voit échapper à l’auteur de la Henriade , eft celui
qu’expriment ces deux vers :
Coligny dans fon coeur, à fon prince fidèle,
Aiïïiou toujours la France en combattant contre elle.
Ce Fut par - là qu’on l’attaqua & qu’on triompha
de lui. Jufques- là Coligny, plus religieux que
.politique , content d’obtenir pour fon parti, a chaque
traité de paix, la liberté de religion, n’avoit
jamais voulu d’autre sûreté que la parole du roi.
Sujet fournis , patriote zélé, les feuls intérêts de
fa religion exceptés, quand fon parti lui propofoit
«l’exiger des places de sûreté : rwtre religion efl libre,
difoit-il, que pourrions-nous defirer de plus? On ad-
miroit avec quelle promptitude & quelle facilité ,
à chaque nouvel armement, ces troupes fe ran-
geoient fous fon obéiffance , ou etoient forcées d’y
retourner ; ce fuccès étoit du en partie a la crainte
qu’infpiroient fes armes , en partie à fes talens pour
la négociation ; c’étoit auffi l’effet de la confiance
qu’infpiroit fa vertu, de l’indignation qu’excitoit
une cour toujours parjure. Il étoit beau de dire au
roi: «Je me fie encore à votre parole, quoiqu’on
» vous y ait déjà fait manquer ». Il étoit grand de
dire à fes ennemis: « Je vous rends vos places,
n je faurai bien les reprendre, fi vous m’y forcez
t) par votre infidélité».
Les exemples de cette infidélité s’étant multipliés
, on offrit des places de sûreté , elles furent
acceptées; ôn prodigua les affuranoes, on épuifa
toutes les reffources de la politique pour étouffer
tout foupçon, pour égarer toute prudence ; on
féduifit jufqu’au Cage Coligny $ fes défiances ne
purent tenir contre le projet d’aller conquérir, pour
le ro i, les.Pays-Bas fur le roi d’Efpagne. On lui
propofoit de purger la France, comme avoit fait
autrefois le connétable du Guefclin, des gens de
guerre, dont les difeordes civiles l’avoient remplie,
& d’aller porter du fecours à fes frères des Pays-
Bas , opprimés pour leur religion. Cette entreprife
étoit fi naturelle, fi conforme aux intérêts appa-
rens de la France 3 .fi conforme fur-tout aux defirs
de l’amiral, qu’il ne put lui tomber dans l’efprit
qu’on préférât le parti monftrueux d’égorger un
tiers de la nation , fans autre fruit que l’exécration
publique. Il vînt à Paris faire les préparatifs
néceffaires. Qu’il vienne avec ou fans efeorte ,
qu’il retourne à Châtillon, qu’il revienne à Paris ;
toujours attiré , jamais retenu, il eft accueilli, con-
fulté ;on lui montroit une confiance , on le com-
bloit d’honneurs, dont l’excès même , juftifié par
le befoin qu’on paroiffoit avoir de lu i, & par
l’emploi dont on le chargeoit, ne pouvoit être
fufpeâ. On prenoit avec lui des mefiires pour ne
pas effaroucher l’églife, ni alarmer l’Efpagne ; mais
luivoyOit-on quelque ombre de défiance, on ne
ménageoit plus rien , on fe livroit entièrement
à lui, on pouffoit la diffimulation jufqu’à rompre
prefque ouvertement avec l’Efpagne ; on alla juf-
qu’à envoyer en Flandre des nuguenots François
qui furprirent Mons & Valenciennes, & qui préparèrent
les voies à l’amiral. Il fallut bien fe rendre
à de tels faits.
Le roi fur - tout témoignoit à l’amiral une confiance
qui inquiétoit, ou paroiffoit inquiéter fx
mère : interrogé par elle fur une longue c o n v e n tion
qu’il venoit d’avoir avec Coligny, il répondit
d’un ton menaçant: il m'a confeillé, madame , de
régner par moi - même. Il n’appelloit j a mais Coligny
que fon père.
Coligny eft affafîinè par. Morevel, mais il eft
feulement bleffé. A cette nouvelle, le roi entre
en fureur; étoit-ce de ce que le coup avoit été
tenté, ou de ce qu’il avoit. été manqué ? Il court
chez l’amiral, l’embraffe, l’appelle plus que jamais
fon père, pleure fur lui comme Charles V I avoit
pleuré furie connétable de Cliffon , lorfque celui-
ci avoit été affaffiné par Craon, le recommande.
au zèle & aux talens d’Ambroife Paré, jure, avec
les imprécations qui lui étoient familières, de tirer
de ee crime une vengeance terrible, fait fermer
les portes de là ville pour que le coupable ne pût
s’enfuir; tournant ainfi en marques d’intérêt pour
l’amiral, les précautions mêmes qu’il prenoit pour
l’empêcher de fortir delà ville, lui & fes amis,
remplit Paris de gardes & de foldats dans le même
efprit, & comme pour défendre l’amiral contre fes
ennemis.
L’attentat de Morevel eft du 22 août, & le maf-
facre général, où Coligny périt un des premiers,
eft de la nuit du 23 au 24. ( Voyc^ l'art. B ême. )
Le ro i, la reine - mère & toute la cour allèrent
Ce 2